La pause liturgie | Introït Ecce Virgo concípiet Fête de la Maternité Divine

Publié le 08 Oct 2022
La pause liturgie | Introït Ecce Virgo concípiet Fête de la Maternité Divine L'Homme Nouveau

Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel.
Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles
(Isaïe, 7, 14 ; Psaume 97, 1)

Thème spirituel

Le texte de cet introït est bien connu ; il s’agit d’une des prophéties les plus sublimes de tout l’Ancien testament. Isaïe en est l’auteur, et le contexte est celui d’une demande de miracle proposée par lui et au nom du Seigneur, au roi de Juda, Achaz.

« Le Seigneur parla encore ainsi au roi Acaz : « Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton Dieu, au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. »

Ce roi trop méfiant refuse la proposition, c’est-à-dire le secours de Dieu, sous prétexte de crainte religieuse, ce qui provoque la colère du prophète qui, toujours au nom de Dieu, ne propose plus mais impose le signe qui doit délivrer le peuple de Dieu.

« Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. » Isaïe dit alors : « Écoutez, maison de David ! Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu ! C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). »

Ce texte célèbre a fait couler beaucoup d’encre. De très nombreux livres ont été écrits en référence à cet unique verset 14 du chapitre 7 d’Isaïe. Le problème est de définir l’identité de l’enfant qui est à naître et celle de la mère. Certains auteurs considèrent que la prophétie vise directement l’époque du roi Acaz. La jeune femme serait tout simplement l’épouse du roi qui portait en son sein, effectivement, tous les espoirs de la maison de David.

Mais de nombreux autres auteurs refusent cette interprétation, à commencer par Saint Jérôme qui s’exclame de façon ironique en disant, en substance : « le fameux miracle que voilà : une femme va enfanter… comme si cela n’arrivait pas tous les jours ! »

Ce qui empêche ces auteurs de se rallier à l’interprétation la plus simple en apparence, c’est que cette naissance semble vraiment extraordinaire : il s’agit d’un fils qui doit naître de façon inédite, inouïe, qui doit naître d’une vierge : le mot hébreu, en effet désigne toujours dans la bible une jeune fille nubile, donc non mariée, donc vierge. Ce que la traduction des septante, reprise en cela par le texte latin de la Vulgate, a rendu par le terme vierge. Cette naissance exceptionnelle, miraculeuse, ne peut donc voir son accomplissement dans la naissance du descendant d’Acaz, mais elle évoque une autre naissance, beaucoup plus lointaine. Saint Matthieu ne s’y est pas trompé, lui qui a appliqué explicitement ce texte d’Isaïe à la naissance virginale de Jésus :

« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui

est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ». (Mathieu, 1, 20-23)

Par ailleurs, Saint Luc reprend exactement les mêmes termes d’Isaïe dans la bouche de Gabriel :

« Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. » (Luc, 1, 31)

C’est donc bien la Vierge Marie qui est annoncée par Isaïe, c’est elle que nous chantons dans cet introït, et la liturgie de l’Église n’a eu aucun scrupule à admettre et relayer cette interprétation.

Contemplons cette jeune fille qui vient de dire oui à l’ange Gabriel. Elle est toute jeune, quinze ou seize ans, peut-être, elle est la joie d’Israël, la fleur de Nazareth, le petit village qu’elle habite avec ses parents, Joachim et Anne ; elle est toute belle, de corps et de cœur ; elle a le projet de se marier avec Joseph, un beau charpentier qu’elle aime et qui l’aime de façon très pure, puisqu’ils ont décidé, d’un commun accord, de vivre dans le respect de la donation que Marie avait fait d’elle-même au temple, selon la tradition, à l’âge de trois ans. Marie est troublée, bouleversée en entendant les paroles de l’ange, car elle avait renoncé à « connaître » un homme, c’est-à-dire à s’unir à lui corporellement. Ce renoncement impliquait également celui de sa maternité, et nous comprenons pourquoi elle demande à Gabriel comment cela pourra-t-il se faire. Quelle simplicité, en Marie, quelle humilité aussi : en se consacrant ainsi à Dieu, elle prouve qu’elle ne s’imaginait pas un instant qu’elle pourrait être « celle qui devait enfanter », selon la prophétie d’un autre prophète, Michée :

« Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois. Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter. »

Marie qui s’ignore a répondu oui, fiat, à l’envoyé du Seigneur, elle a dit oui avec tout son cœur, avec tout son être ; elle a tout donné au Seigneur, et dès cet instant, dans son sein, le miracle s’est opéré, la conception s’est accomplie, elle est devenue mère, la mère de Jésus, la Mère de Dieu. C’est ce grand mystère marial, ce tout premier privilège fondement de tous les autres privilèges de Marie, que chant avec entrain cet introït, en ce jour dédié à sa maternité divine.

