La miséricorde, carte de visite de Dieu

Publié le 19 Avr 2020
La miséricorde, carte de visite de Dieu L'Homme Nouveau

La béatitude des miséricordieux possède la particularité unique d’avoir pour cause et récompense un même sujet : la miséricorde. Remarquons que cette béatitude est propre à saint Matthieu. Saint Luc, l’évangéliste de la miséricorde, ne la mentionne pas. Comme il l’a déjà fait maintes fois, le Pape fait sienne la pensée selon laquelle la miséricorde est synonyme du pardon. Certes, le pardon demeure la forme la plus haute, en même temps que la plus difficile de la miséricorde. Mais on ne peut purement et simplement identifier miséricorde et pardon accordé à ceux qui nous ont offensés. En fait, le mot miséricorde est composé de deux concepts : le cœur et la misère. La miséricorde est le cœur qui se penche sur la misère d’autrui et qui tente de lui apporter secours et remède.

L’histoire de la rencontre de Dieu avec l’homme est une histoire d’amour. L’Ancien Testament nous dévoile le sens de cette histoire, en particulier grâce à la riche image de l’amour conjugal, qui, peut-être plus qu’une autre, exprime le mieux la fidélité, ou malheureusement l’infidélité, de l’époux ou de l’épouse. Et quand l’épouse devient infidèle, le propre de la miséricorde sera de se pencher sur elle, afin de la relever, en commençant par lui pardonner. C’est ce que fera Dieu riche en Hesed (bonté, bienveillance, en hébreu) tout au long de l’Ancien Testament. Mais outre cette dimension masculine de la miséricorde, il existe en Dieu une dimension féminine de la miséricorde : celle du sein ou mieux des entrailles maternelles, en hébreu rahamim. On en voit un très bel exemple dans le jugement de Salomon où les entrailles de la vraie mère s’émurent à la pensée de voir son fils couper en deux par le glaive. Dans son tableau du Père de l’enfant prodigue, Rembrandt a tenu compte de ces deux dimensions, en peignant une main masculine et une main féminine.

Si l’on veut contempler la miséricorde à l’état pur, il faut la considérer en Dieu, car elle est, peut-on dire, sa carte de visite et elle s’étend de génération en génération, comme le chante Marie dans son Magnificat. Pour s’en convaincre, il faudrait relire tout l’Ancien Testament, particulièrement Osée, et pour les Évangiles, surtout celui selon saint Luc dans lequel tous les passages propres, soit plus d’un tiers, concernent la miséricorde. Et c’est parce que la miséricorde à l’état pur ne se trouve qu’en Dieu que Jésus a pu dire : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux ». Le Pape dans son homélie insiste surtout, on l’a dit, sur la miséricorde en tant que pardon et il distingue à la fois le pardon reçu et le pardon donné. Les deux ne peuvent se séparer et pourtant il est si difficile de pardonner ! Quand le mal fait a été grand, le pardon devient humainement presque impossible. Pourtant avec la grâce de Dieu, tout est possible. Que l’on songe à la maman de sainte Maria Goretti communiant aux côtés mêmes du bourreau de sa fille ! C’est peut-être héroïque, c’est peut-être le propre des saints, mais n’oublions pas que le récent concile a rappelé que la sainteté est universelle et qu’elle est pour tous. Déjà, dans l’Ancien Testament au Lévitique, Dieu disait : « Soyez saints, parce que je suis saint », ce que l’on pourrait paraphraser pour notre sujet de cette façon : « Soyez miséricordieux, parce que je suis miséricordieux ». Demandons à Marie d’entrer sur le chemin royal de la miséricorde, unique et vrai but de tout chemin spirituel. Comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, la miséricorde est l’un des plus beaux fruits de la charité.

PAPE FRANÇOIS 

AUDIENCE GÉNÉRALE

Bibliothèque du palais apostolique
Mercredi 18 mars 2020

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous nous arrêtons aujourd’hui sur la cinquième béatitude, qui dit: «Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde» (Mt 5, 7). Dans cette béatitude, il y a une particularité: c’est la seule où la cause et le fruit du bonheur coïncident, la miséricorde. Ceux qui exercent la miséricorde obtiendront miséricorde, ils seront «objets de miséricorde».

Ce thème de la réciprocité du pardon n’est pas seulement présent dans cette béatitude, mais il est récurrent dans l’Evangile. Et comment pourrait-il en être autrement? La miséricorde est le cœur même de Dieu! Jésus dit: «Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés; ne condamnez-pas et vous ne serez pas condamnés; remettez et il vous sera remis» (Lc 6, 37). Toujours la même réciprocité. Et la Lettre de Jacques affirme que «la miséricorde se rit du jugement» (2, 13).

