Au quotidien-n°53

Publié le 29 Mai 2020
Au quotidien-n°53 L'Homme Nouveau

La disparition du politique au profit de l’économie s’accélère à l’occasion de la pandémie liée au Covid-19. C’est ce qui ressort indirectement de certaines enquêtes, rapportées ici dans un article de L’Express (28 mai) et indiquant une méfiance accrue envers l’État au profit de l’entreprise :

Les entreprises, meilleures que l’Etat pour gérer la crise ? C’est ce que pensent 65 % des Français, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting* pour France Info et Le Figaro réalisé début mai. Une surprise ? Pas vraiment. Déjà, pendant le mouvement social des gilets jaunes, elles avaient été épargnées. Les patrons s’étonnaient de ne pas être attaqués alors que les politiques étaient étrillés. Certes, les grands groupes, comme les banques, étaient vilipendés, mais les TPE se voyaient au contraire plébiscitées. (…) Aussi, pour Raphaël Llorca, chercheur associé à la fondation Jean-Jaurès, alors que la Seconde Guerre mondiale avait accouché des principes fondateurs de l’Etat providence, cette crise fait émerger la notion « d’entreprise providence ». Une expression qui désigne « la volonté de l’entreprise de s’ériger en nouvelle institution de prise en charge des fonctions de solidarité et de protection », écrit le doctorant à l’EHESS. L’entreprise, nouvel amortisseur social, valeur refuge contre les turbulences de l’existence ? A l’heure où de plus en plus de sociétés réfléchissent à leur raison d’être, le défià relever est de taille. En nécessitera d’éviter tout opportunisme ou marketing d’affichage, comme hier avec le greenwashing.

Dans Le Figaro Magazine (22 mai), Henri Guaino dénonce la  « politique de la peur » mise en place depuis l’apparition du Covid-19. Une réflexion à lire en écho avec celle de Matthew Crawford (Au quotidien n°52) et de Jacques Julliard (Au quotidien n°51) :

On a suscité et nourri une telle peur que les personnes âgées ont davantage peur de ce coronavirus que de la maladie d’Alzheimer, dont on détecte, en France, plus de 220 000 nouveaux cas chaque année. On a l’impression, dans l’ambiance morbide qui est entretenue, qu’on ne meurt plus que du Covid, quand le cancer et les maladies cardio- vasculaires tuent, ensemble, 300 000 personnes en France par an. Imaginez qu’on les décompte tous les soirs sur tous les médias en martelant tout ce qu’il faut que chacun fasse pour que ces chiffres baissent. En elle-même, cette épidémie, aussi grave soit-elle, n’est pas la pire catastrophe sanitaire de notre histoire. Rien de comparable à la peste noire, qui, au XIVe siècle, aurait tué entre un tiers et la moitié de la population européenne, ni avec la grippe espagnole, en 1918, qui aurait tué au moins 30 millions de personnes dans le monde. (…) Dans l’histoire, aucune catastrophe sanitaire n’a jamais conduit à enfermer près de la moitié de la population mondiale. Et elle finira peut- être par faire plus de victimes que l’épidémie. En tout cas, elle peut détruire nos sociétés, nos vies, nos libertés. (…) C’est vieux comme l’humanité : l’un des moyens les plus efficaces pour faire obéir une population, c’est la peur. Plus une population a peur, plus elle est prête à tout accepter pour être protégée. Les protecteurs peuvent avoir les meilleures intentions du monde ou les pires. Mais, dans tous les cas, il ne faut pas négliger une dimension psychologique, pas toujours consciente, qui est la jouissance que peut procurer le sentiment d’un pouvoir sur les autres quasi illimité et qui pousse inexorablement à en repousser les frontières. Les gens avaient suffisamment peur de la maladie pour accepter le confinement total. Mais, pour que cette situation inouïe se maintienne, il fallait faire de plus en plus peur au fur et à mesure que le confinement devenait plus dur à supporter. (…) Le problème de la peur c’est que lorsqu’elle grandit trop, elle devient incontrôlable. L’individu pris d’une peur panique ne se contrôle plus du tout et la foule apeurée non plus. C’est là que le risque devient maximal, que l’engrenage sécuritaire qui doit répondre à cette peur panique devienne, lui aussi, une machine folle, ouvrant la route de la dictature, en l’occurrence celle de la dictature hygiéniste qui est aussi dangereuse que toutes les autres formes de dictatures. On est en train de voir, dans la peur du déconfinement, comment l’étau de la peur incontrôlée se resserre sur la société et les pouvoirs publics : pour être?« disciplinés », il faut que les gens continuent d’avoir peur, mais s’ils ont peur, ils n’envoient pas leurs enfants à l’école et la catastrophe éducative, car c’est une catastrophe, s’aggrave.

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