Au quotidien n°184 : non à l’euthanasie

Publié le 09 Avr 2021
Au quotidien n°184 : non à l’euthanasie L'Homme Nouveau

C’est le titre sans ambiguïté de la dernière chronique de Luc Ferry dans le Figaro (8 avril 2021). Le philosophe développe trois arguments, essentiels à ses yeux, pour s’opposer à cette rupture de civilisation, également dénoncée dans le même quotidien (6 avril 2021) par le romancier Michel Houellebecq.

Pour commencer, chacun sait que la maladie, voire la simple insertion en milieu hospitalier sont un facteur notable de dépression dont le premier symptôme réside dans une indifférence accrue à l’égard de sa propre vie : est-il raisonnable, dans ces conditions, d’ouvrir la voie au suicide assisté ? (…)

D’autant que la thèse des défenseurs de la « mort dans la dignité », et c’est mon deuxième argument, sous-entend par son intitulé même que la dignité humaine serait liée à l’autonomie et que, dans l’extrême dépendance psychique et physique où peuvent nous plonger parfois la vieillesse et la maladie, cette dignité pourrait en quelque façon se perdre. Un être humain serait à leurs yeux indigne parce qu’affaibli, son état misérable lui aurait ôté la beauté, la vigueur et le charme de la jeunesse en pleine santé. Eh bien pour dire les choses clairement, c’est cette conviction que je trouve indigne, à vrai dire répugnante. Un être humain peut-il jamais perdre sa dignité ? Sans doute, par sa faute, s’il commet des infamies, certainement pas parce qu’il est vieux ou malade.

Enfin, aux yeux de ses partisans, le suicide assisté se résumerait au face-à-face d’une demande et d’une réponse toutes deux également libres et réfléchies. (…) Pour être franc, et c’est mon troisième argument, je ne crois ni à l’un ni à l’autre des deux membres de ce scénario idéal. Il me semble au contraire évident que la notion « d’assistance » indique assez qu’on ne se situe pas dans le cadre de l’exercice d’une liberté pleine et entière, d’une autonomie parfaite. Car l’assistance implique forcément un rapport de dépendance à autrui. Les prosuicide se focalisent alors sur la demande et sur les garanties apportées au fait qu’on en vérifie le bien-fondé. (…)

Mais se préoccupant avant tout de la demande, ils en oublient trop vite l’autre moitié de cet étrange contrat, à savoir la réponse apportée à cet appel au secours. Loin de plaider en faveur de cette autonomie individuelle idéale que sacralisent les tenant du suicide assisté, l’appel proprement désespéré à l’autre montre que, dans cette affaire, il est essentiellement dépendant psychologiquement, moralement et spirituellement – sans quoi, du reste, hors les cas infimes où c’est physiquement impossible, et qu’on évoque comme s’ils pouvaient justifier une loi universelle, il se suiciderait tout simplement sans faire appel à autrui. Du coup, c’est le problème éthique de la réponse apportée qui doit être tenu pour essentiel, bien davantage que la vérification obsessionnelle de la qualité de la demande.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociété

L’homme transformé (3/3) | Résister à l’emprise du monde moderne

DOSSIER n° 1843 « L’homme transformé, l’illusion d’un salut sans Dieu » | Face à un système fondé sur le consensus, la conformité et la servitude volontaire, la résistance ne peut plus prendre la forme des révoltes d’hier. Elle passe aujourd’hui par la lucidité, la formation intellectuelle et la reconstruction d’une vie réellement libre.

+

l’homme transformé totalitarisme
À la uneSociété

L’homme transformé (2/3) | La métempsychose du totalitarisme

DOSSIER n° 1843 « L’homme transformé, l’illusion d’un salut sans Dieu » | Sous des formes nouvelles, le totalitarisme poursuit son œuvre de domination. Né du rejet de l’héritage chrétien et de la volonté de refonder l’homme, il s’est recomposé dans les sociétés libérales contemporaines. Sans violence apparente, mais par l’idéologie, le contrôle social et le déracinement, il impose désormais une version de lui-même d’allure douce.

+

homme transformé totalitarisme
À la uneSociété

L’homme transformé (1/3) | Du totalitarisme au transhumanisme, la tentation de l’homme transformé

DOSSIER n° 1843 « L’homme transformé, l’illusion d’un salut sans Dieu » | Dans son essai L’Homme transformé, Philippe Pichot Bravard analyse un fil rouge de l’histoire moderne : la volonté de créer un « homme nouveau ». Des régimes totalitaires du XXᵉ siècle aux projets transhumanistes, cette utopie revient sous des formes différentes mais garde la même logique. Entretien.

+

homme transformé homme nouveau
À la uneSociété

La messe n’est pas dite : Zemmour réclame une bouée trouée

L’Essentiel de Thibaud Collin | Dans son nouvel essai La messe n’est pas dite, Éric Zemmour en appelle à un « sursaut judéo-chrétien » pour sauver la France. Mais sous couvert d’un éloge du catholicisme, l’auteur ne réduit-il pas la foi chrétienne à un simple outil civilisationnel ? Une vision politique, historique et culturelle qui oublie l’essentiel : la source spirituelle de la France chrétienne.

+

la messe n’est pas dite zemmour
Société

« Mourir pour la vérité » de Corentin Dugast : reconstruire notre vie intérieure

Entretien | Dans son nouveau livre, Mourir pour la vérité, Corentin Dugast rend hommage à Charlie Kirk, figure chrétienne assassinée pour son engagement, et appelle les catholiques à renouer avec une vie intérieure authentique. Entre prière, combat doctrinal et exigence de vérité, il invite à sortir de l’indignation permanente pour retrouver un témoignage chrétien ferme, paisible et profondément incarné.

+

Charlie kirk Amérique Corentin Dugast
SociétéÉducation

Éduquer à l’heure de l’intelligence artificielle

Entretien | Alors que l’intelligence artificielle s’immisce dans tous les domaines de la vie quotidienne, Jean Pouly, expert du numérique et des transitions, alerte sur les dangers d’une génération livrée aux algorithmes sans accompagnement et invite à reprendre la main sur nos usages numériques. Entretien avec Jean Pouly, auteur de Transmettre et éduquer à l’heure de Chat-GPT (Artège).

+

intelligence artificielle