Mais c’est surtout dans le Notre-Père que nous récitons: «Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes avons remis à nos débiteurs» (Mt 6, 12); et cette requête est la seule qui soit reprise à la fin: «Si vous pardonnez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous pardonnera aussi; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos manquements» (Mt 6, 14-15; cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2838).

Il y a deux choses que l’on ne peut pas séparer: le pardon donné et le pardon reçu. Mais beaucoup de personnes sont en difficulté, elles ne réussissent pas à pardonner. Très souvent, le mal reçu est si grand que réussir à pardonner semble comme escalader une très haute montagne: un effort immense ; et la personne pense: c’est impossible, cela est impossible. Ce fait de la réciprocité de la miséricorde indique que nous avons besoin de renverser la perspective. Tout seuls, nous ne pouvons pas, la grâce de Dieu est nécessaire, nous devons la demander. En effet, si la cinquième béatitude promet de trouver miséricorde et que dans le Notre-Père nous demandons la rémissions de nos dettes, cela veut dire que nous sommes essentiellement des débiteurs et que nous avons besoin de trouver miséricorde!

Nous sommes tous débiteurs. Tous. Envers Dieu, qui est si généreux, et envers nos frères. Chaque personne sait qu’elle n’est pas le père ou la mère qu’elle devrait être, l’époux ou l’épouse, le frère ou la sœur qu’elle devrait être. Nous sommes tous «en déficit» dans la vie. Et nous avons besoin de miséricorde. Nous savons que, nous aussi, nous avons fait du mal, il manque toujours quelque chose au bien que nous aurions dû faire.

Mais c’est précisément notre pauvreté qui devient la force pour pardonner! Nous sommes débiteurs et si, comme nous l’avons entendu au début, nous serons mesurés selon la mesure avec laquelle nous mesurons les autres (cf. Lc 6, 38), alors nous devons élargir cette mesure et remettre les dettes, pardonner. Chacun doit se rappeler qu’il a besoin de pardonner, qu’il a besoin du pardon, qu’il a besoin de la patience; tel est le secret de la miséricorde: en pardonnant, on est pardonné. C’est pourquoi Dieu nous précède et qu’Il nous pardonne le premier (cf. Rm 5, 8). En recevant son pardon, nous devenons capables à notre tour de pardonner. Ainsi, notre misère et notre manque de justice deviennent l’occasion de s’ouvrir au royaume des cieux, à une mesure plus grande, la mesure de Dieu, qui est miséricorde.

D’où naît notre miséricorde? Jésus nous a dit: «Montrez-vous miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux» (Lc 6, 36). Plus on accueille l’amour du Père, plus on aime (cf. CEC, n. 2842). La miséricorde n’est pas une dimension parmi les autres, mais elle est le centre de la vie chrétienne: il n’y a pas de christianisme sans miséricorde (cf. Saint Jean-Paul II, Enc. Dives in misericordia du 30 novembre 1980; Bulle Misericordae Vultus du 11 avril 2015; Lett. ap. Misericordia et misera du 20 novembre 2016). Si tout notre christianisme ne nous conduit pas à la miséricorde, nous nous sommes trompés de route, car la miséricorde est le seul objectif véritable de tout chemin spirituel. Elle est l’un des plus beaux fruits de la charité (cf. CEC, n. 1829). 

Je me rappelle que ce thème a été choisi dès le premier Angelus que j’ai dû réciter comme Pape: la miséricorde. Et cela est resté profondément imprimé en moi, comme un message qu’en tant que Pape j’aurais toujours dû communiquer, un message qui doit être quotidien: la miséricorde. Je me rappelle que ce jour-là, j’ai également eu l’attitude un peu «effrontée» de faire de la publicité à un livre sur la miséricorde, qui venait d’être publié par le cardinal Kasper. Et ce jour-là, j’ai ressenti avec une grande force que c’est le message que je dois communiquer, en tant qu’Evêque de Rome: miséricorde, miséricorde, s’il vous plaît, pardon.

La miséricorde de Dieu est notre libération et notre bonheur. Nous vivons de miséricorde et nous ne pouvons pas nous permettre d’être sans miséricorde : c’est l’air que nous devons respirer. Nous sommes trop pauvres pour poser des conditions, nous avons besoin de pardonner, parce que nous avons besoin d’être pardonnés. Merci !

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