Birthe Lejeune, une grande dame pour la vie

Publié le 07 Mai 2020
Birthe Lejeune, une grande dame pour la vie L'Homme Nouveau

C’est une très grande dame qui s’est éteinte ce mercredi 6 mai, grande comme son amour pour les plus petits d’entre nous. Birthe Lejeune a poursuivi avec espérance et détermination l’œuvre de son mari, le Professeur Lejeune, auprès des personnes atteintes de déficience intellectuelle et plus particulièrement celles atteintes de Trisomie 21. 

Arrivée du Danemark en 1950, Birthe Lejeune a trouvé en France la foi catholique, un mari hors du commun et un pays qui avait besoin de leur ardeur à défendre la vie. Née Bringsted, Birthe épouse Jérôme Lejeune en 1952, avec lui elle aura cinq enfants.  Celui qui serait le découvreur de la Trisomie 21 et un opposant des premiers jours à la légalisation de l’avortement lui écrivait, alors qu’ils étaient jeunes fiancés : « Notre amour sera le seul bagage et notre religion sera la provision inépuisable qui nous permettra de vivre. » 

Le travail biographique[1] d’Aude Dugast pour le procès en béatification de Jérôme Lejeune a montré à quel point l’immense savant qu’il était n’aurait pu aller si loin sans son épouse. Les témoignages et les lettres patiemment rassemblés par l’auteur laissent entrevoir un peu de l’amour profond qui unissait Birthe et Jérôme, lui qui, de colloques en conférences, ne laissait pas passer un seul jour hors de son foyer sans écrire à sa femme. Elle a gardé précieusement quelques 2000 lettres qui racontent quarante années de vie. Il travaillait, infatigable, partageant avec elle ses trouvailles, ses difficultés, ses doutes parfois. Elle écoutait, encourageait, apaisait et se préparait ainsi sans le savoir à prendre la relève.

Quand, à 17 ou 18 ans, j’ai poussé la première fois les portes de la Fondation, le nom de Jérôme Lejeune sonnait à mes oreilles comme celui d’un héros. Je connaissais mal sa vie mais je savais tout ce qu’il avait fait pour les personnes porteuses de Trisomie 21, je savais aussi son combat contre l’avortement. J’aurais voulu qu’il y ait des rues, des places ou des écoles au nom de Jérôme Lejeune et, franchement, je comprenais mal que mes amis ne partagent pas tous mon enthousiasme à la seule évocation de son nom. Je me rappelle avec émotion combien j’étais impressionnée, tout juste bonne à bredouiller un « bonjour Madame » mal assuré quand j’ai pu saluer rapidement Birthe Lejeune, entre deux portes de la Fondation.  Bien sûr, ce n’est pas que Madame Lejeune fut particulièrement terrifiante, mais enfin ! elle était proche de Jean-Paul II, elle avait partagé sa vie avec un homme qui avait une foi profonde et une intelligence rare et je pressentais qu’on n’est pas une femme comme les autres quand on est celle de Jérôme Lejeune. 

Il faut d’abord de la curiosité intellectuelle puisque le savant n’était pas seulement expert en génétique et, pour ainsi dire, l’un des inventeurs de cette discipline (il reçut en 1968 le prestigieux Allen Memorial Award, la plus haute distinction  en génétique), Jérôme Lejeune maitrisait également d’autres sujet, depuis le Linceul de Turin – il fut l’un des premiers scientifiques à dénoncer l’erreur de datation au Carbone 14 – jusqu’à la question nucléaire et les effets des radiations atomiques sur l’homme. Birthe Lejeune fut aussi l’épouse d’un infatigable voyageur, plus par devoir que par goût, puisque le professeur était sans cesse appelé aux quatre coins du monde tant son expertise était reconnue. Preuve que ses connaissances était conjuguée à une profonde sagesse, il fut sollicité par le pape Jean-Paul II à plusieurs reprises, mais aussi par le roi Baudoin au moment où la Belgique a légalisé l’avortement. Et c’est l’avortement, justement, qui aura raison de la carrière internationale de Jérôme Lejeune puisque la communauté scientifique internationale voit d’un très mauvais œil l’engagement de celui qui a perçu très tôt comment la génétique pouvait devenir un instrument de mort, un moyen de faire le tri entre les enfants sains et les bien-portants. Alors, quand le monde des puissants ne veut plus entendre la voix dissonante de Jérôme Lejeune, celui-ci décide de consacrer sa vie aux patients atteints de déficience mentale.

Birthe Lejeune ne maniait pas le microscope et l’éprouvette mais elle a présidé la Fondation aujourd’hui reconnue mondialement pour son travail sur la Trisomie 21, été membre de l’Académie pontificale pour la vie et du Conseil pontifical pour la santé, été faite Chevalier de la Légion d’honneur. À l’évidence, Birthe Lejeune n’aura pas vécu dans l’ombre de son mari, mort le jour de Pâques 1994, mais dans sa lumière, celle de la foi et de l’intelligence, une lumière qu’elle a continué de faire briller pendant les 26 années vécues sans lui, une lumière partagée et transmise avec tous ceux qui mettent un peu ou beaucoup de leur vie au service des plus fragiles.  

« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Matt., 11) Jérôme Lejeune aimait cette phrase de l’évangile et l’a fait aimer à ceux qui poursuivent son œuvre. On se plait à imaginer la joie de ces tout-petits qui avaient précédé le savant au ciel quand ils y ont accueilli Jérôme Lejeune, joie renouvelée pour le rappel à Dieu de Birthe Lejeune. Quelle fête ce doit être là-haut !

 


[1] Jérôme Lejeune, la liberté du savant, Artège

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