Hormis les jeunes martyrs, l’Église semble avoir été réticente à canoniser les enfants. La vertu de la jeunesse peut-elle être héroïque ? Elle peut même nous en apprendre beaucoup sur notre propre vie spirituelle.
Canoniser des enfants ? En dehors du cas de certains martyrs, la chose semble étrangère à la tradition de l’Église, qui n’a jamais porté sur les autels – en vingt siècles d’histoire – des saints âgés de moins de 12 ou 14 ans. Et pourtant, le XXe siècle vit l’Église ouvrir la cause de nombreux jeunes susceptibles d’être donnés en exemple aux chrétiens, jusqu’à la récente exception des bergers de Fatima ou du bienheureux Acutis.
Canoniser des enfants ?
Plusieurs raisons peuvent être avancées à cette pratique de l’Église. On requiert d’habitude au moins 10 ans pour constater l’héroïcité de la vie vertueuse d’un candidat, or ces enfants – et pour cause – n’ont pas eu une vie suffisamment longue à compter de l’âge de raison. En outre, la sainteté de ces candidats non martyrs serait trop « ordinaire » et ferait pâle figure aux côtés des grands confesseurs et docteurs de la foi. La donne semble cependant avoir changé au cours du XXe siècle. L’influence de saint Jean Bosco, convaincu de la sainteté de certains de ses élèves, l’aura de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de sa « petite voie », ou encore l’expérience personnelle et l’inspiration du pape saint Pie X – qui favorisa la communion précoce en déclarant : « Il y aura des saints parmi les enfants » – ont remis l’enfance au goût du jour. Le père Réginald Garrigou-Lagrange, l’un des principaux artisans de ce renouveau de la mystique chrétienne, fut particulièrement attentif à cette question de la sainteté des enfants, qu’il envisagea sous un jour profondément spirituel et théologique, à la lumière de l’enseignement de saint Thomas d’Aquin (1). Ses réflexions sont un plaidoyer pour les jeunes saints mais aussi un enseignement universel sur la vie surnaturelle.
La question théologique
Le pape Benoît XIV, grand canoniste, fixa quatre critères d’héroïcité des vertus d’un candidat aux autels de l’Église :
- la matière ardue ou difficile des actes vertueux, au-dessus des forces communes ;
- la promptitude et la facilité avec laquelle ils sont accomplis ;
- la joie qui les accompagne ;
- leur régularité.
De ces quatre éléments, il semble que le premier soit le principal obstacle à…