> Dossier : « Carmélites de Compiègne, 230 ans après, un témoignage universel »
Canonisées en 2024, les carmélites de Compiègne sont, par leur destin dramatique et leur mort exemplaire, rapidement devenues célèbres. Elles avaient en toute connaissance de cause accepté de se sacrifier, sur la foi d’une prophétie, pour sauver le catholicisme menacé d’éradication par la Révolution. Récit d’un martyre.
L’on suffoque à Paris ce 17 juillet 1794, ou, nouveau style, 29 messidor an II. Mi-juin, la guillotine a quitté la place de la Révolution (Concorde), pour celle du Trône renversé (Nation), car le sang répandu dégageait une puanteur intolérable… Façon de déplacer le problème, et, la machine à tuer révolutionnaire envoyant toujours plus de gens au bourreau, cela empire. Les fosses communes ouvertes à l’ancien couvent des chanoinesses de Saint-Augustin de Picpus débordent ; mille décapités s’y entassent déjà, sans que l’odeur décourage les habitués du macabre spectacle. Mais ce soir, ni huées ni ricanements à l’arrivée des condamnés. Depuis qu’elles ont quitté la Conciergerie, les charrettes avancent dans un silence consterné. Dans la première, 16 femmes en habit du Carmel, exceptés guimpe et voile, omis pour que le bourreau ne les touche pas en les leur enlevant. Elles chantent.
La communauté presque au complet
Ce sont les sœurs du carmel de Compiègne, le cinquante-troisième fondé en France en 1641. Hormis trois absentes lors de l’arrestation, la communauté est au complet avec ses deux tourières, employées de maison payées, ses trois converses, sa novice. Ainsi s’accomplit la prophétie, datée de 1693, d’une autre carmélite de la maison, sœur Baptiste, annonçant que Compiègne « à deux ou trois près », est voué à « suivre l’Agneau partout où Il va », comme il est écrit au livre de l’Apocalypse. Pourquoi mère Thérèse de Saint-Augustin, la prieure, en rien une exaltée, a-t-elle, voilà deux ans, interprété cela comme l’annonce du martyre collectif de la communauté ? Dans le contexte de persécution, elle y a puisé du réconfort, y a vu la promesse que tout n’était pas perdu, et trouvé un moyen, tandis que la vie religieuse était anéantie, d’être encore utiles à l’Église, en s’immolant pour la France et les âmes, si c’était la volonté divine.
Des liens étroits avec la cour
Face au château où la famille royale passait autrefois l’été, le carmel de Compiègne avait des liens étroits avec la Cour. Feue la reine Marie Leszcsynska en était familière ; une…