> C’est logique ! de François-Marie Portes
L’été est souvent l’occasion de redécouvrir le patrimoine chrétien de nos églises et abbayes. Mais au-delà des pierres, que disent les mots que nous utilisons pour les désigner ? De la basilique à l’église, du qahal hébreu à l’ekklesia grecque, plongée dans l’héritage sémantique du christianisme.
L’Église est-elle une démocratie ? Scandale pour certains, volonté auréolée de progrès pour d’autres, cette phrase est pourtant étymologiquement très juste. L’Ekklesia n’était autre chose, à l’origine, que l’assemblée des citoyens d’Athènes décidant de leur sort. Chaque citoyen était d’égale importance et seul le suffrage majoritaire ou le tirage au sort emportait une décision. Ce terme lui-même vient d’ekkaleo qui signifie « je convoque ». Aussi, une ekklesia ne s’assemble-t-elle que parce qu’on la convoque, soit pour juger, soit pour légiférer ou encore pour décider.
Une assemblée convoquée pour le culte
Dès la traduction de la Septante on retrouve le terme d’ekklesia pour désigner une assemblée convoquée pour le culte. Le pouvoir de décision est donc évacué pour ne garder que la cause du rassemblement. Une ekklesia devient donc une assemblée dont le propre est d’avoir été convoquée. Ce terme est utilisé pour traduire qahal (assembler, recueillir, réunir) (1). Ce n’est qu’au Ier siècle de notre ère que les chrétiens, exclus des synagogues, vont appeler leurs rassemblements et leurs communautés des « églises ». Voici comment un terme désignant premièrement un mode d’exercice du pouvoir va devenir le moyen de désigner l’assemblée des croyants. Mais il va se produire un retour sémantique intéressant. Ces communautés vont s’organiser tout d’abord autour de cinq ministères distincts puis finalement sous l’autorité d’un épiscope. Ainsi, l’église désignera l’assemblée gouvernée par un évêque, des presbytres, des diacres etc… Puis, par un glissement conceptuel, cette hiérarchie même sera appelée l’Église. Ainsi, l’Église désignera à nouveau un mode de gouvernement institutionnalisé mais qui n’aura plus rien à voir avec la démocratie athénienne. Prenons un autre exemple parlant. Le terme de basilique, avant de désigner un édifice religieux, signifiait littéralement le « portique royal » (stoa basileios). Il s’agissait d’un bâtiment couvert, ouvert par le devant à l’aide de colonnes, sous lequel le roi grec (ou son représentant) rendait la justice, écoutait les doléances mais aussi convoquait des assemblées. Dans l’Empire romain, les basiliques, inspirées de leurs homologues grecques, étaient des édifices civils, couverts, lumineux, dans lesquels s’exerçait la justice des tribunaux et où déambulaient, sous…