La pause liturgique : Credo in unum Deum

Publié le 31 Déc 2022
Grégorien : Graduel Misit Dominus (2ème dimanche ordinaire, 2ème dimanche après l’Épiphanie) L'Homme Nouveau

Le Credo qui est chanté à la messe s’origine dans les grandes définitions de la foi catholique et orthodoxe issues des premiers conciles œcuméniques, ceux de Nicée (318) et de Constantinople (381). Il a ainsi tout naturellement pris le nom de Credo de Nicée-Constantinople, et c’est ainsi qu’on le distingue du Symbole des Apôtres, texte plus bref qui est notamment celui qu’on récite au début du chapelet. En fait, ce Credo de Nicée-Constantinople constitue une forme abrégée de l’enseignement de ces deux premiers conciles, une sorte de Compendium qui fut rédigé selon sa forme actuelle lors du Concile de Chalcédoine en 451, d’après une source immédiate qui fut l’Epistola dogmatica du Pape Saint Léon le Grand (440-461). Ce texte vénérable est au singulier, parce que sa fonction première fut de servir de profession de foi lors des baptêmes. Voyons ce que dit à ce sujet le Catéchisme de l’Église Catholique aux numéros 186 à 197 :

« Dès l’origine, l’Église apostolique a exprimé et transmis sa propre foi en des formules brèves et normatives pour tous. Mais très tôt déjà, l’Église a aussi voulu recueillir l’essentiel de sa foi en des résumés organiques et articulés, destinés surtout aux candidats au Baptême :

Cette synthèse de la foi n’a pas été faite selon les opinions humaines ; mais de toute l’Écriture a été recueilli ce qu’il y a de plus important, pour donner au complet l’unique enseignement de la foi. Et comme la semence de sénevé contient dans une toute petite graine un grand nombre de branches, de même ce résumé de la foi renferme-t-il en quelques paroles toute la connaissance de la vraie piété contenue dans l’Ancien et le Nouveau Testament, dit Saint Cyrille de Jérusalem

On appelle ces synthèses de la foi « professions de foi » puisqu’elles résument la foi que professent les chrétiens. On les appelle « Credo » en raison de ce qui en est normalement la première parole : « Je crois ». On les appelle également « Symboles de la foi ».

Le mot grec symbolon signifiait la moitié d’un objet brisé (par exemple un sceau) que l’on présentait comme un signe de reconnaissance. Les parties brisées étaient mises ensemble pour vérifier l’identité du porteur. Le « symbole de la foi » est donc un signe de reconnaissance et de communion entre les croyants. Symbolon signifie ensuite recueil, collection ou sommaire. Le « symbole de la foi » est le recueil des principales vérités de la foi. D’où le fait qu’il sert de point de référence premier et fondamental de la catéchèse.

La première « profession de foi » se fait lors du Baptême. Le « symbole de la foi » est d’abord le symbole baptismal. Puisque le Baptême est donné « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19), les vérités de foi professées lors du Baptême sont articulées selon leur référence aux trois personnes de la Sainte Trinité.

Le Symbole est donc divisé en trois parties, explique Saint Irénée : « d’abord il est question de la première Personne divine et de l’œuvre admirable de la création ; ensuite, de la seconde Personne divine et du mystère de la Rédemption des hommes ; enfin de la troisième Personne divine, source et principe de notre sanctification ». Ce sont là, dit-il encore, « les trois chapitres de notre sceau (baptismal) ». « Ces trois parties sont distinctes quoique liées entre elles. D’après une comparaison souvent employée par les Pères, nous les appelons articles. De même, en effet, que dans nos membres, il y a certaines articulations qui les distinguent et les séparent, de même, dans cette profession de foi, on a donné avec justesse et raison le nom d’articles aux vérités que nous devons croire en particulier et d’une manière distincte » nous dit toujours Saint Irénée. Et selon une antique tradition, attestée déjà par Saint Ambroise, on a aussi coutume de compter douze articles du Credo, symbolisant par le nombre des apôtres l’ensemble de la foi apostolique.

