La maltraitance fiscale des familles

Publié le 12 Mai 2017
La maltraitance fiscale des familles L'Homme Nouveau

Alors qu’un nouveau gouvernement va se mettre en place, peut-on espérer une amélioration du sort des familles ? La France reste le pays où elles sont le plus imposées, ce qui ne peut qu’avoir une influence négative sur la démographie.

Quand la famille n’est plus au cœur de la politique, la politique n’a plus de cœur. Même ceux qui prétendent avoir le monopole du cœur en sont l’illustration. Exemple par le programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon avec sa révolution fiscale. Pour remplacer le quotient familial par un système de crédit d’impôt prétendument plus juste selon lui, le candidat du « goût du bonheur » avait placé un simulateur d’imposition permettant de mieux en comprendre les effets. Sur BFM Business, le journaliste Frédéric Bianchi a dévoilé l’incongruité spectaculaire de ce système individualiste d’autant plus favorable (à salaire égal) à ceux qui n’ont pas ou moins d’enfants à charge et inversement.

Les familles françaises sont les plus taxées

Mais on n’a pas attendu les billevesées de ce soi-disant pourfendeur des inégalités sociales pour s’en prendre au quotient familial et matraquer les familles nombreuses, comme on l’a vu dans notre dernière chronique. Un récent rapport de l’OCDE intitulé « Impôts sur les salaires » fait précisément apparaître que les familles françaises sont les plus lourdement taxées de tous les pays de l’organisation internationale. Ainsi une famille avec deux enfants et un seul revenu salarial correspondant à la moyenne des salaires du pays devra acquitter une charge de 40 % sur ses revenus bruts (y compris les charges patronales) en France, contre 38,6 % en Italie, 34 % en Allemagne, 26,1 % au Danemark, et 20,8 % aux États-Unis…

Ces pourcentages révèlent ce que les économistes nomment le « coin fiscal » : l’écart entre le coût salarial global et le salaire net. C’est-à-dire qu’ils prennent en compte non seulement les prélèvements directs sur les revenus salariaux (impôts sur le revenu, CSG) mais aussi les cotisations sociales dites à la charge de l’employé ainsi que celles dites patronales acquittées par son entreprise. Cette dernière distinction propre au bulletin de paie français est fictive et illusoire car toutes les cotisations sont assujetties au salaire et donc au salarié. D’où la juste revendication pour la transparence ou la vérité du bulletin de paie qui ferait figurer comme salaire brut la totalité de ce que l’entreprise débourse en réalité pour la protection sociale du salarié : un coût exorbitant !

Une disparition programmée

Certes l’étude de l’OCDE se limite aux prélèvements et ne traite pas des prestations sociales, en espèce ou en nature, pour lesquelles la France serait mieux placée. Mais, sur le site de Politique magazine, Arnaud Le Gall (maître de conférences à l’université de Caen Normandie) a également montré comment le plafonnement (évolutif) du quotient familial et celui des allocations familiales atteignaient particulièrement les familles nombreuses payant l’impôt sur le revenu et appartenant donc à la classe moyenne. Il cite aussi d’autres mesures plus discrètes et de moindre ampleur mais qui s’ajoutent encore à leur charge fiscale. Comme l’intégration, dans le revenu imposable des retraités, des majorations de retraites pour charges de famille. Ou la taxation des voitures familiales pas assez écologiques ! Ou bien encore l’absence de toute mesure palliative dans la réduction du nombre de demi-parts du quotient familial lors du départ des enfants : « Le départ de l’aîné d’une famille de deux enfants ne fait perdre qu’une demi-part au foyer, contre deux demi-parts pour les foyers de trois enfants, le rang de chacun des enfants se trouvant décalé. Ainsi, jusqu’à ce qu’il ne reste que deux enfants, le départ de chacun des premiers enfants d’une famille nombreuse fait donc perdre une part complète au foyer fiscal. »

C’est une véritable discrimination fiscale qui touche aujourd’hui les familles nombreuses, analogue à celle qui brime les parents qui choisissent la liberté de l’enseignement. Alors qu’ils contribuent, comme tout le monde, à l’impôt (direct et indirect), on les prive arbitrairement d’une juste redistribution de cet argent public selon la part qui devrait leur revenir avec des allocations familiales ou scolaires dignes de ce nom (à caractère universel). Ils paient de ce fait doublement leur choix familial pourtant profitable au bien commun : pour les autres et pour eux-mêmes. Par une injustice sociale et politique criante, ces familles sont victimes d’une dissuasion et d’une relégation sociologiques qui ne peut plus durer.

L’effet domino de l’hiver démographique

Alors que le quotient familial et certaines allocations universelles expliquaient sans doute une tenue moins mauvaise de la natalité française comparée à celle des autres pays européens, toutes ces atteintes à notre pauvre politique familiale pourraient bien la voir retomber. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer depuis quelques années, selon l’Union nationale des associations familiales (Unaf), du fait notamment de la baisse du quotient familial. Or moins d’enfants, c’est aussi à terme moins de cotisants pour les retraites selon le cercle vicieux bien connu.

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