Ce qui fonde le mariage, c’est sa fin première : la procréation et l’éducation des enfants. Toute institution trouve en effet son sens et sa justification dans sa finalité. Changer la finalité, c’est créer un désordre dommageable pour la société comme pour les individus.
La famille est la cellule de base de la société, cellule fondamentale aussi bien au plan naturel qu’au plan surnaturel. Pas de société sans renouvellement des générations, pas de royaume des cieux sans adorateurs. L’homme et la femme sont donc les coopérateurs de Dieu, leur union remplit une mission sacrée, couronnée par le sacrement de mariage. Mais il ne s’agit pas seulement de mettre au monde de nouveaux citoyens ou de potentiels adorateurs, il faut aussi les éduquer.
Laissez seul un petit d’homme, il dépérira ; le mythe de l’enfant-loup montre à l’évidence que, sans la protection des parents et de la société, celui-ci ne peut survivre et se développer : la nature ne peut pourvoir seule au développement de l’enfant. Il y faut l’éducation des parents puis de la société. La cellule de base de la société (comme toute cellule du corps humain) a besoin de liens hiérarchiques (de hiéros : sacré et de archein : ordonner) avec les différents corps sociaux qui composent la société : l’école bien sûr qui prolonge l’éducation donnée par les parents, mais aussi tous les autres corps qu’on appelle intermédiaires, entre la famille et l’État.
Le rôle éducatif de la famille, des parents donc – et il faudrait ici parler de responsabilité inaliénable – doit être protégé et encouragé car il est irremplaçable et fait suite à la transmission de la vie. Cette transmission, qui doit être assurée par le père et la mère, est un de nos premiers devoirs d’état après nos devoirs envers Dieu et envers notre conjoint. Nos enfants doivent faire l’objet de tous nos soins et restent sous la responsabilité de leurs parents jusqu’à ce qu’ils aient acquis une autonomie suffisante.
Or le rôle des parents dans ce devoir d’éducation n’est pas inné : on ne naît pas père ou mère, on le devient ; et il est sans doute plus difficile pour un homme de remplir son rôle de père que pour une femme de remplir son rôle de mère !
C’est ici que la tradition prend tout son sens. Ce mot vient du latin tradere : transmettre. Ce n’est pas copier ; ce n’est pas faire comme nos parents ont fait avec nous, ou faire tout le contraire ! Ce n’est pas suivre les modes et les courants. L’État moderne veut prendre la place des parents dans l’éducation, ce qui est un désordre. Il y a donc une forme de résistance nécessaire : former la conscience de nos enfants pour qu’ils ne se comportent pas comme des moutons, dans une société laïque c’est-à-dire sans Dieu, au service de Mammon. Nos enfants se rendent compte très vite, si nous leur en donnons l’exemple, qu’être chrétien suppose des renoncements, ne pas faire comme tout le monde.
Mais si la transmission n’est pas une nouveauté, on ne peut cependant pas improviser en cette matière et il est de notre devoir de veiller à ce que nos enfants reçoivent une éducation qui les conduise effectivement à l’autonomie de l’âge adulte. Et donc, nous, parents, avons le devoir de nous former, de réfléchir et de nous efforcer, par nos exemples, d’agir et de vivre selon nos convictions.
Toute tradition est critique : il faut que les parents aient une compréhension fine de ce vers quoi il faut éduquer, en quoi consiste l’autonomie d’un adulte catholique. Et il faut donc qu’ils sachent discerner les moyens nécessaires pour y parvenir. La première vertu nécessaire dans l’éducation comme dans tout gouvernement, et il s’agit bien d’abord de gouvernement dans l’éducation, c’est la prudence. Cette vertu qui nous fait discerner quels sont les moyens utiles et possibles pour une fin nécessaire : l’autonomie de l’âge adulte autrement dit l’exercice de la vraie liberté.
Il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que nos enfants aient un beau diplôme puis un bon métier. Il ne faut pas oublier que l’équilibre affectif, la confiance en soi, la fierté d’être français et catholique, la transmission de tout un patrimoine, de toutes les valeurs qui sont les nôtres, font partie de l’éducation et de la responsabilité des parents, premiers éducateurs. Ceux-ci ne font que déléguer aux institutions, écoles, mouvements de jeunes, clubs de sport… ce qu’ils ne peuvent assurer eux-mêmes ; mais déléguer ne veut pas dire abandonner : ils doivent suivre, voire contrôler ce qui est donné à leur enfant.
Il faut le redire, être parents, c’est le premier apostolat des laïcs. C’est une mission qui doit mobiliser toutes nos énergies : le père dans son rôle de chef de famille, la mère comme collaboratrice de celui-ci. La tâche est souvent ingrate, mais c’est aussi source de joie quand les fruits des générations suivantes sont là. Elle demande aussi beaucoup d’humilité : nous transmettons ce que nous avons reçu. Nous sommes les ouvriers de Dieu qui nous a confié des enfants. Ces enfants ne nous appartiennent pas ; un jour, ils voleront de leurs propres ailes.
Pour aller plus loin sur ce sujet, lire le livre de Marc et Maryvonne Pierre : Parents heureux, enfants heureux (épuisé).
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