Nombreux ont été, tout au long des siècles, en réponse aux besoins des différentes époques, les professions ou symboles de la foi : les symboles des différentes Églises apostoliques et anciennes, le Symbole Quicumque, dit de Saint Athanase, les professions de foi de certains Conciles (Tolède, Latran, Lyon, Trente) ou de certains papes, tels la Fides Damasi ou le Credo du Peuple de Dieu de Saint Paul VI.

Aucun des symboles des différentes étapes de la vie de l’Église ne peut être considéré comme dépassé et inutile. Ils nous aident à atteindre et à approfondir aujourd’hui la foi de toujours à travers les divers résumés qui en ont été faits.

Parmi tous les symboles de la foi, deux tiennent une place toute particulière dans la vie de l’Église :

Le Symbole des apôtres, appelé ainsi parce qu’il est considéré à juste titre comme le résumé fidèle de la foi des apôtres. Il est l’ancien symbole baptismal de l’Église de Rome. Sa grande autorité lui vient de ce fait : « Il est le symbole que garde l’Église romaine, celle où a siégé Pierre, le premier des apôtres, et où il a apporté la sentence commune » écrit Saint Ambroise.

Le Symbole dit de Nicée-Constantinople, celui que nous étudions ici, tient sa grande autorité du fait qu’il est issu des deux premiers Conciles œcuméniques (325 et 381). Il demeure commun, aujourd’hui encore, à toutes les grandes Églises de l’Orient et de l’Occident.

Ce Symbole, dit encore Saint Ambroise, est le sceau spirituel, il est la méditation de notre cœur et la garde toujours présente, il est, à coup sûr, le trésor de notre âme. »

Credo Partition 1 credo

Dans la liturgie, le Credo a été très vite inséré dans la célébration de la messe. En Orient, l’usage de le réciter à chaque messe s’est rapidement répandu, et comme il était récité par le peuple, il fut mis au pluriel.

De l’Orient, le Credo passa chez les Irlandais et de là chez les Anglo-Saxons. Par l’intermédiaire d’Alcuin, il arriva à Aix-la-Chapelle et prit dès lors sa place dans la liturgie, après l’Évangile. C’est le Concile d’Aix-la-Chapelle en 798 qui introduisit le chant du Credo dans toute la France, avec l’accord du Pape Léon III. Sa diffusion progressa très lentement. On raconte que lorsque l’empereur Henri II vint à Rome en 1014, il s’étonna de constater l’absence du Credo à la messe. C’est vers cette époque qu’il fut fixé à Rome après quelques réticences.

Dans l’ordo Missæ de Paul VI, le Credo est chanté ou récité tous les dimanches ainsi qu’aux fêtes solennelles. Il devrait être normalement chanté par toute l’assemblée, ou au moins alternativement, mais l’exécution par un chœur polyphonique n’est cependant pas exclue.

À partir du XIe siècle et jusqu’au XIXe siècle, spécialement en Europe du Nord, de nombreuses compositions musicales adaptées au texte du Credo virent le jour, dont certaines suivirent le modèle grégorien du simple récitatif, et d’autres adoptèrent une structure mélodique beaucoup plus élaborée.

On compte six mélodies grégoriennes du Credo qui sont toutes construites selon un même schéma, à savoir un énoncé mélodique égal des différents articles de la foi, sans développement privilégié sur aucun d’entre eux. C’est dire que la mélodie n’interprète pas le texte comme elle le fait partout ailleurs dans le répertoire grégorien. Elle se contente de mettre en musique le Credo mais sans privilégier aucunement tel ou tel article ou encore telle ou telle expression, tel ou tel mot. Elle respecte absolument le caractère énonciatif de la profession de foi baptismale qui consiste en une suite pure et simple d’articles de foi tous présentés de manière égale et successive.

Credo Partition 2 credo

Le Catéchisme de l’Église Catholique organise son exposé du Credo sous la forme de douze articles de foi, en suivant le symbole des Apôtres :

Article 1 : Je crois en Dieu le Père Tout-puissant Créateur du ciel et de la terre.

Article 2 : Et en Jésus-Christ, son Fils Unique, Notre Seigneur.

Article 3 : Jésus-Christ a été conçu du Saint-Esprit, Il est né de la Vierge Marie.

Article 4 : Jésus-Christ a souffert sous Ponce Pilate, il a été crucifié, il est mort, il a été enseveli.

