Après avoir reçu une visite apostolique dans son diocèse de Tyler en juin dernier, Mgr Joseph Strickland a été destitué par le pape François ce 11 novembre. Il faisait l’objet d’enquêtes de la part du Vatican pour ses positions et ses commentaires publics jugés trop critiques pour Rome.
Samedi 11 novembre dernier, le Saint-Siège a annoncé la destitution de Mgr Joseph Strickland et la nomination d’un administrateur apostolique pour le diocèse de Tyler, aux États-Unis, mesure rare faisant habituellement suite à un scandale.
L’évêque s’est prononcé quelques heures seulement après la publication de cette décision, considérant qu’il avait été démis de ses fonctions parce qu’il « avait menacé certains pouvoirs en place avec la vérité de l’Évangile », et reste serein quant aux motifs d’accusation : « Je maintiens toutes les choses qui ont été énumérées comme plaintes contre moi. Je sais que je n’ai pas mis en œuvre Traditionis Custodes parce que je ne peux pas affamer une partie de mon troupeau. »
En juin dernier, l’évêque américain a fait l’objet d’une visite apostolique déclenchée notamment suite à un de ses commentaires publics : « Je crois que le pape François est le pape, mais il est temps pour moi de dire que je rejette son programme visant à saper le dépôt de la foi. Suivez Jésus. »
La visite s’est achevée le 24 juin par une rencontre entre les deux investigateurs américains délégués par Rome et Mgr Strickland. Le 9 septembre le pape François s’est ensuite entretenu avec Mgr Christophe Pierre, nonce apostolique aux États-Unis et Mgr Robert Prevost, préfet du Dicastère des Évêques, sur les propos tenus publiquement par Mgr Strickland.
Une visite apostolique furtive
Le 20 septembre, celui-ci a indiqué à ses fidèles qu’il n’avait reçu depuis trois mois aucune information sur les motivations et les conclusions de cette enquête, se doutant cependant d’un possible renvoi. Les conclusions de la visite apostolique n’ont pour le moment toujours pas été publiées et le Vatican n’a pas souhaité révéler les raisons pour lesquelles Mgr Strickland a été démis de ses fonctions.
Selon certains médias catholiques, la visite apostolique se serait penchée sur trois points en particulier : un roulement trop important du personnel diocésain, le recrutement de Mère Marie Ferréol dans un établissement scolaire – religieuse actuellement en procès avec ses supérieurs en France –, et l’accueil d’une communauté soi-disant controversée.
Le 9 novembre, Mgr Strickland a refusé de poser sa démission auprès du Pape : « Je ne pouvais pas, de ma volonté, abandonner le troupeau qui m’avait été donné. » Deux jours plus tard, Mgr DiNardo, métropolitain de la province ecclésiastique qui comprend le diocèse de Tyler, a publié un communiqué expliquant : « Il a été recommandé au Saint-Père que le maintien en fonction de Mgr Strickland n’était pas réalisable. »
L’évêque signale de son côté que le diocèse de Tyler est en grande forme : de nombreux séminaristes (21 pour 120 000 fidèles), de nombreux prêtres solides dans leur ministère et une situation stable, confortable financièrement grâce à la grande générosité des fidèles.
Mgr Strickland a déclaré qu’il devrait maintenant “découvrir” ce que signifie ne plus être l’évêque de Tyler, et essayer de comprendre ce que signifie son rôle de « successeur des apôtres sans diocèse local pour s’en soucier ».
L’évêque poursuit ses prières
Ce mercredi 15 novembre, il mènera tout de même un Rosaire public face à l’hôtel accueillant les évêques américains en Assemblée plénière depuis lundi. Mgr Strickland assiste actuellement à cette réunion, mais en tant qu’évêque émérite donc sans droit de vote.
Dans le passé, Mgr Strickland a plusieurs fois participé au Rosaire en marge des réunions de la Conférence des évêques américains, notamment lorsqu’il était question de la Communion des politiciens pro-avortement, alors que les évêques se sont montrés hésitants pendant des décennies. En 2021, il a été le seul évêque à rejoindre l’initiative en dehors de l’assemblée des évêques. Il avait déclaré à l’époque : « Lorsqu’il s’agit de l’Eucharistie et du caractère sacré de la vie, je dois parler. La chose la plus importante dont je dois parler est la présence du Seigneur et la lutte contre l’atrocité de l’avortement. »
Depuis l’annonce de samedi dernier, plusieurs voix se sont élevées dont celle de Mgr Schneider renouvelant sont soutien à l’évêque américain : « La déposition de Mgr Joseph E. Strickland est un jour sombre pour l’Église catholique. Nous assistons à une injustice flagrante envers un évêque qui a rempli son devoir de prêcher et de défendre avec parrhesia la foi et la morale catholiques immuables et de promouvoir le caractère sacré de la liturgie, en particulier dans le rite traditionnel immémorial de la messe. » Dans une déclaration d’hier matin, l’archevêque émérite Hector Aguer a qualifié la déposition de Mgr Strickland de « nouvel “exploit” de la monarchie papale absolue ».
Une destitution infondée ?
Le cardinal Müller avait prévenu en septembre dernier, au moment où le bruit courait déjà d’un possible renvoi de Mgr Strickland : « Selon le commandement de la justice, un évêque ne peut être destitué par le Pape que s’il s’est rendu coupable de quelque chose de mauvais (hérésie, schisme, apostasie, crime ou comportement totalement non-sacerdotal), par exemple la pseudo-bénédiction qui insulte Dieu et trompe les gens sur leur salut – bénédiction des personnes des deux ou du même sexe dans des relations extraconjugales. »
L’ancien préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi présente ce dernier cas à titre exemple car les évêques allemands avancent de leur côté sur la voie schismatique sans être inquiétés par le Vatican. Les 11 et 12 novembre dernier, une première réunion de leur Comité synodal s’est tenue alors même que sa création a été refusée par Rome.
Le 2 novembre, Mgr Karl-Heinz Wiesemann évêque du diocèse de Spire (Allemagne) a publié une lettre, toujours disponible sur le site internet diocésain, invitant les prêtres de son diocèse à bénir les unions homosexuelles, mais aussi les personnes non-mariées ou remariées, ne souhaitant pas ou ne pouvant pas accéder au mariage, à la suite du Chemin synodal allemand qui a voté à 93% en faveur de ces bénédictions. Il ne semblerait pour le moment pas faire l’objet d’une quelconque visite apostolique et encore moins d’une destitution imminente…
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