De tous les livres du Pape François, Le nom de Dieu est Miséricorde (1) nous semble être le meilleur parce qu’il touche l’âme du pécheur. On le sait, le Saint-Père est ignatien, ce qui signifie qu’il a longtemps pratiqué et prêché les fameux exercices spirituels du fondateur des jésuites. D’ailleurs, au lendemain de son élection en 2013, le cardinal Barbarin avait opportunément édité en langue française un livre intitulé Amour, Service & Humilité, compilant les interventions du cardinal Bergoglio au cours d’une retraite de saint Ignace donnée aux évêques espagnols en 2006 (2).
À la suite de saint Ignace
À cet égard, dans la préface du livre, le primat des Gaules établissait une convergence entre saint Ignace et le cardinal argentin devenu pape : « Quand saint Ignace engage le retraitant à méditer sur les péchés et leurs terribles dégâts dans nos vies, il prend soin de ne laisser avancer celui qui prie qu’en compagnie de la miséricorde. Sinon, le chemin serait trop douloureux. (…) La seule façon de sortir de ses péchés, c’est d’accepter de les voir et d’avoir le courage de les confesser, pour en être délivré. Et pour parvenir à les voir, il est nécessaire de se laisser envahir par la miséricorde. »
Le Pape François reprend et développe ce message dans un ensemble d’entretiens avec le vaticaniste italien Andrea Tornielli. Ce dernier connaissait le cardinal Bergoglio de longue date. La biographie qu’il lui a consacrée avait été assez décevante mais l’on doit reconnaître qu’ici, l’exercice est réussi. C’est même la première fois qu’un pape répond aux questions d’un journaliste sur un thème relevant exclusivement de la vie spirituelle. Le Pape s’est attaché à rendre un discours clair et pédagogique destiné à toutes les âmes en quête. Nulle formule choc dans ce livre, mais l’expérience d’un pasteur d’âmes donnant aussi toute sa force au rôle du prêtre dans le sacrement de pénitence.
Fruit de la charité
Dans le Catéchisme de l’Église catholique, la miséricorde est avec la joie et la paix un fruit de la vertu théologale de charité. Le Pape la définit comme « l’attitude divine qui consiste à ouvrir les bras, c’est Dieu qui se donne et qui accueille, qui se penche pour pardonner. Il n’est pas venu pour ceux qui sont en bonne santé, qui n’ont pas besoin d’un médecin, mais pour les malades. » Depuis son élection, le Saint-Père a régulièrement comparé l’Église à un hôpital de campagne. Mais comme l’a dit très justement le cardinal polonais Stanis?aw Ry?ko en plein Synode sur la famille en octobre 2015, la vraie question reste de savoir qui souhaite se rendre à l’hôpital…
Or, juste après la définition de la miséricorde, le Pape François évoque la honte du péché à partir d’un texte du livre d’Ézéchiel (chap. XVI). Il existe donc un exercice intérieur préalable : « si l’on ne se reconnaît pas pécheur, cela veut dire qu’on ne veut pas la recevoir ».
La sincérité du pécheur
Peu avant, à la question : « Quel conseil donneriez-vous à un pénitent pour une bonne confession ? », le Pape François répond qu’il est nécessaire de « penser à l’authenticité de sa vie devant Dieu, à ce qu’il ressent, à ce qu’il pense. Qu’il sache se considérer lui-même, et considérer son péché, avec sincérité. Et qu’il se sente pécheur, qu’il se laisse surprendre, étonner par Dieu. »
Cette « surprise de Dieu » est sûrement le plus beau don du texte pontifical. Or, rappelle-t-il, les prêtres agissent in persona Christi : « Se confesser devant un prêtre est une façon de remettre ma vie entre les mains d’un autre, qui, à cet instant, agit au nom et pour le compte de Jésus. (…) Il y a une objectivité dans ce geste, dans le fait que je m’agenouille devant le prêtre qui, à ce moment-là, est l’intermédiaire de la grâce qui m’atteint et me guérit. » Dans ce qu’il appelle l’humanité blessée, la miséricorde de Dieu est donc plus que nécessaire. Et celle-ci n’existe pas sans la doctrine : c’est ce qu’il appelle la « miséricorde vraie ». Une affirmation qui, à maints égards, met fin à bien des ambiguïtés.
1. Pape François, Le nom de Dieu est Miséricorde, Robert Laffont/Presses de la Renaissance, 176 p., 15 €.
2. Éd. Magnificat, 144 p., 14,50 €.