La lumière du Ressuscité dans les hymnes pascales

Publié le 26 Avr 2016
La lumière du Ressuscité dans les hymnes pascales L'Homme Nouveau

La « participation active (…) à la prière publique et solennelle de l’Église » étant une des deux sources du « véritable esprit chrétien » (Pie X, motu proprio Tra le sollecitudini, 1903), c’est dans les hymnes du temps pascal que nous continuerons de puiser la lumière du Ressuscité, allumée dans la nuit de Pâques.

La semaine pascale, dans la forme extraordinaire, a gardé la structure antique de l’office romain dans laquelle il n’y a aucune hymne, mais dès le dimanche suivant, des hymnes propres ornent les trois grandes heures de matines (nuit), laudes (aurore) et vêpres (coucher du soleil). On n’en connaît pas les auteurs, mais elles pourraient remonter au Ve ou VIe siècle. Nous suivrons ici leur texte original, antérieur à la réforme humaniste d’Urbain VIII (1631), texte auquel le concile Vatican II a demandé de revenir (SC 93).

L’éternité du Verbe

À matines, l’hymne Rex sempitérne Dómine part de l’éternité du Verbe, Jésus, « Seigneur, Roi d’éternité, (…) avant les siècles, Fils toujours uni au Père », et brosse une vaste Histoire du salut. La seconde strophe évoque la création comme le façonnage d’Adam dont le visage a été fait « à (sa) propre ressemblance », mais la chute qui a trompé ce dernier a provoqué l’Incarnation (4e et 5e str.). C’est cet homme nouveau, qui a pris la « fraternité du corps » qui est ressuscité après avoir accepté la Croix et donné son Sang. Ainsi, le lien entre le vieil homme et Jésus, Verbe éternel incarné, forme comme la trame de cette hymne chantée initialement au milieu de la nuit, avant toute lueur.

L’apparition de cette lumière suscite une autre louange, plus courte : l’hymne Auróra lucis rútilat, véritable cri de joie à la victoire triomphale du Ressuscité. « Le monde est transporté de joie, l’enfer hurle de douleur (…) à l’heure où le Roi tout-puissant (…) se dresse, vainqueur de la mort ». Et de nous faire regarder comme « passés les gémissements et les douleurs de l’enfer ».

Aux vêpres, en début de soirée, l’hymne Ad cenam Agni próvidi nous ramène à l’heure où les Hébreux, sur le commandement de Dieu, immolèrent et mangèrent l’agneau dont le sang les délivra de la captivité des Égyptiens (cf. Ex 11 et 12). Désormais, les invités à ce dîner (cena) sont les baptisés, récents ou plus anciens, « éclatants par (leurs) robes blanches » (1re str.). Eux aussi ont « franchi la mer Rouge » de la captivité. Le lien entre la pâque des Hébreux et celle du Christ forme ainsi la trame de cette hymne : « Protégés au soir de la Pâque contre l’ange exterminateur, nous avons été délivrés de la tyrannie du Pharaon » (3e str.). Comme le chante aussi la préface pascale, « notre Pâque, c’est le Christ ». C’est lui, poursuit l’hymne, « l’Agneau immolé et l’azyme véritable » (4e str.). Il « se lève du tombeau (…) et nous rouvre le Paradis » (6e str.).

Prière et contemplation

Dans « la prière publique et solennelle de l’Église », les hymnes, si elles instruisent et conduisent à la contemplation, n’en sont pas moins des prières. Ainsi, nos trois hymnes se ­terminent-elles chacune par la même demande instante qui précède la strophe doxologique finale. Et rompant avec notre propos initial, nous en reprendrons le texte tel qu’Urbain VIII l’a modifié : « Pour être toujours, ô Jésus, la joie pascale de nos âmes, délivrez de la mort cruelle du péché ceux que vous avez faits renaître à la vie ». À quelques jours de l’évangile du Bon Pasteur, cette collecte lui fait écho : « Que le troupeau dans sa faiblesse (humilitas) parvienne là où l’a précédé la force du pasteur » (IVe dimanche de Pâques, forme ord.). 

Les Hymnes de Matines

1. Rex sempitérne, Dómine,
Rerum Creátor ómnium,
Qui eras ante saecula
Semper cum Patre Fílius :

2. Qui mundi in primórdio
Adam plasmásti hóminem:
Cui tuæ imágini
Vultum dedísti símilem :

3. Quem diábolus decéperat,
Hostis humáni géneris:
Cujus tu formam córporis
Assúmere dignátus es:

4. Ut hóminem redímeres,
Quem ante jam plasmáveras :
Et nos Deo conjúngeres
Per carnis contubérnium:

5. Quem éditum ex Vírgine
Pavéscit omnis ánima :
Per quem et nos resúrgere,
Devóta mente crédimus :

6. Qui nobis in baptismáte
Donásti indulgéntiam,
Qui tenebámur vínculis
Ligáti consciéntiæ:

7. Qui Crucem propter hóminem
Suscípere dignátus es:
Dedísti tuum Sánguinem,
Nostræ salútis prétium.

8. Quaesumus, Auctor ómnium,
In hoc pascháli gáudio,
Ab omni mortis ímpetu
Tuum defénde pópulum.

9. Glória tibi, Dómine,
Qui surrexísti a mórtuis,
Cum Patre, et Sancto Spíritu,
In sempitérna saecula. Amen.

En français :

Seigneur, ô Roi d’éternité,
créateur de toutes les choses,
avant les siècles vous étiez
le Fils toujours au Père uni.

