Entretien : Professeur là où l’on siffle la France

Publié le 04 Jan 2012
Entretien : Professeur là où l'on siffle la France L'Homme Nouveau

À 45 ans, Jean-François Chemain retrouve la foi de son enfance. Agrégé d’Histoire, il troque une prestigieuse carrière pour enseigner dans un collège de Zone Éducative Prioritaire (ZEP). Une expérience exigeante mais enrichissante qu’il relate dans Kiffe la France (Via Romana, 236 p., 20 euros).

Pourquoi, ou plutôt pour qui avez-vous écrit ce livre ?

Jean-François Chemain : Vous me posez une colle ! À vrai dire, j’ai commencé à écrire le soir, en rentrant du collège. J’avais le sentiment de vivre des choses marquantes que je ne voulais pas oublier. C’était comme un pense-bête. Alors j’ai écrit et puis un jour, mis bout à bout, ça faisait un livre. J’en ai parlé à l’éditeur avec qui j’avais publié mon premier ouvrage, il a été emballé par le projet.

Pourtant, en vous lisant, on a le sentiment que vous vous adressez à quelqu’un, vous avez une manière assez pédagogique de relater votre expérience. N’avez-vous pas remodelé votre texte ?

Je l’ai à peine retouché, hormis la mise en forme, lorsque j’ai eu l’idée de présenter chacune de mes anecdotes comme autant de moments d’une semaine de cours.

Ce livre se veut-il être un témoignage ?

Certainement, un témoignage pour la France. Ce n’est pas facile d’être « prof », surtout face à des jeunes d’origine étrangère dont beaucoup n’ont aucune envie de s’intégrer et pourtant, il y a mille et une raisons d’espérer, chaque jour le meilleur côtoie le pire. C’est ce que j’essaie de dire tout au long de mon livre.

Vous dressez un portrait au vitriol de l’IUFM par lequel vous avez dû passer après votre agrégation. Ne craignez-vous pas des retours négatifs ?

Il pourrait y en avoir, en effet, de ce que j’appelle la secte pédago-trotskyste.

N’y avez-vous rien appris de bon ?

Figurez-vous que je n’ai pas eu ne serait-ce qu’un seul cours pour apprendre à tenir une classe difficile ! J’ai dû appren­dre sur le tas. C’est la pensée magique : comme les élèves ne sont pas supposés être difficiles, s’il y a un problème, c’est de votre faute. Fatalement. Surtout lorsque l’on est de droite et, qui plus est, catholique.

Ceux qui étaient à vos côtés sur les bancs de l’IUFM avaient-ils un regard aussi critique que le vôtre ?

Rarement, la plupart étaient déjà moulés, formatés. Les autres se taisaient par crainte de ne pas être « validés ».

Comptez-vous continuer à enseigner en banlieue ?

C’est une question que je me pose en ce moment. J’aimerais y rester le plus longtemps possible mais c’est épuisant. Chaque heure de cours est faite de 55 minutes, dont chacune est un combat. Alors quand il vous faut tenir sept heures dans la même journée, vous rentrez chez vous dans un piètre état !

Comment vos collègues font-ils face à la difficulté ? Cherchent-ils à nier la réalité ?

À quelques exceptions près, ils reconnaissent les vrais problèmes. Il est plus difficile de nier la réalité une fois qu’on y est vraiment confronté. Cela dit, il y en a toujours pour penser que seul le système est responsable. Je pense au cas récent d’un jeune Juif qui s’est fait gratuitement tabasser par un groupe de musulmans, alors qu’il fumait à l’extérieur de l’établissement. Quelqu’un a trouvé le moyen d’expliquer que cela était dû au législateur, qui n’avait pas prévu de lieu pour fumer à l’intérieur.

Vous enseignez en Zone Éducative Prioritaire (ZEP). Que pensez-vous de ce concept ? Est-ce efficace ?

Le fait d’être en ZEP nous donne le droit à une prime ainsi qu’à des moyens supplémentaires, ce qui ne me paraît pas être de trop, étant donné ce à quoi nous devons faire face. Nous sommes censés avoir des effectifs réduits, pas plus de 25 élèves par classe, mais ce n’est pas toujours respecté. Cela me fait quand même l’effet d’un emplâtre sur une jambe de bois.

Pour lire la suite de cet entretien, vous pouvez soit nous commander le numéro (à L’Homme Nouveau, 10 rue Rosenwald, 75015 Paris. Tél. : 01 53 68 99 77, au prix de 4 euros), soit le commander directement sur ce site en cliquant sur le lien ci-dessous.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneSociété

La messe n’est pas dite : Zemmour réclame une bouée trouée

L’Essentiel de Thibaud Collin | Dans son nouvel essai La messe n’est pas dite, Éric Zemmour en appelle à un « sursaut judéo-chrétien » pour sauver la France. Mais sous couvert d’un éloge du catholicisme, l’auteur ne réduit-il pas la foi chrétienne à un simple outil civilisationnel ? Une vision politique, historique et culturelle qui oublie l’essentiel : la source spirituelle de la France chrétienne.

+

la messe n’est pas dite zemmour
Société

« Mourir pour la vérité » de Corentin Dugast : reconstruire notre vie intérieure

Entretien | Dans son nouveau livre, Mourir pour la vérité, Corentin Dugast rend hommage à Charlie Kirk, figure chrétienne assassinée pour son engagement, et appelle les catholiques à renouer avec une vie intérieure authentique. Entre prière, combat doctrinal et exigence de vérité, il invite à sortir de l’indignation permanente pour retrouver un témoignage chrétien ferme, paisible et profondément incarné.

+

Charlie kirk Amérique Corentin Dugast
SociétéÉducation

Éduquer à l’heure de l’intelligence artificielle

Entretien | Alors que l’intelligence artificielle s’immisce dans tous les domaines de la vie quotidienne, Jean Pouly, expert du numérique et des transitions, alerte sur les dangers d’une génération livrée aux algorithmes sans accompagnement et invite à reprendre la main sur nos usages numériques. Entretien avec Jean Pouly, auteur de Transmettre et éduquer à l’heure de Chat-GPT (Artège).

+

intelligence artificielle
SociétéBioéthique

Filiation : quand le lien se dissocie du vivant

C’est logique ! | La reconnaissance par la France de deux enfants conçus par PMA après la mort de leur père rouvre un débat fondamental : qu’est-ce qu’engendrer ? Entre lien biologique et reconnaissance juridique, la filiation se voit détachée de son fondement naturel, au risque de transformer une relation d’être en simple fiction légale.

+

PMA post mortem filiation