Jeanne-Émilie de Villeneuve canonisée par le Pape François

Publié le 17 Mai 2015
Jeanne-Émilie de Villeneuve canonisée par le Pape François L'Homme Nouveau

Jeanne-Emilie de Villeneuve, religieuse et fondatrice de la congrégation des Sœurs de l’Immaculée conception de Castres (Tarn), a été canonisée ce 17 mai à Rome par le pape François. Nous publions à nouveau, à cette occasion, sa biographie déjà parue dans L’Homme Nouveau n°1561 du 1er mars 2014.

Pour Dieu seul et pour les pauvres

Émilie de Villeneuve est venue au monde le 9 mars 1811 à Toulouse, dans une des familles nobles les plus anciennes du Languedoc. Deux filles l’ont précédée au foyer, Léontine et Octavie. Chaque été, la famille se transporte au château d’Hauterive, près de Castres. En 1815, après la naissance d’un garçon, Ludovic, la famille s’installe à Hauterive. Madame de Villeneuve assure l’instruction et l’éducation de ses enfants. Son époux est absorbé par la gestion de ses terres. Au château, la discipline est stricte. En revanche, dans le parc, les enfants peuvent prendre une pleine détente. L’autorité maternelle, à la fois ferme et souple, après avoir enseigné les principes chrétiens d’une conduite juste et bonne, s’appuie beaucoup sur la confiance.

La différence d’âge provoque entre Émilie et ses sœurs une certaine distance, laissant ­celle-là dans une sorte d’isolement ; elle traverse les années de l’enfance avec une insensibilité déconcertante : « Un cœur qui avait l’air de ne rien sentir, un esprit froid, dépourvu même de cette gentillesse des petits raisonnements si gracieux de l’enfance », dira d’elle Coralie, une de ses amies. À cela se joint un trait de caractère bien exceptionnel à cet âge : un amour passionné de l’exactitude.

En 1825, madame de Villeneu­ve s’éteint après une douloureuse agonie. Habituée à ne pas extérioriser des sentiments pourtant bien réels, car, de son propre aveu, elle est portée « à la sensibilité et à la tendresse », Émilie reste comme insensible. Mais cette attitude dénote un drame intime : la tendresse maternelle, davantage concentrée sur les deux aînées, lui a trop manqué et la jeune fille s’est refermée sur elle-même. Lors de sa première communion, en janvier 1826, elle ne laisse rien paraître au-dehors de sa ferveur. Peu après, monsieur de Villeneuve, nommé maire de Castres, confie ses enfants à sa propre mère qui habite Toulouse. Cette dame, très âgée et aveugle, leur laisse une liberté quasi totale. Son salon est un lieu de réunion pour toute la ville. Léontine et Octavie en sont ravies : elles plaisent, et le monde leur plaît. Quant à Émilie, malgré sa magnifique chevelure blonde, elle n’attire pas.

Charité et prière

Octavie décède en 1828, à l’âge de 20 ans. Cet évènement produit sur elle un effet étonnant : « Ici commence pour Émilie une nouvelle existence, écrit Coralie… Une charité ineffable, un amour tendre et vif, animèrent désormais toutes ses actions. La prière, la fréquentation des sacrements, faisaient ses délices ; et lorsque des amis aimables et pieux venaient voir sa grand-mère, elle se rapprochait du cercle, les écoutait avec avidité, surtout lorsqu’ils parlaient de Dieu et des choses du Ciel. » Son cœur, longtemps renfermé, se donne plus entièrement à Dieu et, par lui, aux âmes.

À la fin de novembre 1829, Léontine se marie. Émilie devient alors maîtresse de maison au château d’Hauterive, passablement négligé depuis quelques années. Son père démissionne en 1830 de sa charge de maire de Castres mais multiplie ses activités agricoles. Très apte au gouvernement, Émilie a tôt fait de remettre de l’ordre, à la grande satisfaction de son père. Chaque matin, Émilie se rend à la messe. Elle partage avec les pauvres toute la pension que son père lui donne, visite les jeunes filles, les instruit, les assiste dans leurs maladies. Le père Leblanc, jésuite qui réside à Toulouse, la guide dans sa vie spirituelle.

Émilie atteint ses 23 ans et confie à Coralie : « Je ne me marierai pas… mais, ce qui me tourmente, c’est une vocation pour laquelle je me sens un attrait irrésistible, et le père Leblanc ne veut pas encore se prononcer… Je sens le désir de me consacrer aux pauvres dans l’admirable société des Filles de Saint-Vincent-de-Paul. » Lorsque, enfin, le père Leblanc approuve son dessein, sa joie est immense. Mais monsieur de Villeneuve, et sa famille avec lui, demande un report de quatre années. Le père Leblanc conseille à sa dirigée d’accepter ce délai. Elle poursuit donc ses activités et seconde si bien son curé que ses amies l’appellent « Monsieur le Vicaire ». Un jour, arrive une lettre de monsieur de Barre, chrétien fervent qui prie longuement dans les églises et occupe le reste de son temps à soulager la misère des pauvres. Il a eu pendant la messe une inspiration : Émilie devrait établir à Castres une maison dirigée par des religieuses pour s’occuper de l’éducation des enfants que leurs parents ne peuvent élever eux-mêmes. Après quelques mois de discernement et de prières, le père Leblanc conclut que l’œuvre est voulue de Dieu. Monsieur de Villeneuve, rassuré par la pensée que sa fille ne s’éloignera pas trop de lui, donne son consentement et l’archevêque d’Albi approuve, lui aussi.

Les sœurs Bleues

L’aide financière paternelle permet à Émilie d’acheter une maison à Castres. Elle donne à la Société qu’elle fonde le nom de « Congrégation de Notre-Dame de l’Immaculée Conception » ; l’habit des sœurs sera bleu. Avec deux compagnes, elle se rend à la Visitation de Toulouse pour un mois de noviciat. Le 8 décembre 1836, a lieu à Castres la prise d’habit, la profession religieuse temporaire et l’installation des trois sœurs dans leur maison, en présence de l’archevêque. Émilie prend le nom de sœur Marie. Les premières Règles définissent le but de la nouvelle congrégation : l’éducation des enfants abandonnés, le service des pauvres et des prisonniers, l’instruction et la formation professionnelle des jeunes filles. Le 19 mars 1837, un ouvroir est ouvert pour trente élèves, mais bientôt les couturières de la ville crient à la concurrence déloyale. La population, qui avait été très favorable aux sœurs lors de leur installation, se retourne contre sœur Marie avec aigreur, par des propos malveillants voire des calomnies. Le clergé se laisse lui aussi impressionner, mais le père Leblanc encourage les sœurs à aller de l’avant.

À la fin de 1837, la vague de critiques est passée et quatre postulantes sont admises. Au début de l’année suivante, la municipalité de Castres confie aux sœurs le soin des prisons. Le 1er mai 1838, la communauté s’installe dans l’ancien petit séminaire. Sœur Marie s’occupe de chacune des élèves avec une affectueuse sollicitude et celles-ci sont attirées par la paix que dégage sa personne. Sa devise est « Dieu seul ! ».

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