« Le généricide est un terme neutre faisant référence au massacre de masse systématique, délibéré et sélectif selon le genre de personnes appartenant à un sexe donné », note le Parlement européen dans sa proposition de résolution « Généricide – Les femmes manquantes » adoptée le 8 octobre dernier. En pratique, le généricide, c’est l’avortement, le meurtre ou l’abandon à la naissance de bébés pour le seul motif qu’ils sont des filles.
« (…) l’on estime qu’en 1990 déjà, plus de cent millions de femmes étaient démographiquement « absentes » de la population mondiale pour cause de généricide ; que selon des estimations récentes, ce chiffre a augmenté pour frôler les deux cents millions de femmes « absentes » de la population mondiale », explique encore le rapport du Parlement européen, dévoilant l’ampleur du phénomène. Loin d’être cantonné aux pays tels que la Chine, dont les pratiques sont connues, le généricide sévit aussi dans des pays que l’on soupçonnerait moins spontanément comme les États-Unis. Lila Rose, jeune femme américaine connue pour avoir infiltré le Planning familial à plusieurs reprises, avait pu filmer incognito plusieurs scènes où les conseillères de l’organisme recommandaient sans complexe l’avortement aux jeunes filles qui se plaignaient d’être enceintes d’une fille alors qu’elles auraient préféré un garçon. Le rapport se garde bien de mettre en cause le Planning familial mais relève également ces pratiques en Europe, en Afrique du Nord, en Amérique latine. Bref, autant dire que le généricide est une pratique mondiale.
Considérant, entre autres choses, que « les pratiques de sélection selon le sexe perturbent l’équilibre des sexes dans les sociétés, sont à l’origine de l’asymétrie des rapports de masculinité des populations et ont des conséquences économiques et sociales ; que l’absence d’équilibre entre les sexes, et, partant, une proportion d’hommes trop élevée, nuit à la stabilité sociale à long terme, ce qui entraîne une augmentation généralisée du taux de criminalité tout en favorisant la frustration, la violence, le trafic d’êtres humains, l’esclavage sexuel, l’exploitation, la prostitution et le viol », le Parlement européen entend donc, et c’est une heureuse nouvelle, lutter contre cette « discrimination fondée sur le sexe ». À l’urgence démographique s’ajoute la nécessaire poursuite de l’idéal d’égalité qui fonde la société moderne. Ils sont légion les textes, amendements, déclarations, règlements, nationaux, européens, ou issus des organismes internationaux comme l’Onu qui interdisent toute discrimination fondée sur le sexe. Le problème pour le Parlement, on l’a compris, n’est pas que l’on tue. C’est que l’on tue plus de filles.
Il est effectivement urgent d’éradiquer ce genre de pratique et ce n’est pas parce que la logique paritaire et égalitariste de la société occidentale est condamnable à bien des égards qu’il faudrait laisser en toute impunité des parents tuer leur fille.
Reste que cette résolution du Parlement européen ne remet absolument pas en question l’avortement en tant que tel. Le rapport parle d’ailleurs, et c’est révélateur, de « fœtus féminin » plutôt que de « petite fille ». Le problème n’est pas que l’avortement soit généralisé mais qu’il touche plus des « fœtus féminins » que des « fœtus masculins ». S’il fallait pousser la logique jusqu’au bout… Suffirait-il de pousser à l’augmentation du nombre d’avortements de petits garçons, jusqu’à atteindre en nombre ceux qui touchent les petites filles, pour régler le problème ? C’est qu’il faut, dans la société moderne, la parité jusque dans la mort. Au-delà de cette hypothèse qui peut paraître grotesque, l’on voit malgré tout que derrière ce qui apparaît comme une heureuse décision à maints égards, se profile pourtant toujours la même culture de mort.
C’est qu’il faut, dans la société moderne, la parité jusque dans la mort.