Le Pape donne Jonas comme modèle

Publié le 26 Jan 2017
Le Pape donne Jonas comme modèle L'Homme Nouveau

Le cycle des conférences sur l’espérance conduit le Pape à nous parler de Jonas, figure prophétique atypique. Quel drôle de prophète en effet que ce Jonas qui part dans la direction opposée à celle indiquée par Dieu ! Au lieu d’aller vers l’Irak, il prend le chemin de l’Espagne. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il refuse que le message de pardon et de miséricorde du Seigneur soit étendu à l’humanité entière englobée par les païens de Ninive, et qu’il s’adresse même à l’ennemi héréditaire qui mettait en péril Jérusalem, la ville sainte par excellence. En bon juif, Jonas pense que seul Israël a Dieu pour père. Or précisément parce que Dieu est notre Père, il invite ce prophète de « sortie » et de fugue à devenir un prophète de « périphérie ». Dieu ne veut pas la mort du pécheur de quelque race ou de quelque religion qu’il fut et Jonas l’apprendra à ses dépens.

Jonas, que dom Delatte appelle à juste titre « patron des murmurateurs », fuit. Mais le prophète ne peut se soustraire à la volonté et à l’appel divins. Aussi, bientôt survient la tempête ; les marins l’en rendent responsable et le jettent à la mer. Mais YHWH est le maître. Toute la création chante sa gloire et lui obéit. La mer, pourtant ennemie de Dieu, au même titre que la mort, se soumet à la volonté divine et n’engloutit pas Jonas, type ici du Christ vainqueur de la mort et du chrétien devenu homme nouveau par le baptême. Jonas, en effet, happé par un énorme poisson, prie le Seigneur. Tout s’accomplit sur l’ordre direct de Dieu ou sous sa permission. Et la prière de Jonas, véritable cantique d’action de grâces, reconnaît ce gouvernement divin, dont les actions enchantaient déjà le psalmiste. Au bout de trois jours, il est rejeté sur une plage et part alors pour Ninive. Les habitants se convertissent et Dieu leur pardonne, ce dont Jonas est mécontent. Dieu lui explique alors la raison de sa miséricorde. Retenons ici que l’auteur du livre montre le conditionnel de toute prophétie : « Si vous ne vous convertissez pas ». Cette doctrine était déjà affirmée par bien des prophètes, mais elle apparaît particulièrement évidente chez Jonas. L’enseignement sera d’ailleurs repris par Jésus lui-même : Ninive la païenne s’est convertie en faisant pénitence, Jérusalem l’orgueilleuse refuse d’entendre la voix du Seigneur.

La prière apparaît donc bien comme la clé de voûte du récit. On la trouve partout, même chez les marins païens. Dieu se contente alors d’une prière très imparfaite mais qui jaillit du cœur, même si c’est devant le danger de la mort. Les marins sauront d’ailleurs lui être reconnaissants puisqu’ils le loueront, après l’apaisement de la tempête, comme le seul vrai Dieu. De même devant un danger encore plus grand, celui de la « seconde mort » dont parle l’Apocalypse, les Ninivites prient et jeûnent. Il faut donc, avec toute la tradition de l’Église, lire le livre de Jonas dans la perspective du mystère pascal du Christ, vainqueur de la mort et du péché, qui appelle à sa suite tous ceux qu’Il sauve déjà en espérance. C’est ainsi qu’en lisant ce récit nous comprenons mieux comment la prière ouvre à l’espérance, et pourquoi nous devons prier plus assidûment dans les moments d’épreuve.

Ce qu’il y a finalement de merveilleux dans le livre de Jonas, c‘est que l’on y découvre que la Providence de Dieu est universelle, s’étendant à tous les hommes, tant les marins que les Ninivites, tant Jonas que les Juifs, et que cette Providence se manifeste d’abord et avant tout par cette miséricorde qui engendre en nous une espérance indéfectible.

Le discours du Pape

Dans les Sainte Écritures, parmi les prophètes d’Israël, se détache une figure un peu particulière, un prophète qui tente de se soustraire à l’appel du Seigneur en refusant de se mettre au service du plan divin de salut. Il s’agit du prophète Jonas, dont on raconte l’histoire dans un petit livre de quatre épisodes seulement, une sorte de parabole qui contient un grand enseignement, celui de la miséricorde de Dieu qui pardonne.

