La royauté du Christ

Publié le 12 Mai 2018
La royauté du Christ L'Homme Nouveau

« Le Seigneur a régné sur toutes les Nations ; Dieu siège sur son trône sacré. » (Psaume 46, 9)

Commentaire spirituel

Voici encore un alléluia bref, sobre de texte et de mélodie et pourtant très expressif et très représentatif du climat pascal. Le texte est emprunté au psaume 46, 9 (ou 47 selon la tradition hébraïque). C’est un petit psaume d’action de grâce mais qui célèbre magnifiquement la royauté de Yahvé sur son Peuple et sur le monde entier. Le Très Haut est le grand roi sur toute la terre. Ce psaume est très utilisé dans la liturgie de l’Ascension, à cause du verset 6 qui mentionne la montée triomphale de Yahvé vers le temple de Jérusalem pour en prendre possession après la victoire. Il monte au milieu des acclamations de la foule et le déchaînement des trompettes. Et là-haut, il trône et il règne sur l’univers entier, et c’est cette dernière vérité que chante notre alléluia. Il se situe tout naturellement dans le contexte liturgique qui est celui de l’Ascension du Christ au ciel, la Jérusalem céleste. Le Seigneur Jésus est monté avec sa nature humaine jusqu’au trône de Dieu, il s’est assis sur ce trône et là il règne à tout jamais au ciel et sur la terre. Notre alléluia complète donc les mélodies de l’Ascension qui décrivent plutôt l’événement de la montée au ciel. Mais on est toujours dans le même climat de fête et de joie. L’Église assume ce psaume, elle en fait un psaume messianique en l’appliquant au Christ. L’Ascension avec ce dimanche qui lui sert de corollaire peut être considérée comme une véritable fête du Christ-Roi.

Mais il y a bien sûr une autre dimension à ce chant pascal. Il ne s’agit évidemment pas seulement d’un souvenir d’un événement historique vieux de 2000 ans. C’est au contraire une réalité qui dure, une réalité présente et aussi une réalité à venir. La plénitude du règne du Christ ne s’est pas encore manifestée. Il est Roi, c’est indéniable. En tant que Dieu, il l’est de toute éternité. En tant qu’homme, il l’est depuis son Ascension. Mais sa royauté doit encore être appliquée de façon concrète à tous les hommes et ressentie par toutes les générations, ce qui n’aura lieu, en définitive, qu’à la fin des temps, lors du jugement dernier. Il ne faut donc pas omettre la dimension eschatologique d’un tel chant, comme d’ailleurs de toute la liturgie dans son ensemble. Le verbe de notre alléluia (regnavit) est au passé simple. Il indique une action qui a déjà eu lieu mais qui ne cesse plus désormais. La royauté du Christ ne cesse plus, elle ne peut plus cesser puisque, à travers l’événement de l’Ascension, elle est passée au-delà du temps, devenant de ce fait éternelle. La royauté du Seigneur n’est définitivement pas de ce monde et c’est ce que Jésus cherchait à montrer à Pilate, lors de son procès. Là déjà, il se disait roi et il l’était pleinement, malgré sa vulnérabilité corporelle et sa mort prochaine. Mais désormais, depuis son Ascension, il est à l’abri et sa royauté a pris son caractère définitif. Il ne lui manque plus que sa reconnaissance universelle. Elle est en cours, tout au long de l’histoire des âmes et des peuples. L’évangélisation témoigne du souci de l’Église d’étendre le règne du Christ au monde entier. Certains peuples ses sont soumis très tôt à ce règne et aujourd’hui ils le renient, c’est le cas de la vieille Europe. D’autres peuples ne lui ont pas encore été soumis. Ça, ce sont les fluctuations de l’histoire. Mais viendra un jour où le règne du Christ sera établi à jamais. Ce jour là sera délicieux pour les saints et toutes les âmes qui auront accepté la royauté du Seigneur. Mais ce jour sera terrible pour les ennemis de Dieu, pour les peuples apostats et tous ceux qui auront refusé le Christ mais qui seront bien obligés d’admettre la victoire du Seigneur. Il se manifestera en roi mais aussi en juge. Le mal et le bien de toute l’histoire humaine seront entre ses mains. Oui, justice sera faite et la miséricorde aura le dernier mot, il faut tenir les deux. Alors réfugions nous dès maintenant sous le sceptre glorieux du Seigneur, acceptons son joug qui est doux et léger, vivons dans la vérité et l’amour, la justice et la paix qui sont les conditions de son royaume. Prions aussi la Reine du ciel, la Mère de Jésus, la Vierge Marie, d’intercéder pour nous auprès de son fils afin qu’il nous obtienne le don de la persévérance finale et la récompense éternelle.

