Les 26, 27 et 28 janvier sont les journées mondiales de la lèpre, lancées il y a 70 ans par Raoul Follereau. La fondation organise à cette occasion des quêtes un peu partout en France afin de collecter des dons pour soutenir leurs projets, mais aussi sensibiliser le public. Entretien avec Marie-Bénédict Loze, directrice des projets adjointe.
Quels sont vos objectifs pour cette campagne de 2024 ?
Le principal objectif est pour nous de rappeler que la maladie de la lèpre existe encore, contrairement aux idées reçues. Une personne est touchée par la lèpre toutes les trois minutes. La plupart des victimes de cette maladie vivent dans des conditions d’extrême précarité, dans des villages isolés. Nous avons besoin des dons pour financer le soutien local. Nous possédons, avec nos partenaires, une véritable capacité de réaction, rapide et efficace.
L’année dernière lors d’un séjour à Madagascar, dans l’un des dispensaires tenus par des religieuses que nous soutenons, j’ai vu arriver un père de famille. Après trois jours de marche, avec ses trois enfants affamés et orphelins de leur mère emportée par la maladie quelque temps avant, ce père venait faire soigner ses enfants que nous avons pu prendre en charge immédiatement. Nous avons la possibilité de transformer des vies, et cette campagne de levée de fonds est pour nous l’occasion de dire aux français qu’il faut tenir cette chaîne d’amour dont parlait Raoul Follereau.
Pourquoi vous concentrez-vous uniquement sur la lèpre ?
Notre fondation a été créée par un homme touché par les lépreux lors de ses voyages. Raoul Follereau a été bouleversé par leur cause qui reste un combat actuel, et nous entendons le mener jusqu’au bout !
Comment s’articule plus concrètement votre action ?
La Fondation déploie une action complète : avant, pendant et après. Nous n’apportons pas seulement des soins, car même guéri de la lèpre on reste stigmatisé par la maladie.
Nous agissons en premier sur le dépistage général des maladies de peau. Il faut aller les chercher, et comme on le dit, ils sont souvent éloignés des centres de santé à un kilomètre ou plus de la fin de piste.
Il faut comprendre que si nous annonçons un dépistage uniquement sur la lèpre, les personnes risquent de ne pas se manifester. La maladie effraie encore considérablement, et ils sont encore nombreux ceux qui sont expulsés de leurs villages, de leurs propres foyers et abandonnés par leur conjoint. Nous menons des campagnes d’information auprès des populations, même du personnel soignant, pour inciter les malades à ne pas avoir peur et à se déclarer le plus rapidement possible pour enrayer les effets de la maladie.
Comment accompagnez-vous ces personnes touchées par la lèpre ?
Nous avons une prise en charge inclusive du handicap. Les malades viennent souvent tard, et la lèpre a déjà atteint leurs nerfs, les membres sont atteints. Ils n’ont parfois déjà plus de doigts, ou bien la fosse nasale affaissée. Il faut souvent fournir des prothèses et assurer un suivi avec des kinésithérapeutes.
Nous apprenons également aux patients l’autosoin pour leur apprendre à se soigner, et à surveiller eux-mêmes les risques de blessures suite à la perte des nerfs comme par exemple sur la plante de leurs pieds, afin de ne pas aboutir à une amputation. Cela s’articule évidemment avec un programme, WASH, pour favoriser l’accès à l’eau potable nécessaire aux pratiques d’hygiène.
Enfin, nous agissons sur les conséquences sociales de la maladie en participant à la réinsertion professionnelle des malades dans des domaines comme l’agriculture, mais aussi dans la vente et même la coiffure !
Quels sont vos autres champs d’action ?
Nous travaillons actuellement avec des universités et des laboratoires de recherche afin d’améliorer la prise en charge médicale. Aujourd’hui, le traitement contre la lèpre est extrêmement lourd, ce sont trois antibiotiques à prendre sur une période d’un an. (1) Nous essayons également de transformer les systèmes de santé en mettant en place avec les gouvernements des plans de lutte contre la lèpre. La participation de ces derniers est fondamentale pour enrayer la maladie.
Nous travaillons d’abord avec les ministères de la santé dans les pays, qui luttent à nos côtés. Nous commençons en Côte d’Ivoire à aller plus loin et à travailler aussi sur ces aspects d’hygiène. Je propose de ne pas forcément le mentionner ici pour que la compréhension soit plus aisée.
Vous avez également participé à la création d’école ? Pourquoi cet investissement sur le plan de l’éducation ?
Un jour, un patient est venu nous voir pour nous dire : “je suis guéri, mais ma vie est foutue.” La maladie stigmatise les personnes, les éloigne de la vie sociale, eux et leurs proches. Nous avons en effet financé des écoles ou des salles de classe mais notre action vise davantage à offrir des bourses scolaires aux enfants dans des écoles existantes du pays pour leur permettre d’obtenir une formation et ainsi espérer trouver un travail, mais aussi pour les enfants des patients éloignés des écoles pendant un temps à cause de la maladie de leurs parents. Nous voyons bien également que la grande précarité favorise le développement de la lèpre, cela participe donc d’une dynamique plus large.
Votre campagne est soutenue par la participation de vos nombreux bénévoles, qui sont-ils ?
Nous avons toute l’année des centaines de bénévoles, pour des actions de sensibilisation ou de collecte de fonds. Ils sont souvent engagés sur le long terme et très touchants comme cette dame de 80 ans, dans la région de Nantes, bénévole depuis trente ans. Nous mobilisons pour les journées mondiales de la lèpre environ 6 000 personnes quêtant ces jours-ci un peu partout en France. Parmi eux, il y a de nombreux scouts ou plus largement des jeunes collégiens sensibilisés dans leurs établissements.
Pour devenir bénévole, il suffit simplement de s’inscrire sur notre site internet ou bien de nous appeler directement. De nombreuses actions peuvent être menées, comme cette artiste à Marseille qui a peint une personne touchée par la lèpre, et qui va inviter les passants à venir poser un pouce avec de la peinture afin d’exprimer leur soutien. Il y a de la place pour les initiatives créatives afin d’aider les gens à réaliser que le combat reste actuel.
(1) Avec un don de 52 € (soit 13 € après déduction fiscale), vous financez un kit de corticoïdes pour soigner pendant un an un malade de la lèpre souffrant d’une complication sévère au Bénin.
Pour faire un don à la Fondation Raoul Follereau.
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