Au quotidien n°344 : au procès des assassins du Père Hamel, le témoignage marial de Guy Coponet

Publié le 18 Fév 2022
Au quotidien n°344 : au procès des assassins du Père Hamel

Obligé de filmer l’égorgement du prêtre, Guy Coponet a eu la vie sauve en récitant un « Je vous salue Marie » et en entrant en « prière perpétuelle ». Dans la salle Voltaire de la cour d’assises spéciale de Paris, rapporte Le Monde (18 février 2022) l’Ave Maria a retenti.

Il est rare d’entendre un « Je vous salue Marie » en pleine cour d’assises. Et plus encore de ne pas juger cela déplacé. Le témoignage de Guy Coponet, jeudi 17 février, grièvement blessé dans l’attentat de l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), suivi de celui de Roseline Hamel, la sœur du prêtre assassiné le 26 juillet 2016 par Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, ont transformé un temps en cathédrale la salle Voltaire de la cour d’assises spéciale de Paris.

Guy Coponet a aujourd’hui 92 ans, sa femme est morte l’année dernière, après soixante-huit ans de mariage. Il marche voûté, d’un pas sûr mais frêle, a les traits et le corps secs d’un montagnard. Le mardi 26 juillet 2016, c’était son anniversaire : 87 ans. Pas une raison pour déroger à la messe à laquelle il assiste avec son épouse, Janine, en semaine comme le dimanche. « Ce matin-là, il faisait beau, le père Hamel (…) était gai parce qu’il allait partir en vacances. Il y avait moins de monde que d’habitude, heureusement ». Hormis le couple Coponet, seules trois religieuses assistent à la messe.

(…)

Puis Abdel-Malik Petitjean empoigne le prêtre de 85 ans et lui assène plusieurs coups de couteau au visage, au cou, il lui transperce une côte. Adel Kermiche oblige Guy Coponet à filmer la scène.

(…)

Kermiche le force à se rapprocher de l’autel pendant que Petitjean met Jacques Hamel à genoux. « Ils ont traîné le pauvre homme par terre. Lui s’est défendu comme il a pu avec ses pieds. C’est à ce moment-là qu’il a dit : “Satan vas-t’en !” Puis j’ai vu que le sang s’est mis à vomir tout rouge, il n’a plus bougé le pauvre, c’était terminé pour lui. C’était affreux. »

Les deux djihadistes détruisent ensuite leurs deux téléphones, y compris celui ayant servi à filmer, puis s’en prennent à Guy Coponet. « Je lui ai dit : “Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas tuer ton grand-père ?” Ça a été vite fait. Il me taillait dans le dos, le bras puis la gorge. Puis ils m’ont balancé en bas de l’estrade. Je me suis dit : “Surtout bouge pas, parce que si tu bouges, il va te terminer”. » Le vieil homme fait le mort, tout en comprimant sa plaie de 21 cm au cou. « Une tentative d’égorgement », avait confirmé le médecin légiste la veille, ajoutant que la compression « lui avait probablement sauvé la vie ». L’une des trois religieuses profite du tumulte pour sortir de l’église, sans réaction des terroristes.

Guy Coponet, « à moitié dans le coma », pense « aux enfants, tout ça ». « On entre en prière perpétuelle. Que j’aie été ce jour-là sauvé, à quelques minutes, je n’y suis pour rien. Il y avait une présence qui a fait probablement que ça s’est passé comme ça. » Pendant cette longue heure, il entend les terroristes desceller un grand crucifix de procession, attaquer l’autel à coups de couteau. Il entend aussi la conversation entre la sœur Hélène et les deux djihadistes, qui lui expliquent que « Jésus ne peut pas être le fils de Dieu » et que « ce qu’ils font c’est parce que la France bombarde l’Etat islamique en Syrie ». A un moment, son corps tressaille : sa femme se dit qu’il est vivant mais qu’il vient peut-être de rendre l’âme. « Ça a été un choc pour elle plus que pour moi », dit-il.

Lorsque les secours arrivent, il était en train de finir un « Je vous salue Marie ». Il le répète à l’audience la voix forte. Elle se brise sur la dernière phrase : « Priez pour nous pauvres pécheurs/Maintenant et à l’heure de notre mort. » « Ça reste gravé, vous savez, y’a pas de danger que j’oublie », dit-il.

Ce contenu pourrait vous intéresser

SociétéArt et Patrimoine

Transmettre le patrimoine vivant, un défi pour la France

Entretien | Malgré les difficultés et la disparition d’un tiers des événements en cinq ans, les Français restent profondément attachés à leurs traditions festives. Thomas Meslin, cofondateur de l’association « Les Plus Belles Fêtes de France », défend ce patrimoine culturel immatériel et veut lui redonner visibilité et dynamisme grâce à un label national et un soutien accru aux bénévoles. Entretien.

+

les plus belles fêtes de france label patrimoine
Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
SociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
SociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique
SociétéLectures

Maurras, pour la Nation, contre le racisme

Entretien | En août, les éditions de Flore publiaient un petit livre d'Axel Tisserand, Maurras, pour la Nation, contre le racisme. À cette occasion, Philippe Maxence s’est entretenu avec l’auteur, agrégé de lettres classiques et docteur en philosophie, au sujet de Charles Maurras (1868-1952).

+

charles maurras racisme nation patrie
SociétéPhilosophie

Le Centre culturel Simone Weil : redonner à la médecine son âme

Entretien | Créé par des professionnels de santé pour leurs confrères, le Centre culturel Simone Weil propose des formations alliant médecine et philosophie. À l’occasion de son séminaire de novembre, il invite praticiens, étudiants et aidants à redécouvrir la vocation profondément humaine et éthique de la médecine face aux défis contemporains. Présentation par François et Marie Lauzanne, pharmaciens et fondateurs du centre.

+

Centre culturel Simone Weil médecine