Commentaire musical

Alleluia regnavit

La mélodie de cet alléluia est empruntée au 1er mode, le mode de la paix, et de fait elle est très paisible, très sobre, sans éclat. Nous sommes encore en présence d’un alléluia qui ne paye pas de mine, mais qui, justement à cause de cela, représente bien le climat de joie calme qui caractérise le temps pascal en son entier. La résurrection, l’ascension, sont des événements uniques dans l’histoire humaine, mais le triomphe qu’ils impliquent n’est pas un triomphe humain, c’est le triomphe de Dieu, du Dieu caché de l’histoire, qui n’a pas besoin de bruit pour se dire. Au contraire, la paix est la meilleure preuve de sa toute puissance. Il gouverne l’univers, il sauve l’humanité de la manière la plus souveraine qui soit, sans effort, ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’implique pas dans cette action. Il a trouvé le moyen de verser son sang pour nous, il a laissé ses ennemis se déchaîner violemment contre lui. Mais sa victoire à lui, elle est dans la force de son amour, pas dans la haine vengeresse. Voilà la raison profonde de la paix qui enveloppe toutes ces mélodies grégoriennes durant le temps pascal. L’Église a trouvé dans son inspiration les accents de vérité qui lui permettent d’exprimer la victoire du Christ avec les sentiments même de Dieu plutôt qu’avec les mots des hommes qu’elle emprunte pourtant.

L’alléluia se décompose en quatre parties : le jubilus qui est assez bref ; la première phrase qui mentionne la royauté du Christ sur l’ensemble des nations ; le début de la deuxième phrase qui affirme sa divinité dans le fait qu’il siège sur le trône même de Dieu ; et enfin les deux derniers mots qui reprennent le motif du jubilus de l’alléluia.

Alleluia regnavit corps

L’intonation est typique du mode de Ré. Elle se déploie toute dans la quinte Ré-La, avec seulement un appui sur le Do, au grave qui est la sous tonique du mode et qui lui donne un surcroit de fermeté. L’accent du mot alléluia est soulevé, au début de la montée mélodique qui va vers le sommet. Cette belle courbe demande à être bien arrondie là haut, et donnée sans précipitation, surtout dans la descente, avec une déposition très douce sur la dernière note. La deuxième incise du jubilus se déploie dans le même ambitus, avec toujours un petit détour au grave sur le Do, une montée jusqu’au La et une redescente en ondulations douces jusqu’à la cadence en Ré, très paisible et très ferme en même temps. C’est tout simple, mais cela nous fait baigner dans la paix victorieuse du Ressuscité. Le bercement mélodique de ce passage est souligné de façon très belle par le fait qu’on distingue très nettement la triple alternance d’un neume ternaire et d’un neume binaire, avant de se poser sur le Ré final.

La première phrase demeure entièrement dans ce climat. On part du Ré, on touche le Do en dessous, on monte jusqu’au La sur le mot super et on redescend vers le Ré, tout cela sans aucune recherche expressive particulière. Tout au plus peut-on noter le traitement rythmique binaire du premier mot regnavit, qui donne quelque chose de très régulier, d’imperturbable et cela va très bien au règne du Christ, qui n’est pas de ce monde, mais qui gouverne ce monde avec autorité. L’impression d’autorité est encore renforcée par l’attaque très ferme, à la quinte, de super, sur la dominante du mode. C’est un sommet très relatif, mais qui exprime bien la hauteur, la transcendance du Seigneur par rapport aux nations, qui, elles, sont reléguées mélodiquement dans le grave. A travers la paix de cette vocalise, on perçoit la tranquille souveraineté du Seigneur, et elle va être affirmée de façon encore plus nette au début de la phrase suivante.

Cette deuxième phrase commence sur le La, à l’aigu, et pour la première fois et aussi l’unique fois de la pièce, on va s’élever jusqu’au Do. Le relief est donc saississant malgré la relative sobriété de cette envolée. Or cet enthousiasme un peu soudain caractérise le mot Deus. Voilà l’affirmation de la divinité du Christ. S’il règne aussi facilement sur les nations, c’est qu’il est Dieu. On doit donc donner ce mot avec une force expressive beaucoup plus marquée que le reste. Il faut que ce mot tranche sur l’ensemble. Cela ne veut pas dire qu’on doit ralentir le tempo, au contraire, il s’agit plutôt ici d’impétuosité. Il ne faut pas traîner. On n’a pas le temps d’ailleurs, car la mélodie va immédiatement revenir au grave dès la deuxième syllabe du mot Deus lui-même, pour ne plus quitter désormais l’ambitus restreint auquel on est habitué depuis le début. Il n’en est pas moins vrai que cette deuxième phrase bénéficie tout entière de cet élan initial, ce qui la fera donner dans un tempo plus léger que la première, jusqu’à ce que l’on retrouve la mélodie du jubilus de l’alléluia, sur sanctam suam, avec notamment, dans la dernière incise, le bercement déjà mentionné des neumes ternaires et binaires qui contribue tant à l’atmosphère de paix qui baigne toute cette pièce. Notons que cet alléluia n’est pas lent, il est au contraire plutôt léger, mais toujours très régulier. C’est la paix de Dieu dans son royaume, dans l’exercice même de sa royauté et de sa divinité.

Vous pouvez l’écouter ici

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