La pause liturgique : Introït Státuit (Commun des confesseurs pontifes)

Publié le 10 Nov 2023
Grégorien : introït paix

« Le Seigneur a conclu avec lui une alliance de paix. Il l’a établi chef pour qu’à lui appartienne à jamais la dignité de grand prêtre.
Souviens-toi, Seigneur de David et de sa grande soumission. »
Ecclésiastique, 45, 24 ; Psaume 131, 1

 

Thème spirituel 

L’introït des évêques, emprunté à la dernière partie de l’Ecclésiastique, chante historiquement le grand prêtre Pinhas, fils d’Eléazar, fils d’Aaron. C’est la glorieuse lignée sacerdotale du Peuple de Dieu, issue du patriarche Lévi, troisième fils de Jacob, qui est célébrée ici, pour sa fidélité au Seigneur. Pinhas s’était illustré dans le désert, après que le Peuple eut apostasié en s’unissant à des femmes Madianites, contre l’ordre formel du Seigneur.

Moïse avait alors enjoint aux juges d’Israël de tuer tous ceux qui s’étaient attachés aux faux-dieux de leurs épouses étrangères, et Pinhas avait montré un zèle ardent dans l’exécution du châtiment. Il fut récompensé par le Seigneur qui adressa à Moïse ces paroles : « Pinhas, fils d’Éléazar, fils du prêtre Aaron, a détourné ma fureur des fils d’Israël, parce qu’il a été animé, au milieu d’eux, de la même ardeur jalouse que moi. Aussi, je n’ai pas exterminé les fils d’Israël dans mon ardeur jalouse. Parle donc ainsi : Voici que moi, je lui donne mon alliance de paix. Ce sera pour lui et pour sa descendance après lui une alliance qui lui assurera un sacerdoce perpétuel, parce qu’il a été animé d’une ardeur jalouse pour son Dieu et a accompli le rite d’expiation sur les fils d’Israël. » (Nombres, 25, 11-13) Au cœur de ce texte, on reconnaît la source du texte de l’Ecclésiastique qui a fourni notre introït. 

Le compositeur a évidemment retenu le verset le plus positif pour nous, celui qui mentionne l’alliance de paix et la dignité éternelle de grand-prêtre. Le sacerdoce de l’Ancien Testament, avec ses beautés et ses limites, n’est qu’une annonce, une préparation de l’unique sacerdoce du Christ qui assume en lui tout ce qu’il y a de positif dans l’alliance mosaïque. Et l’évêque que nous célébrons en chantant cet introït, n’est qu’une humanité de surcroît pour le Christ, une extension dans le temps d’un sacerdoce unique et éternel, suffisamment riche pour être participé par tous les prêtres de tous les temps. 

Malgré le contexte de violence de ce chant inspiré de l’Ancien Testament, la paix du Christ rayonne sur le sacerdoce qu’il a institué au Cénacle, en donnant son corps et son sang à l’Église, la veille de sa Passion. Jésus est notre paix comme dit saint Paul (Éphésiens, 2, 14). Le prêtre, l’évêque, peut se définir avant tout comme un homme de paix qui unit, dans le don de sa personne, le peuple qui lui est confié.

Avant que d’être une dignité (le texte de l’introït évoque cette dimension du sacerdoce) le prêtre est un serviteur de la paix. Il est responsable de la paix de l’Église, et cela doit être très concret, dans la paroisse, dans le diocèse, dans la communauté qu’il assume. La paix entre les hommes donne accès à la paix de Dieu qui peut dès lors se donner d’en haut, être reçue pour le plus grand bien des âmes. 

Saint Augustin définit la paix comme la tranquillité de l’ordre. L’alliance de ces deux mots est importante. Il y a un ordre qui peut être tyrannique, despotique, écrasant. Pensons à l’ordre nouveau que prétendaient instaurer les nazis. Cet ordre là anéantit la liberté, il ne peut être source de paix.

