Voilà ce que dit Dom Gajard au sujet du Glória en général :
« Pour comprendre un Glória, il faut l’analyser selon l’usage ancien : c’est-à-dire distinguer différentes périodes qui comprennent chacune plusieurs versets actuels : il n’y avait pas autrefois ces coupures des versets, ces petites balles qu’on se renvoie d’un bout à l’autre du Glória… Non pas ces demi-chœurs qui s’interpellent, mais un grand chœur qui monte… qui monte encore. Mais puisque nous devons, selon l’usage actuel, chanter autrement, évitons de donner à chaque finale de verset, l’impression d’une grande cadence. Il faut un ritenuto tout, tout petit, qui ne décourage pas ceux qui commencent lorsque vous finissez : il faut de l’élan, il faut du souffle. »
Ce beau Glória, qui remonte au moins au Xe siècle, est le premier de la série des Glória grégoriens. Il est depuis fort longtemps attribué au temps pascal. Il est fait pour aller avec le Kyrie 1, et si l’on regarde attentivement son intonation, on reconnaîtra qu’elle s’inspire de la dernière invocation de ce Kyrie. Il est donc clairement composé pour succéder à ce Kyrie Lux et Origo qu’il prolonge en louange. Et comme lui il emprunte largement sa mélodie au 8ème mode, le mode de l’affirmation de la foi, le mode des certitudes. Mais comme le Kyrie également, et plus encore que lui, il introduit un autre mode que le mode de Sol. Les cadences en Mi sont fréquentes, même si elles apparaissent transposées à la quinte, c’est-à-dire sur le Si, l’atmosphère est bien celle du 3ème mode ou du 4ème mode, mode plus extatique qui est finalement retenu pour définir musicalement ce Glória.
L’intonation est en mode de Sol, mais le petit demi-ton Si-Do, alors que tout le reste de cette intonation se situe dans la tierce majeure Sol-La-Si, imprègne de sa douceur ce début de pièce, et également toute la suite. L’incise suivante est également en mode de Sol, mais on est monté d’un degré en faisant entendre le Ré, c’est-à-dire toute la quinte caractéristique du 8ème mode. Ce petit sommet arrive sur l’accent de terra et traduit la joie radieuse de l’humanité à l’annonce de la gloire de Dieu : celle de Noël aussi bien que celle de Pâques. On a remarqué que la mélodie de et in terra pax homínibus a servi de thème initial à un choral de Bach Allein Gott in der Höh’ sei Ehr.
Vient ensuite la première série de verbes : laudámus te, benedícimus te, adorámus te, glorificámus te, grátias ágimus tibi… qui constituent une seule période bien unie et menée en crescendo (le piano de adorámus te succède au forte de benedícimus te et celui de grátias ágimus tibi succède au forte de glorificámus te) jusqu’à l’affirmation de la gloire du Père (propter magnam glóriam tuam), premier sommet de la pièce qui touche le Mi aigu, avant d’aller se poser sur une cadence en Si
Dom Gajard remarque que très souvent, dans les Glória, cette période ne comprend qu’une seule montée mélodique. Mais ici, l’alternance entre les crescendos et les pianos, (ces petite parenthèses adorantes et plus recueillies) qu’on retrouvera d’ailleurs tout au long du Glória, donne à cette pièce un caractère aimant, très doux, très adorant, plus large.
Viennent ensuite les trois Dómine qui sont également en alternance. Le tout premier Dómine est mis en pleine lumière, et atteint le Fa. Il conduit à une cadence en Si. Le second est en retrait (Dómine Fili unigénite) et s’achève sur le Sol, mais il est suivi de l’admirable petit balancement de Jesu Christe, un peu plus large, et qui s’achève en Si. Le troisième attaque directement à l’aigu, sur le Mi (Dómine Deus). La mélodie de Agnus Dei répète celle de Deus Pater et fait écho au tout début, sur et in terra.
La série des trois Qui (Qui tollis, qui sedes) est quant à elle clairement en crescendo : le tout premier est piano ne dépassant le Si qu’une seule fois, sur l’accent de peccáta, avec une cadence en Sol; le second monte au Ré, là encore sur l’accent de peccáta, avec une cadence en Si ; et le troisième atteint le Mi puis le Fa sur l’accent de sedes, deuxième sommet mélodique de toute la pièce. Mais la série se termine sur une cadence en Sol : on est revenu au piano sur miserére nobis dont la mélodie est identique à celle du premier miserére nobis rencontré.
Enfin, la dernière série débute piano sur Quóniam tu solus sanctus, avec une cadence en La, atteint son sommet sur Tu solus Dóminus, et revient au piano sur Tu solus altíssimus. Et l’on retrouve la si belle formule de Jesu Christe, déjà rencontrée plus haut, si aimante, si contemplative !
Un dernier élan avec un intervalle initial de quinte La-Mi, entonne avec enthousiasme la doxologie qui s’achève pourtant sur le mode de Sol, dans la douceur et la fermeté, après avoir une fois encore fait entendre la formule mélodique Si-Do-Ré Ré-Do-Si, sur le mot Dei, comme on l’avait rencontrée sur in terra, sur Deus, et sur Agnus.
Le Amen final est tout en lumière, en hauteur, en chaleur, et ramène la pièce définitivement en mode de Mi.
Ce Glória est tout plein de nuances, d’alternances, de répétitions légères, finalement de vie, de douceur contemplative et de foi solide. Il est beau, aimable, et se laisse chanter très volontiers.
Pour écouter ce Gloria 1 :