À l’occasion de la parution du dernier essai du philosophe Robert Redeker, Réseaux sociaux : la guerre des Léviathans (éditions de Rocher), La Revue des deux-mondes (octobre 2021) s’est penchée sur le phénomène de la disparition de… l’âme.
Le 4 octobre dernier, la terre s’arrêtait presque de tourner. Facebook, Instagram et WhatsApp subissaient une panne de sept heures plongeant une partie de l’humanité dans un état de manque et d’affolement similaires à ceux qu’éprouvent les toxicos privés de leur came. Mark Zuckerberg perdait six milliards de dollars, la presse évoquait « le crash du siècle » et les plus accros se demandaient combien de temps encore ils allaient tenir le coup. On mesurait la place que les réseaux sociaux occupaient dans nos vies, combien ils avaient bouleversé notre rapport au monde, modifié nos besoins et amorcé ce que les esprits distingués appellent une révolution anthropologique. Justement dans Réseaux sociaux : la guerre des Léviathans (éditions de Rocher), le philosophe Robert Redeker s’interroge sur les prétentions de ce nouveau pouvoir.
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Le philosophe s’émeut de la disparition de l’« intériorité » chez l’être moderne. « L’homme sans intériorité, nous voulons dire, l’homme qui ne sait plus qu’il a une âme. Qui oublie le mot d’âme. L’intériorité de l’homme est l’âme », écrit-il. Redeker s’étrangle de la superficialité qui accompagne le règne de la transparence. Pour lui, l’homme contemporain est « une vitre » à travers laquelle on peut tout voir, sans profondeur ni aspérité un « homme aplati » qui ignore tout de cet essentiel invisible pour les yeux que chérissait Saint Exupéry. Le culte de la transparence a anéanti cet espace jusque-là inviolable, ces « obscurs replis » qui existaient en nous et qui permettaient d’être paradoxal, pluriel, « multidimensionnel ». La digitalisation du monde accélérée par les réseaux sociaux a fait sauter la frontière entre le privé et le public, la maison et le travail, le rapport à soi en faisant naître un « homme déprivatisé » mais aussi le rapport au prochain, dont le corps et le visage se réduisent de plus en plus souvent « à une image numérique » sur un écran.