Ce tout premier dogme marial a été défini au concile d’Éphèse en 431, et mille cinq cent ans plus tard, en 1931, le Pape Pie XI, par l’encyclique Lux et Veritas, a institué cette fête de la Maternité Divine en la fixant au 11 octobre, jusqu’à ce que le Pape Paul VI, en 1969, lors de la promulgation du nouveau calendrier, remplace cette solennité et la rehausse en la transférant au tout premier jour de l’année, le 1er janvier. Mais du coup, les pièces grégoriennes qui avaient été composées en 1931 pour l’occasion, ont disparu du répertoire grégorien.

 

Ecce Virgo Partition virgo

Commentaire musical

Ce petit introït est très bref, très simple : il tient en deux lignes de portée. Il ne fait donc pas partie du fonds ancien du répertoire grégorien, mais c’est une vraie réussite musicale et on prend vraiment plaisir à le chanter et à l’entendre. Il s’agit d’un 3ème mode, et sa mélodie est typique de l’éthos de ce mode qui unit parfaitement les élans enthousiastes et les intimités les plus profondes. Une seule phrase musicale constitue ce chant d’entrée, mais on peut distinguer néanmoins deux parties qui forment chacune un tout : la première va de Ecce Virgo à Fílium (finale Ré) ; la seconde commence sur et vocábitur et s’achève avec le nom Emmánuel (finale Mi). Chacune de ces parties est constituée d’un élan ou protase et d’une détente intériorisante ou apodose.

La première partie commence comme une intonation de psaume en 3ème mode. Le Sol sert de corde d’appui à l’élan qui propulse aussitôt la mélodie vers le Do, dominante du mode (en réalité il s’agit du Si, mais dans beaucoup de pièces en 3ème mode, le Si, corde instable, a glissé au Do, corde beaucoup plus ferme). Ici, le compositeur n’a pas cherché à restituer la vraie dominante Si, il s’est simplement contenté du Do. Après un petit récitatif sur le Do, la mélodie redescend provisoirement sur une première cadence en La, sur la finale de concípiet ; c’est comme une simple flexe en psalmodie, mais ici un peu plus développée. Puis, la mélodie repart du Sol, va toucher une nouvelle fois le Do sur l’accent important de Fílium, avant que l’apodose ne conduise la mélodie vers le grave, et une cadence non pas en Mi mais en Ré, corde qui joue ici le rôle de sous-tonique du Mi. Il y a un bel élan enthousiaste dans cette première partie qui ne manque pas de fermeté, notamment sur les deux accents de Virgo et de Fílium, les deux protagonistes de cette naissance merveilleuse, la Mère et le Fils. La détente qui s’opère sur la finale de Fílium ne doit pourtant pas être transformée en cadence finale de phrase, car le mouvement reprend, certes plus humble, plus mystérieux aussi, sur les mots et vocábitur. On repart du Ré, plutôt piano, on prend un bel appui, mais dynamique aussi, sur l’accent de vocábitur, et on monte par degrés conjoints jusqu’au La, avec un petit récitatif sur le Sol, donc beaucoup moins brillant que celui de la première partie, qui se faisait allègrement sur le Do. Ici, la mélodie de cette deuxième partie apparaît plus ramassée. Le crescendo se fait progressivement, s’amplifie sur ejus, plus orné mélodiquement, et nous emmène à nouveau vers le Do, mais de façon plus large, plus ferme, plus solennelle, au début de la longue vocalise de Emmánuel, très épanouie, très chaude, très aimante, mais qui s’intériorise tout de suite pour aboutir à la cadence finale en Mi, cette fois, cadence très contemplative et bien élargie.

La psaume alors jaillit qui chante avec allégresse les merveilles du Seigneur à l’encontre de Marie, merveilles qui resplendissent pour nous, génération après génération.

Il y a de la joie et de la paix dans cet introït qui finit dans le plus beau recueillement sur le nom béni du Dieu qui se complaît parmi nous.

Pour écoute cet introit :

Une moine de Triors

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