Dans son Année liturgique, dom Prosper Guéranger, restaurateur de la vie bénédictine à Solesmes et en France, après le drame de la Révolution de 1789, aborde chaque temps liturgique en évoquant son aspect historique, mystique et pratique. Nous reproduisons ici la dernière partie de son explication historique du temps de l’Avent.
Variation de la liturgie de l’Avent
La forme liturgique de l’Avent, telle qu’elle se garde aujourd’hui dans l’Eglise Romaine, a souffert quelques variations. Saint Grégoire paraît avoir le premier dressé cet Office qui aurait d’abord embrassé cinq dimanches, ainsi qu’on est à même de le voir par les plus anciens Sacramentaires de ce grand Pape. On peut même dire à ce sujet, d’après Amalaire de Metz et Bernon de Richenaw, qui sont suivis en cela par Dom Martène et Benoît XIV, que saint Grégoire semblerait être l’auteur du précepte ecclésiastique de l’Avent, bien que l’usage de consacrer un temps plus ou moins long à se préparer à la fête de Noël soit d’ailleurs immémorial, et que l’abstinence et le jeûne de ce saint temps aient d’abord commencé en France. Saint Grégoire aurait déterminé, pour les Eglises du rite romain, la forme de l’Office durant cette espèce de Carême, et sanctionné le jeûne qui l’accompagnait, laissant toutefois quelque latitude aux diverses Eglises dans la manière de le pratiquer.
Une ancien usage
Le Sacramentaire de saint Gélase ne porte aucune Messe, ni Office de préparation à Noël; les premières que l’on rencontre sont au Sacramentaire grégorien, et, ainsi que nous venons de le dire, les Messes y sont au nombre de cinq. Il est remarquable qu’alors on comptait ces dimanches à rebours, appelant premier dimanche celui qui était le plus voisin de Noël, et ainsi des autres. Dès les IX° et X° siècles, ainsi qu’on le voit par Amalaire, saint Nicolas Ier, Bernon de Richenaw,Rathier de Vérone, etc., les dimanches étaient déjà réduits à quatre ; c’est aussi le nombre que porte le Sacramentaire grégorien donné par Pamélius, et qui semble avoir été transcrit à cette époque. Depuis lors, dans l’Eglise Romaine, la durée de l’Avent n’a pas varié, et il a toujours consisté en quatre semaines, dont la quatrième est celle même dans laquelle tombe la fête de Noël, à moins que cette fête n’arrive le dimanche. On peut donc assigner déjà à l’usage actuel une durée de mille ans, du moins dans l’Eglise Romaine; car il y a des preuves que jusqu’au XIII° siècle certaines Eglises de France ont gardé l’usage des cinq dimanches.
Dans le rite ambrosien
L’Eglise ambrosienne, aujourd’hui encore, compte six semaines dans sa liturgie de l’Avent ; le Missel gothique ou mozarabe garde la même coutume. Pour l’Eglise gallicane, les fragments que Dom Mabillon nous a conservés de sa liturgie ne nous apprennent rien à ce sujet; mais il est naturel de penser avec ce savant homme, dont l’autorité est encore fortifiée par celle de Dom Martène, que l’Eglise des Gaules suivait en ce point, comme dans un grand nombre d’autres, les usages de l’Eglise gothique, c’est-à-dire que la liturgie de son Avent se composait également de six dimanches et de six semaines.
Quant aux Grecs, leurs Rubriques pour le temps de l’Avent se lisent dans les Menées, après l’Office du 14 novembre. Ils n’ont point d’Office propre de l’Avent, et ne célèbrent point pendant ce temps la Messe des Présanctifiés, comme ils le font en Carême. On trouve seulement, dans le corps même des Offices des Saints qui remplissent l’intervalle du 15 novembre au dimanche le plus proche de Noël, plusieurs allusions à la Nativité du Sauveur, à la maternité de Marie, à la grotte de Bethléhem, etc. Le dimanche qui précède Noël, ils font ce qu’ils appellent la Fête des saints Aïeux, c’est-à-dire la Commémoration des Saints de l’Ancien Testament, pour célébrer l’attente du Messie. Les 20, 21, 22 et 23 décembre sont décorés du titre d’Avant-Fête de la Nativité ; et quoique, en ces jours, on célèbre encore l’Office de plusieurs Saints, le mystère de la prochaine Naissance du Sauveur domine toute la Liturgie.