Homélie de la Pentecôte : L’Esprit fait de nous des fils adoptifs

Publié le 25 Mai 2016
Homélie de la Pentecôte : L'Esprit fait de nous des fils adoptifs L'Homme Nouveau

Le don de l’Esprit demeure le grand fruit du mystère pascal. Le Seigneur avait promis à ses Apôtres de ne pas les laisser orphelins. Dans l’ancienne alliance, comme l’enseigne saint Paul, l’adoption filiale était le propre d’Israël. Le jour de la Pentecôte, le don de l’Esprit Saint qui couronne magnifiquement l’oeuvre du Christ, accorde désormais ce privilège à tous les païens qui sont, selon l’image de saint Paul, greffés sur l’olivier franc. Au chapitre huitième de son épître aux Romains, que commente ici le Pape dans son homélie du dimanche de la Pentecôte, le même saint Paul précise le rôle réciproque des trois Personnes de la Sainte Trinité dans cette adoption filiale. C’est à partir de ce texte que la Tradition a forgé l’expression « fils dans le Fils », sens conséquent mais qui ne se trouve pas explicitement dans l’Écriture.

Fils de Dieu

« Tous ceux en effet qui se laissent mouvoir par l’Esprit Saint, ceux-là sont fils de Dieu ». Nous ne sommes plus esclaves. Le baptême nous a plongés dans la mort du Christ et a rétabli en nous, grâce au sacrifice du Christ, la relation filiale qui avait été perdue par Adam. Saint Paul résume d’ailleurs très bien cette triple action des Personnes divines dans sa lettre aux Éphésiens, quand il écrit : « Par le Fils, dans l’Esprit Saint, nous avons accès au Père » (II, 18). Le Pape le résume quand il dit : « L’Esprit est donné par le Père [et le Fils] et nous conduit au Père ». La Rédemption a de fait toujours été considérée dans l’Écriture et la Tradition comme une nouvelle création. Le Pape parle de « ré génération », et il en analyse surtout les conséquences. Désormais, nous ne sommes plus orphelins. Notre époque troublée contient pourtant de nombreux signes laissant penser qu’il en va tout autrement. Le Pape en donne plusieurs. D’abord la solitude intérieure qui peut aller jusqu’à la tristesse existentielle. En effet, bien que l’on n’ait jamais autant parlé de fraternité, l’homme n’a jamais été aussi seul. La raison en est qu’un individualisme effronté dirige les relations sociales de nos contemporains. C’est pourquoi les hommes modernes sont si tristes. Comme l’avait rappelé en son temps Benoît XVI dans Spe salvi, le grand péché de notre siècle demeure le désespoir. Et le Pape François le rappelle ici. Cela ne contredit pourtant pas la phrase de Pie XII reprise par Jean-Paul II selon laquelle le mal du siècle serait « la perte du sens du péché ». En fait tout se tient. La perte du sens du péché entraîne la perte du sens de Dieu qui, elle-même, engendre une profonde tristesse (existentielle pour le Pape François) et un désespoir presque permanent.

On a perdu le sens de Dieu, mais cette perte, ou pour reprendre les mots du Pape, « cette prétendue autonomie par rapport à Dieu » s’accompagne malgré tout d’une certaine « nostalgie de proximité ». Les régimes totalitaires du siècle dernier, tous plus ou moins héritiers de la terreur révolutionnaire, n’ont pas supprimé en l’homme sa capacité naturelle de désirer Dieu à l’image duquel il a été créé. Cette image n’a pas disparu après le péché. Elle a seulement été gravement détériorée. Comme toujours, le Pape emploie des expressions chocs, notamment celle d’« analphabétisme intellectuel », toujours germe de mort, car il nous coupe de la communion non seulement avec les Personnes divines, mais encore avec nos frères. Nous sommes tous des fils de Dieu. Tel est l’ADN des baptisés, pour reprendre l’expression du Pape. Cet ADN a été restauré par le mystère pascal du Christ couronné par l’envoi de l’Esprit Saint, car « Dieu a tant aimé le monde qu’Il lui a envoyé son Fils unique, non pour le perdre, mais pour le sauver ». Demandons à Marie de nous immerger dans ce mystère d’amour. Cela entraînera pour nous une cascade de grâces, dont on pourra profiter au mieux grâce à elle.

L’homélie du Pape

La mission de Jésus, culminant dans le don de l’Esprit Saint, avait ce but essentiel : rétablir notre relation avec le Père, abîmée par le péché ; nous arracher à la condition d’orphelins et nous rendre celle de fils.

L’apôtre Paul, écrivant aux chrétiens de Rome, dit : « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions “Abba ! ”, c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8, 14-15). Voilà la relation renouée : la paternité de Dieu se rétablit en nous grâce à l’œuvre rédemptrice du Christ et au don de l’Esprit Saint.

L’Esprit est donné par le Père et nous conduit au Père. Toute l’œuvre du salut est une œuvre de ré-génération, dans laquelle la paternité de Dieu, au moyen du don du Fils et de l’Esprit, nous libère de l’état d’orphelins dans lequel nous sommes tombés. À notre époque aussi nous rencontrons différents signes de notre condition d’orphelins :  cette solitude intérieure que nous éprouvons même au milieu de la foule et qui parfois peut devenir tristesse existentielle ; cette prétendue autonomie par rapport à Dieu qui s’accompagne d’une certaine nostalgie de sa proximité ; cet analphabétisme spirituel diffus à cause duquel nous nous retrouvons dans l’incapacité de prier ; cette difficulté à percevoir comme vraie et réelle la vie éternelle, comme plénitude de communion qui germe ici-bas et s’épanouit au-delà de la mort ; cette difficulté pour reconnaître l’autre comme frère, en tant que fils du même Père ; et d’autres signes semblables.

À tout cela s’oppose la condition de fils, qui est notre vocation originaire, elle est ce pour quoi nous sommes faits, notre plus profond ADN, mais qui a été abimé et qui, pour être restauré, a demandé le sacrifice du Fils Unique. Du don immense d’amour qu’est la mort de Jésus sur la croix, a jailli pour toute l’humanité, comme une immense cascade de grâce, l’effusion de l’Esprit saint. Celui qui s’immerge avec foi dans ce mystère de régénération renaît à la plénitude de la vie filiale.

Marie auprès de nous

« Je ne vous laisserai pas orphelins ». Aujourd’hui, fête de Pentecôte, ces paroles de Jésus nous font penser aussi à la présence maternelle de Marie au Cénacle. La Mère de Jésus est au milieu de la communauté des disciples rassemblés en prière : elle est mémoire vivante du Fils et invocation vivante de l’Esprit Saint. Elle est la Mère de l’Église. À son intercession nous confions de manière particulière tous les chrétiens et les communautés qui en ce moment ont le plus besoin de la force de l’Esprit Paraclet, Défenseur et Consolateur, Esprit de vérité, de liberté et de paix.

L’Esprit, comme affirme encore saint Paul, fait que nous appartenons au Christ. « Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas » (Rm 8, 9). Et en consolidant notre relation d’appartenance au Seigneur Jésus, l’Esprit nous fait entrer dans une nouvelle dynamique de fraternité. Par le Frère universel qui est Jésus, nous pouvons nous mettre en relation avec les autres d’une manière nouvelle, non plus comme des orphelins, mais comme des fils du même Père, bon et miséricordieux. Et cela change tout ! Nous pouvons nous regarder comme des frères, et nos différences ne font que multiplier la joie et l’émerveillement d’appartenir à cette unique paternité et fraternité.

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