Introït Lætetur cor (4ème et 30ème dimanche ordinaire, Jeudi après le 4ème dimanche de Carême)

Publié le 22 Oct 2016
Introït Lætetur cor (4ème et 30ème dimanche ordinaire, Jeudi après le 4ème dimanche de Carême) L'Homme Nouveau

« Que se réjouisse le cœur de ceux qui cherchent le Seigneur. Cherchez le Seigneur et prenez courage ; cherchez sans cesse son visage. Louez le Seigneur et invoquez son nom : publiez ses œuvres parmi les nations. » (Psaume 104, 3, 4, 1)

Commentaire spirituel

Deux thèmes spirituels se conjuguent dans le texte de ce bel introït : la joie et la recherche de Dieu. La joie comme récompense ; la recherche de Dieu comme l’activité privilégiée qui mérite cette récompense.

Avant d’être un thème privilégié de la spiritualité monastique, « quærere Deum » est un thème scripturaire. Les psaumes, en particulier, utilisent abondamment cette expression ou d’autres analogues. Le verbe chercher est mis en relation, dans l’Écriture, avec différents compléments : Dieu, bien sûr, son visage, sa gloire, sa volonté, sa loi, ses commandements, sa justice, son royaume mais aussi la sagesse, le bien, etc.

Le Cantique des Cantiques mérite une mention spéciale. Ce livre exprime d’un bout à l’autre la quête à la fois anxieuse et délicieuse de l’épouse qui symbolise en réalité toute l’humanité à la recherche de son Dieu.

Remarquons d’abord que cette recherche capte toutes les facultés de l’homme, comme on le voit dans les récits évangéliques des apparitions du Seigneur, que ce soit aux apôtres, aux disciples d’Emmaüs ou à Marie-Madeleine. L’esprit, le cœur, la sensibilité, le corps même, mis en mouvement par les désirs de l’âme, sont concernés par la recherche de Dieu.

La recherche de Dieu prend donc tout l’homme. Elle doit avoir aussi, pour être bénie de Dieu et efficace, des qualités particulières qui s’appellent les unes les autres. On peut en décrire quelques unes : l’attention, l’action, l’affection, la confiance, la persévérance.

La recherche de Dieu doit être attentive, elle nécessite le recueillement, le silence. On ne cherche pas Dieu sérieusement dans le bruit extérieur ou intérieur. Il faut se taire pour écouter la voix du bien-aimé et se diriger vers elle. Cette voix est le plus souvent comme une brise légère, un murmure comme celui de la fontaine qui coule au milieu du cloître. Dieu se révèle surtout dans le silence, il commence à se dire quand tout se tait, quand nous cessons de l’enfermer dans nos idées, nos schémas. Cela nécessite donc une ascèse à tous les niveaux, celui du silence matériel (Dieu ne parle pas dans les portes claquées), celui du silence de l’imagination, celui même de la pensée ou du cœur.

La recherche de Dieu doit être active, effective. Après avoir fait le vide, il faut encore porter ce vide à la rencontre de Dieu. Il ne suffit pas de se taire, de se disposer par le silence, il faut encore chercher, scruter, à travers la lecture, la prière, la charité fraternelle. Toutes nos activités, même les plus humbles, peuvent devenir le lieu d’une révélation de Dieu, si nous y mettons la générosité et l’avidité inlassables d’une Thérèse de Lisieux.

La recherche de Dieu doit être amoureuse. C’est un complément de la qualité précédente. L’ardeur qui nous pousse à chercher activement doit être celle de l’amour. On cherche davantage encore et mieux avec son cœur qu’avec son esprit. L’âme qui cherche ainsi est simple, nette, résolue, elle ressemble vraiment à l’enfant qui part à la découverte des réalités qui l’entourent et qui le fait d’autant mieux qu’il s’attache par le cœur à une grande personne qui sera pour lui une source de vérités et à qui il pourra demander sans cesse : « pourquoi » ou « comment ». L’enfant n’a pas encore l’esprit suffisamment développé pour atteindre la vérité, et c’est pourquoi il fait confiance, naturellement

L’enfance spirituelle se caractérise aussi par la confiance. Le Seigneur suscite lui-même notre recherche, il en est la récompense certaine. Notre foi et notre espérance sont sûres de le découvrir si nous continuons sans trêve de le chercher dans l’amour. Notre quête de Dieu ne doit rien avoir de frileux, de soupçonneux, d’inquiet. « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé » disait le Seigneur à Pascal. Nous cherchons avec lui jusqu’à ce qu’il daigne se laisser trouver par nous. Nous cherchons en étant déjà en sa compagnie.