Car la paix, c’est saint Thomas, cette fois, qui la définit ainsi, est la plénitude de la joie ou du bonheur. Et la joie est un fruit de l’amour. Or sans liberté, il ne saurait y avoir d’amour authentique. Souhaitons à tous nos pasteurs d’être vraiment, pour le peuple de Dieu, des pacifiques, des artisans de paix, source de paix pour nos âmes, afin que l’immense paix du Cœur de Dieu se propage dans l’Église et dans le monde. Sans la paix, nous ne pouvons rien faire, rien construire. 

 

Commentaire musical

introït confesseurs pontifes

Cet introït du 1er mode, le mode de la paix par excellence, est tout imprégné de ce fruit de l’Esprit qui couronne la joie. Il est assez semblable à l’introït Da pacem, type même des pièces paisibles du 1er mode. Les deux phrases mélodiques de ce chant sont assez merveilleuses dans leur progression. 

L’intonation caractéristique du 1er mode, qui unit la tonique Ré à la dominante La, se prolonge sur le Sib avant de revenir se poser sur le La, sur la finale de státuit. Ce verbe qui signifie la stabilité, la tenue, ne pouvait pas être mieux rendu que par cet élan initial et ce repos tranquille dans les hauteurs. L’alliance de paix que nous allons nommer et chanter dans un instant, est déjà signifiée, déjà établie, avec cette courte intonation. La phrase continue sur le La, avec un élan renouvelé qui nous conduit vers le premier sommet de la pièce qui est aussi le sommet de cette première phrase. L’accent de Dóminus est bien situé sur le La, pas sur le double Do qui suit. Ce double Do est donc atteint en douceur, même s’il se charge ensuite d’une belle et chaude intensité. Par contre, les deux dernières syllabes de Dóminus sont en détente, et la voix doit se revêtir de calme, de douceur, dans un grand legato très fluide. Le Sib, déjà rencontré dès l’intonation, contribue à nourrir cette atmosphère de paix. On le retrouve sur le mot qui signifie l’alliance, testaméntum, bien enveloppé, qui reconduit doucement la mélodie jusqu’à la tonique Ré, dans une grande plénitude de calme, d’ordre et de tranquillité. Cette première phrase est admirable de simplicité et d’expression. 

La seconde n’est pas en reste. Elle commence piano, sur le Ré, monte doucement sur l’accent de príncipem, sans aucune violence. Le gouvernement de l’Église et des âmes ne saurait se calquer sur celui du monde : il ne peut être que plein de douceur et d’humilité, à l’exemple de celui du Christ, unique prêtre de la nouvelle et éternelle alliance. Il y a pourtant de la fermeté dans le traitement mélodique de cette phrase dont les premiers accents (príncipem, fecit) sont au posé, bien fermes, même s’ils sont tempérés par le Sib, la formule de fecit reprenant celle de testaméntum dans la première phrase.

Sur la petite montée de eum, un crescendo se fait sentir, qui annonce le sommet mélodique de toute la pièce. Ce sommet exprime l’admiration, l’émerveillement de l’Église devant les œuvres de Dieu, devant le sacerdoce dont est revêtu le pontife que nous fêtons. La mélodie bondit jusqu’au Do, pas encore entendu jusque là, puis atteint même le Ré sur l’accent de illi, qui désigne le prêtre. Et sur le mot sacerdótii, cet émerveillement triomphe en se maintenant avec insistance sur le Do. La paix souveraine revient sur le mot dígnitas, bien posé sur le La, puis on revient vers le grave sur les deux derniers mots, ceux de l’éternité (in ætérnum), avec une longue mélodie, davantage chargée de neumes, large et si belle dans sa complaisance, toute contenue entre le La et le Ré, dans la sagesse du mode de Ré. 

Que de paix dans ce chant, que de noblesse ! C’est le ciel qui descend sur la terre, ou c’est la terre qui monte au ciel, grâce au Médiateur Jésus-Christ et à son sacerdoce. 

  

Pour écouter cet introït :

 

>> à lire également : Notre quinzaine : Paix en Terre sainte !

Un moine de Triors

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