Voilà un spectacle qui mérite notre attention en raison de son originalité et surtout de son intérêt. Il s’agit de l’adaptation au théâtre d’une nouvelle de Dostoïevski, mais dans un véritable esprit de création. Ronan Rivière ne s’est pas contenté d’adapter purement et simplement la nouvelle, mais de partir de la trame de Dostoïevski, d’y adjoindre l’univers de Gogol, pour composer une sorte de comédie fantastique avec six acteurs et un pianiste. Les puristes de l’œuvre seront sans doute surpris et peut-être déçus, mais le résultat est saisissant. Le plus intéressant, me semble-t-il, c’est que cette interprétation donne sans doute sans l’avoir recherché un éclairage fort sur le drame de l’autisme. Goliadkine est fasciné par les autres, par le monde extérieur, mais il est en parfaite inadéquation avec ses semblables. Cela apparaît d’autant plus fortement qu’il se retrouve projeté en présence de son double qui ne lui ressemble absolument pas dans ce qu’il est, mais qui pourrait parfaitement lui ressembler dans ce qu’il est incapable de vivre, mais qui n’en est pas moins fantasmatiquement l’expression de son désir et de ses manques. C’est en ce sens que la pièce est troublante. Le décor est pleinement adapté à ce sentiment d’instabilité permanente, comme si rien n’était capable de se fixer, un effacement permanent, une incapacité à faire évoluer une situation autrement qu’en subissant la répétition du même… Les comédiens sont excellents dans leurs rôles respectifs et la musique du piano sur scène qui accompagne ce drôle de drame est pleinement au diapason. Un spectacle de qualité à voir avant la fin de cette année.
Théâtre 14, 20, av. Marc Sangnier, Paris XIVe, jusqu’au 29 décembre (relâche exceptionnelle le 25 décembre), les mardi, mercredi, jeudi et vendredi à 19 h, le samedi à 20 h 30. Rés. : 01 45 45 49 77.