En outre, la recherche de Dieu doit être persévérante. « Quærite faciem ejus semper ». Tant que nous serons sur cette terre, notre recherche sera insuffisante, nous n’aurons jamais fini de chercher. Dieu nous dépasse. Et même si à certains moments il nous accorde la grâce d’une certaine possession, ne nous enfermons jamais dans cette grâce, ne nous arrêtons pas, profitons-en au contraire pour avancer toujours plus avant dans le mystère. La recherche de Dieu ne cessera qu’avec la vision. En elle, notre activité d’intelligence et d’amour qui jusque là s’exprimait dans notre désir, culminera désormais dans la joie. Ce sera le repos, mais un repos éminemment actif, une action reposante.

Concluons en soulignant l’urgence, pour notre monde, de la recherche de Dieu. Tant d’âmes s’égarent aujourd’hui dans des recherches humaines ou infra-humaines, trop souvent avilissantes et stériles, en tout cas insuffisantes. Les âmes ont besoin de retrouver leur Dieu, et avec lui leur dignité, elles ont donc aussi besoin d’âmes qui cherchent Dieu, qui ne cherchent que Dieu, qui soient pour elles un démenti silencieux au triste esclavage du matérialisme et à la laideur du péché, des âmes qui soient là pour leur tracer un chemin de lumière et de paix. Assurément, le rôle des moines sur la société n’est pas révolu. Et soyons sûrs qu’il ne s’agit pas tant de briller à l’extérieur que d’être, tout simplement, pour que notre témoignage soit vrai et puissant. Demandons à Marie la grâce de bien savoir chercher Dieu.

Commentaire musical

Laetetur cor

Pour un texte au message joyeux, il fallait une mélodie joyeuse. Celle qui a été composée est empruntée au 2ème mode, ce qui nous montre bien que l’attribut tristis, qu’il faut d’ailleurs traduire par sérieux plutôt que par triste, ne suffit pas à représenter à lui seul les mélodies de ce mode plagal de Ré. Pourtant, il faut reconnaître aussi que le texte porte en lui davantage une quête ardente qu’une joie débordante. Le message est surtout celui de la recherche de Dieu. On va donc trouver dans cette mélodie une joie réelle qui se traduit notamment dans la légèreté du mouvement ; et aussi une certaine nostalgie inquiète mêlée à un désir ardent qu’exprime la sobriété de la ligne et la répétition insistante de plusieurs formules musicales. Trois phrases constituent cet introït, chacune contenant le verbe quærere qui rythme la pièce.

L’intonation est ferme. Elle met bien en valeur les deux mots : l’accent de lætétur le mot de la joie, et le monosyllabe cor qui est bien épanoui et qui se pose de façon très ferme sur la tonique Ré puis sur la sous-tonique Do.

Vient ensuite le bel élan de quæréntium : un intervalle de tierce Ré-Fa permet d’atteindre l’accent du participe présent doté d’une note longue ; puis la mélodie se maintient sur le Fa jusqu’à la finale du mot qui s’épanouit en une formule très légère et très ardente à la fois, bien élancée et dans un legato parfait. Le ralentissement avant la cadence ne se fait que sur le mot Dóminum très net et très bien rythmé sur la corde Ré avec son accent au levé, son temps composé ternaire et sa finale toute simple.

La deuxième phrase renchérit sur la première quant à l’idée. Puisque la joie résulte de la recherche de Dieu, le psalmiste invite donc à chercher Dieu. La mélodie se maintient dans l’ambitus restreint du 2ème mode, sans s’élever plus haut que le Sol. Beaucoup de légèreté toujours dans ce membre de phrase. La plongée au grave de la finale de Dóminum, avec sa belle retenue avant la déposition de la dernière note, souligne la paix profonde que procure cette quête de Dieu. Chercher Dieu, c’est déjà lui appartenir et cette certitude est source d’une paix que rien ne peut troubler. C’est d’ailleurs ce qu’exprime le verbe confirmámini qui suit. L’élan initial, la note longue sur le Fa, l’accent bien ferme, mais aussi la légèreté de toute cette vocalise, manifestent bien cette confiance tranquille, cette force, mais douce, que procure à l’âme son souci unifiant de l’Unique nécessaire.

Et la troisième phrase continue de renchérir, non plus seulement du point de vue du texte, mais également au niveau de la mélodie qui se borne à conjuguer deux formules des deux phrases précédentes : la finale de quærite reprend celle du Dóminum de la seconde phrase, avec sa plongée au grave si expressive ; et la mélodie de faciem ejus semper est presque entièrement calquée sur sur celle de quæréntium Dóminum de la première phrase. On retrouve donc à la fin de cette pièce l’élan d’enthousiasme du début, léger mais sans précipitation, et la finale très ferme, si heureuse sur le mot semper, le mot de la fin qui éternise cette quête de Dieu et promet en même temps la pérennité de la joie souhaitée au tout début.

Cet introït tout contemplatif est bien servi par une mélodie légère, paisible, capable de beaux élans et de profondeur, nuancée mais aussi unifiée par les deux idées majeures du texte : la joie et le désir.

Pour écouter cet introit :

Laetetur cor intro

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