Jonas est un prophète « en sortie »  et également un prophète en fuite! C’est un prophète en sortie que Dieu invite « en périphérie », à Ninive, pour convertir les habitants de cette grande ville. Mais Ninive, pour un Israélite comme Jonas, représentait une réalité menaçante, l’ennemi qui mettait en danger Jérusalem elle-même, et donc à détruire, mais certainement pas à sauver. C’est pourquoi, quand Dieu envoie Jonas prêcher dans cette ville, le prophète, qui connaît la bonté du Seigneur et son désir de pardonner, cherche à se soustraire à son devoir et s’enfuit.

Au cours de sa fuite, le prophète entre en contact avec des païens, les marins du bateau sur lequel il s’était embarqué pour s’éloigner de Dieu et de sa mission. Et il s’enfuit loin, parce que Ninive se trouvait dans la région de l’Irak et que lui s’enfuit en Espagne, il s’enfuit vraiment. Et c’est précisément le comportement de ces hommes païens, comme ce sera ensuite celui des habitants de Ninive, qui nous permet de réfléchir aujourd’hui un peu sur l’espérance qui, devant le danger et la mort, s’exprime dans la prière.

La tempête

En effet, durant la traversée en mer, une tempête terrible éclate, et Jonas descend dans la cale du navire et s’abandonne au sommeil. Les marins, en revanche, se voyant perdus, « crièrent chacun vers son dieu » : ils étaient païens (Jon 1, 5). Le capitaine du navire réveille Jonas et lui dit :  « Qu’as-tu à dormir? Lève-toi, crie vers ton Dieu! Peut-être Dieu songera-t-il à nous et nous ne périrons pas »  (Jon 1, 6).

La réaction de ces « païens »  est la juste réaction devant la mort, devant le danger ; car c’est alors que l’homme fait l’expérience de sa fragilité et de son besoin de salut. L’horreur instinctive de mourir révèle la nécessité d’espérer dans le Dieu de la vie. « Peut-être Dieu songera-t-il à nous et nous ne périrons pas » : ce sont les paroles de l’espérance qui devient prière, la supplication pleine d’angoisse qui monte aux lèvres de l’homme devant un danger de mort imminent.

Nous négligeons trop facilement de nous adresser à Dieu dans le besoin, comme si ce n’était qu’une prière intéressée, et donc imparfaite. Mais Dieu connaît notre faiblesse, il sait que nous nous rappelons de Lui pour demander de l’aide, et avec le sourire indulgent d’un père, Dieu répond avec bienveillance.

Quand Jonas, reconnaissant ses propres responsabilités, se fait jeter à la mer pour sauver ses compagnons de voyage, la tempête se calme. La mort imminente qui a conduit ces hommes païens à la prière, a eu pour effet que le prophète, malgré tout, vive sa vocation au service des autres en acceptant de se sacrifier pour eux, et il conduit à présent les survivants à la reconnaissance du vrai Seigneur et à la louange. Les marins, qui avaient prié en proie à la peur en s’adressant à leurs dieux, à présent, avec une crainte sincère du Seigneur, reconnaissent le vrai Dieu, offrent des sacrifices et font des vœux. L’espérance, qui les avait amenés à prier pour ne pas mourir, se révèle encore plus puissante et donne lieu à une réalité qui va au-delà de ce qu’ils espéraient : non seulement ils ne périssent pas dans la tempête, mais ils s’ouvrent à la reconnaissance du vrai et unique Seigneur du ciel et de la terre.

Ensuite, les habitants de Ninive face à la perspective d’être détruits, prieront eux aussi, poussés par l’espérance dans le pardon de Dieu. Ils feront pénitence, ils invoqueront le Seigneur et se convertiront à Lui, à commencer par le roi, qui, comme le capitaine du navire, donne voix à l’espérance en disant :  « Qui sait si Dieu ne se ravisera pas, (…) en sorte que nous ne périssions point? »  (Jo 3, 9). Pour eux aussi, comme pour l’équipage dans la tempête, avoir affronté la mort et en être sortis vivants les a conduits à la vérité. Ainsi, sous la miséricorde divine, et encore plus à la lumière du mystère pascal, la mort peut devenir, comme elle l’a été pour François d’Assise, « notre sœur la mort »  et représenter, pour chaque homme et pour chacun de nous, une occasion surprenante de connaître l’espérance et de rencontrer le Seigneur. Que le Seigneur nous fasse comprendre ce lien entre prière et espérance. La prière te conduit de l’avant dans l’espérance et, quand les choses deviennent sombres, davantage de prière est nécessaire! Et il y aura davantage d’espérance. Merci.

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