> Recension
Dans notre page culture, nous vous parlons d’un essai d’Arnaud Orain, Le Monde confisqué, de l’odyssée de Saint Paul en BD, et du dernier enregistrement de l’ensemble Pygmalion. Paru dans le n° 1831.
L’Essai
Le Monde confisqué, Arnaud Orain
« Nos courageux combattants mènent actuellement des attaques aériennes contre les bases, les dirigeants et les défenses antimissiles des terroristes [houthis] pour protéger les moyens maritimes, aériens et navals américains et pour restaurer la liberté de navigation. Aucune force terroriste n’empêchera les navires commerciaux et navals américains de naviguer librement sur les voies navigables du monde », écrivait Donald Trump le 17 mars sur son réseau social. Frappante déclaration dans la bouche d’un homme qui se vante depuis sa dernière campagne d’être un faiseur de paix mais qui, quand il baisse les bras et les armes devant le puissant Poutine, est capable de prédire en même temps « l’enfer » à des terroristes – tout à fait condamnables d’ailleurs – parce qu’ils viendraient gêner sa sainte « liberté de navigation ». Frappante déclaration, qui recoupe très exactement la définition d’un autre capitalisme que donne Arnaud Orain dans son essai extrêmement original, Le Monde confisqué. Car, en réalité, si on lit bien Orain, il ne s’agit pas de « liberté de navigation », mais d’une forme de capitalisme qui a alterné depuis le début de l’ère moderne avec le capitalisme libéral, dont nous sommes en train de sortir. Cette forme de capitalisme qu’il appelle « de finitude » consiste en la coexistence (belliqueuse, mais forcée) de « silos impériaux », c’est-à-dire de routes maritimes commerciales reliant une puissance dominante à ses colonies, à l’exclusion du reste du monde. Ce capitalisme, raconte l’historien de l’EHESS, a déjà existé au temps des colonies d’Ancien Régime (XVIIe-XVIIIee siècle) et entre 1880 et 1914, quand les grands empires occidentaux s’affrontent, jusqu’à la défaite de l’Allemagne bismarckienne. Et il revient aujourd’hui, à la faveur de la montée en puissance de la Chine qui se rêve une destinée mondiale, et de l’élection de Trump, l’homme qui n’a pas compris grand-chose sinon que l’hegemon de son pays était en voie de disparition. Ce capitalisme déteste la concurrence, mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il est, si l’on suit l’un…