Ce dimanche de Pâques, en l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Fontgombault, le père abbé, dom Jean Pateau, a prononcé l’homélie suivante, donnant largement la parole au pape Jean-Paul II.
Chers Frères et Soeurs, mes très chers Fils,
Le 1er juin 1980, au Bourget, le Bienheureux Pape Jean-Paul II posait une question à notre pays :
« France, Fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême » ? En ce saint jour de Pâques, une semaine avant sa canonisation, Jean-Paul II nous pose la même question : « Mon ami, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Peut-être serons-nous obligés de répondre : « Quelles sont les promesses de mon baptême ? »
Hier soir, au cours de la grande Vigile, nous avons renouvelé ces promesses. Nous avons renoncé à Satan, aux œuvres mauvaises qu’il inspire. Nous avons réaffirmé avec force les articles du Credo :
« Je crois en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Je crois en l’Église, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle. »
Chaque, année durant la nuit de Pâques, l’Église nous ramène ainsi au saint jour de notre baptême que nous devons garder en grande vénération. Mais notre vie quotidienne porte-telle la trace de nos engagements ? Sommes-nous des témoins crédibles de l’amour rédempteur de Jésus-Christ reçu lorsque l’eau était versée par trois fois sur notre tête et que le prêtre disait : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » ? Avons-nous l’audace de la foi qui nous fait dire à tout homme : « S’il te plaît, pardon, merci » au nom de Jésus-Christ qui lui même vient mendier notre amour, nous pardonner, nous aimer. Dieu est-il entré dans notre vie ? Notre coeur est-il suffisant au point de prétendre fort bien se débrouiller sans lui ?
Un autre Christ
Être baptisé, être chrétien, c’est avoir revêtu le Christ pour ne faire plus qu’un avec lui dans son corps qui est l’Église comme l’affirmait Tertullien : « Le chrétien est un autre Christ. »
Mais jusqu’où le Christ va-t-il me conduire si je le fais entrer dans ma vie, si je lui laisse brûler mon cœur de son feu purificateur ?
Laissons Jean-Paul II nous enseigner encore :
Quand, le 22 octobre 1978, sur la place Saint-Pierre j’ai lancé : « N’ayez pas peur ! », je ne pouvais évidemment pas savoir jusqu’où ces paroles nous entraîneraient, moi et l’Église…
C’était un encouragement adressé à tous les hommes… : n’ayez pas peur de ce que vous avez vous-mêmes créé, n’ayez pas peur de tout ce qui, dans ce que l’homme a produit, risque de se retourner contre lui ! En un mot, n’ayez pas peur de vous-mêmes ! Pourquoi… ? Parce que l’homme a été racheté par Dieu !… La Rédemption est cette lumière qui « brille dans les ténèbres » et que les ténèbres ne parviennent pas à étouffer (cf. Jn1,5). La puissance de la Croix du Christ et de sa Résurrection est toujours plus grande que tout le mal dont l’homme pourrait et devrait avoir peur…
« N’ayez pas peur ! » a dit le Christ aux Apôtres (Lc 24, 36) et aux femmes (Mt 28, 10) après sa Résurrection. Les textes évangéliques ne nous disent pas que Marie aurait, elle aussi, reçu cet encouragement. Forte de sa foi, « elle n’avait pas peur »… Cette conviction m’a toujours habité : le Christ vaincra par Marie…
À la fin du deuxième millénaire, nous avons plus que jamais besoin d’entendre cette parole du Christ ressuscité : « N’ayez pas peur ! »… Il faut que, dans la conscience de chaque être Dieu : « Ce qui est impossible pour les hommes est possible pour Dieu. (Lc 18, 27) »
On ne peut pas séparer les exigences morales proposées à l’homme par Dieu de l’exigence de l’amour rédempteur, c’est-à-dire du don de la grâce que Dieu lui-même en un sens s’est engagé à accorder…
Il est capital pour l’homme d’entrer dans l’espérance, de ne pas s’arrêter sur le seuil, et de se laisser guider. Je pense que le grand poète polonais Cyprian Norwid, qui décrivait ce qu’il découvrait au plus intime de l’existence chrétienne, a parfaitement exprimé cette réalité : « Nous ne marchons pas à la suite du Sauveur en portant sa croix, mais nous suivons le Christ qui porte la nôtre » (Lettre à J.B. Zaleski, Paris, le 6 janvier 1851). Voilà pourquoi la vérité sur la Croix peut être qualifiée de « Bonne Nouvelle »…
Suivre le Christ
Suivons donc le Christ qui a porté notre croix. Rejetons de nos vies le levain de mort afin de revêtir les livrées du Seigneur. N’ayons pas peur de courir à sa suite sur la voie de la sainteté. Demandons à Dieu la force, dans nos familles, à notre travail, dans nos communautés, de porter et de faire germer la bonne nouvelle de l’Alléluia pascal. Ayons le courage de renoncer à ce qui n’est pas de Dieu, aux compromis avec le mauvais. Repoussons de nos vies médisances, calomnies et murmures. En ces jours le Christ offre à ses disciples la paix, devenons artisans de paix. Entretenons le feu pascal dans nos cœurs afin qu’il brûle et qu’il enflamme le monde.
N’ayons pas peur de suivre le Christ mort et ressuscité.
Amen, Alléluia.
Ci-desous introït de la messe de Pâques, par les moines de l’abbaye Notre-Dame de Triors (fondée par l’abbaye de Fontgombault) :