Dans le premier début du monde,
vos doigts façonnèrent Adam,
et vous avez fait son visage
à votre propre ressemblance.

Le diable ensuite l’a trompé,
ennemi de la race humaine,
et vous n’avez pas dédaigné
de prendre la forme charnelle.

C’est afin de racheter l’homme
que vous aviez jadis formé,
et pour nous relier à Dieu
par la fraternité du corps.

Lorsque vous naissez d’une Vierge,
tout esprit est dans la stupeur:
par vous nous croyons fermement
qu’un jour nous ressusciterons.

Vous qui, par les eaux du baptême,
nous avez donné le pardon,
alors que nous étions liés
par les chaînes de nos forfaits;

Vous qui n’avez pas refusé
de porter la Croix pour les hommes,
et pour prix de notre salut
avez répandu votre Sang;

Nous vous prions, ô Créateur,
en ce temps de la joie pascale,
contre les assauts de la mort
daignez défendre votre peuple.

Gloire à vous, Seigneur, en ce jour
où vous ressuscitez des morts,
avec le Père et l’Esprit-Saint,
durant les siècles éternels. Amen.

Hymnes des Laudes

1. Auróra lucis rútilat,
Cælum resúltat láudibus,
Mundus exsúltans júbilat,
Gemens inférnus úlulat :

2. Cum rex ille fortíssimus,
Mortis confráctis víribus,
Pede concúlcans tártara
Solvit a pœna míseros.

3. Ille, qui clausus lápide
Custodítur sub mílite,
Triúmphans pompa nóbili,
Victor surgit de fúnere.

4. Solútis jam gemítibus
Et inférni dolóribus,
Quia surréxit Dóminus,
Respléndens clamat Angelus.

5. Qu?sumus, Auctor ómnium,
In hoc pascháli gáudio,
Ab omni mortis ímpetu
Tuum defénde pópulum.

6. Glória tibi, Dómine,
Qui surrexísti a mórtuis,
Cum Patre, et Sancto Spíritu,
In sempitérna saecula. Amen.

En français:

1. L’aurore au ciel répand sa pourpre,
les airs vibrent de chants joyeux,
le monde applaudit, triomphant,
l’abîme a perdu son empire.

2. Car le Roi de toute-puissance
ruine les forces de la mort,
écrase du pied les enfers,
brise les douloureuses chaînes.

3. Lui qui, scellé sous une pierre,
était gardé par des soldats,
entouré d’un royal cortège,
sort triomphant de son tombeau.

4. C’en est fait des gémissements
et des angoisses de l’abîme;
l’Ange de lumière nous dit:
le Seigneur a vaincu la mort !

5. Nous vous prions, ô Créateur,
en ce temps de la joie pascale,
contre les assauts de la mort
daignez défendre votre peuple.

6. Gloire à vous, Seigneur, en ce jour
où vous ressuscitez des morts,
avec le Père et l’Esprit-Saint,
durant les siècles éternels. Amen.

Hymnes des vêpres :

1. Ad cenam Agni próvidi,
Et stolis albis cándidi,
Post tránsitum maris Rubri
Christo canámus Príncipi:

2. Cujus Corpus sanctíssimum
In ara Crucis tórridum,
Cruóre ejus róseo
Gustándo vívimus Deo.

3. Protécti Paschæ véspere
A devastánte Angelo,
Erépti de duríssimo
Pharaónis império.

4. Jam pascha nostrum Christus est,
Qui immolátus Agnus est,
Sinceritátis ázyma,
Caro ejus obláta est..

5. O vere digna hóstia,
Per quam fracta sunt tártara,
Redémpta plebs captiváta,
Réddita vitæ praemia.

6. Consúrgit Christus túmulo,
Victor redit de bárathro,
Tyránnum trudens vínculo
Et Paradísum réserans.

7. Quaesumus, Auctor ómnium,
In hoc pascháli gáudio,
Ab omni mortis ímpetu
Tuum defénde pópulum.

8. Glória tibi, Dómine,
Qui surrexísti a mórtuis,
Cum Patre, et Sancto Spíritu,
In sempitérna saecula. Amen.

En français :

1. Au repas de l’Agneau sauveur,
revêtus de nos robes blanches,
la Mer Rouge déjà franchie,
chantons notre Prince, le Christ.

2. Son Corps très saint fut immolé,
brûlé sur l’autel de la Croix;
buvons la pourpre de son Sang,
pour vivre de la vie de Dieu.

3. Protégés au soir de la Pâque
contre l’Ange dévastateur,
nous sommes soustraits à l’empire
de l’inflexible Pharaon.

4. Car notre Pâque, c’est le Christ,
c’est l’Agneau qui pour nous s’immole;
azyme de sincérité,
il fait l’offrande de sa chair

5. O très sainte, ô très digne hostie,
par toi l’enfer est abattu,
le peuple captif délivré,
restitué le prix de vie.

6. Le Christ se lève du tombeau,
il revient vainqueur de l’abîme,
il met dans les fers le tyran,
il ouvre les verrous du ciel.

7. Nous vous prions, ô Créateur,
en ce temps de la joie pascale,
contre les assauts de la mort
daignez défendre votre peuple.

8. Gloire à vous, Seigneur, en ce jour
où vous ressuscitez des morts,
avec le Père et l’Esprit-Saint,
durant les siècles éternels. Amen.

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