Article 5 : Jésus-Christ est descendu aux enfers, est ressuscité des morts le troisième jour.

Article 6 : Jésus est monté aux cieux, il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant.

Article 7 : D’où il viendra juger les vivants et les morts.

Article 8 : Je crois en l’Esprit Saint.

Article 9 : Je crois à la Sainte Église catholique.

Article 10 : Je crois au pardon des péchés.

Article 11 : Je crois à la résurrection de la chair.

Article 12 : Je crois à la vie éternelle.

Credo Partition 3 credo

Les six Credo grégoriens, eux, suivent le Credo de Nicée-Constantinople, et le décomposent tous en dix-sept phrases mélodiques ainsi réparties :

Credo in unum Deum, Patrem omnipoténtem, factórem cœli et terræ, visibílium ómnium et invisibílium (on reconnaît l’article 1).

Et in unum Dóminum Jesum Christum, Fílium Dei unigénitum (article 2).

Et ex Patre natum ante ómnia sæcula (déploiement de l’article 2 : l’éternité du Fils)

Deum de Deo, lumen de lúmine, Deum verum de Deo vero (déploiement de l’article 2 : l’origine du Fils).

Génitum, non factum, consubstantiálem Patri : per quem ómnia facta sunt (déploiement de l’article 2 : la divinité du Fils et son rôle dans la Création).

Qui propter nos hómines et propter nostram salútem descéndit de cœlis (déploiement de l’article 2 : le décret de salut et la descente du Verbe au sein de l’humanité).

Et incarnátus est de Spíritu Sancto ex María Vírgine : Et homo factus est (article 3).

Crucifíxus étiam pro nobis sub Póntio Piláto passus, et sepúltus est (article 4).

Et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras (article 5).

Et ascéndit in cœlum : sedet ad déxteram Patris (article 6).

Et íterum ventúrus est cum glória judicáre vivos et mórtuos : cujus regni non erit finis (article 7).

Et in Spíritum Sanctum, Dóminum et vivificántem : qui ex Patre Filióque procédit (article 8).

Qui cum Patre et Fílio simul adorátur et conglorificátur : qui locútus est per Prophétas (déploiement de l’article 8 : la divinité du Saint-Esprit, son rôle dans la Révélation).

Et unam sanctam cathólicam et apostolicam Ecclésiam (Article 9).

Confíteor unum baptísma in remissiónem peccatórum (article 10).

Et exspécto resurrectiónem mortuórum (article 11).

Et vitam ventúri sæculi (article 12). Amen.

Credo Partition 4 credo

Comme on le voit, le Symbole de Nicée-Constantinople mis en mélodie grégorienne déploie à quatre reprises l’article 2 du Symbole des Apôtres, insistant sur les divers aspects de la divinité du Christ, son éternité, son origine, son rôle dans la Création, sa mission dans l’Incarnation ; et une fois l’article 8, insistant sur la divinité de l’Esprit Saint et sa qualité de révélateur.

Pour finir, citons ces belles lignes de Dom Gajard :

« Pour les gens du Moyen Âge qui avaient la foi (et j’ajouterais qu’il n’y a aucune raison pour qu’il en aille autrement pour nous !) le chant du Credo était la contemplation tranquille et amoureuse de tous les points du Mysterium Christi avec l’adhésion tranquille aussi à tous ces points. Le chant du Credo doit être bien moins une manifestation qu’une manière d’Oraison. Aujourd’hui lorsqu’on réunit quatre hommes dans une église, on croit nécessaire de leur faire manifester leur foi, parce qu’il y en a peu… Alors, on sort le Credo de Dumont, ou… on le crie, et ce n’est pas cela… Que tout le chant du Credo soit chaud, plein, intérieur, priant. Quand on a bien senti le rythme du mot latin, on éprouve une joie, même physique à sentir le chevauchement des mots, le rapport étroit entre le rythme musical et le rythme vital : c’est vraiment la transposition, dans l’ordre sonore, du rythme vital. Le chant doit être l’expression sonore de tout l’être non pas seulement du cœur, de la voix, des lèvres : c’est pourquoi la prière chantée est supérieure à toute autre prière. »

Pour écouter le Credo III :

Un moine de Triors

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