Le Pape invite à la convivialité

Publié le 02 Déc 2015
Le Pape invite à la convivialité L'Homme Nouveau

Le Pape a repris le thème de la famille dans une nouvelle audience du mercredi. Il y aborde un sujet capital pour la bonne entente dans les familles, à savoir la convivialité. Le premier sens du terme est le goût des réunions joyeuses où l’on mange. Puis, comme tout naturellement, le terme en est venu à désigner l’ensemble des rapports entre personnes au sein de la société. Le Pape utilise ici les deux sens du mot pour montrer que la convivialité, qui s’apprend dès le plus jeune âge, est une caractéristique importante de la vie familiale puisqu’elle crée et entretient la joie et l’entente qui règnent en son sein. Le Pape commence par parler des repas, dont l’importance ne se réduit pas au fait qu’on y nourrit le corps, mais encore parce qu’on peut y nourrir les âmes. Les grands évènements de la famille : anniversaires, naissances, mariages et même deuils permettent à tous de se retrouver et de partager durant les repas. La Bible elle-même, depuis le repas d’Abraham avec ses trois hôtes mystérieux jusqu’aux noces de l’Agneau entrevues dans l’Apocalypse, nous parle sans cesse de repas. Tous ces récits nous donnent une grande leçon de choses.

Autour du repas

Comme le remarque le Pape, avec ses images si suggestives, les repas, et en général la convivialité, apparaissent comme un thermomètre sûr pour mesurer la santé d’une famille et la valeur des relations existant entre ses membres. Une famille qui ne mange jamais ensemble est assurée de sa destruction. Et le Pape précise encore, car on peut manger ensemble tout en étant des loups les uns pour les autres. Il s’en prend de nouveau aux moyens modernes – télévision, téléphone portable et ordinateur –, qui détruisent souvent la paix familiale. Bien sûr, ces instruments peuvent être très bons en eux-mêmes, mais ils peuvent salir les âmes et les éloigner de Dieu quand ils deviennent des idoles. Une famille ne doit jamais devenir un pensionnat ni à plus forte raison une prison.

Il faut donc manger ensemble, parler ensemble, mais aussi s’écouter. Il faut savoir se taire et pratiquer le silence. Ici, le Pape distingue entre le bon silence, celui des religieux au réfectoire et le mauvais silence, lorsqu’on se tait parce qu’on est ailleurs, même si on est physiquement présent. Jamais la convivialité ne doit devenir objet d’égoïsme ni de marchandage. Le Pape rappelle que le christianisme a une vocation spéciale pour la convivialité. Pour s’assurer que nos repas soient fraternels et constructifs, n’omettons jamais de les bénir. Le Pape n’en parle pas ici, mais il a été très clair sur ce sujet récemment, notamment dans Laudato si’. La convivialité s’apprend à l’image du Christ qui nous a donné son Corps en nourriture et son Sang versé sur la Croix en breuvage, gage de notre vie éternelle, si du moins nous communions en état de grâce et saintement. Le banquet eucharistique, gage du banquet éternel est un banquet sacrificiel. Ce n’est pas n’importe quel repas et le Pape l’affirme opportunément, en rappelant qu’à chaque Sacrifice de la messe, Jésus offre son Corps et verse son Sang en rançon pour tous les hommes. Le banquet eucharistique est un banquet de communion qui détruit toutes les divisions. Une seule condition s’impose : ne pas être faux ni complice du mal, mais rester toujours un petit enfant. La bonne entente dans les familles et des familles entre elles passe par cette condition fondamentale. Confions la convivialité familiale à Marie présente à Cana où elle nous a donné la consigne infaillible : « Faites tout ce qu’il vous dira ».

Les propos du Pape : 

Nous réfléchirons aujourd’hui sur une qualité caractéristique de la vie familiale que l’on apprend dès les premières années de vie: la convivialité, c’est-à-dire l’aptitude à partager les biens de la vie et à être heureux de pouvoir le faire. Partager et savoir partager est une vertu précieuse! Son symbole, son « icône », est la famille réunie autour de la table domestique. Le partage du repas – et donc, non seulement de la nourriture, mais également des sentiments d’affection, des récits, des événements… – est une expérience fondamentale. Quand il y a une fête, un anniversaire, une commémoration, on se retrouve autour de la table. Dans certaines cultures, on a coutume de le faire également lors des deuils, pour être proches de ceux qui sont dans la peine à la suite de la perte d’un membre de leur famille.

La convivialité est un thermomètre sûr pour mesurer la santé des relations: si en famille il y a quelque chose qui ne va pas, ou une blessure cachée, on le comprend tout de suite à table. Une famille qui ne mange presque jamais ensemble, où qui ne se parle jamais à table, mais qui regarde la télévision, ou le smartphone, est une famille « peu famille ». Quand les enfants à table sont accrochés à leur ordinateur, au téléphone portable, et ne s’écoutent pas entre eux, cela n’est pas une famille, c’est un pensionnat.

Le Christ à table

Le christianisme a une vocation spéciale pour la convivialité, tous le savent. Le Seigneur Jésus enseignait volontiers à table, et il représentait parfois le royaume de Dieu comme un banquet de fête. Jésus choisit la table également pour remettre à ses disciples son testament spirituel – il le fit à dîner – condensé dans le geste mémorial de son sacrifice : don de son Corps et de son Sang comme nourriture et boisson de salut, qui nourrissent l’amour véritable et durable.

Dans cette perspective, nous pouvons bien dire que la famille est « chez elle » à la Messe, précisément parce qu’elle apporte à l’Eucharistie sa propre expérience de convivialité et l’ouvre à la grâce d’une convivialité universelle, de l’amour de Dieu pour le monde. En participant à l’Eucharistie, la famille est purifiée de la tentation de se refermer sur elle-même, fortifiée dans l’amour et dans la fidélité, et elle élargit les frontières de sa fraternité selon le cœur du Christ.

À notre époque, marquée par tant de fermetures et par trop de murs, la convivialité, engendrée par la famille et dilatée par l’Eucharistie, devient une opportunité cruciale. L’Eucharistie et les familles qui en sont nourries peuvent vaincre les fermetures et construire des ponts d’accueil et de charité. Oui, l’Eucharistie d’une Église de familles, capables de redonner à la communauté le levain actif de la convivialité et de l’hospitalité réciproque, est une école d’inclusion humaine qui ne craint pas la comparaison ! Il n’y a pas de petits, d’orphelins, de personnes faibles, sans défense, blessées et déçues, désespérées et abandonnées, que la convivialité eucharistique des familles ne puisse nourrir, restaurer, protéger et accueillir.

Les vertus familiales

La mémoire des vertus familiales nous aide à comprendre. Nous-mêmes avons connu, et connaissons encore, les miracles qui peuvent se produire quand une mère a un regard et de l’attention, de la sollicitude et des soins pour les enfants d’autrui, en plus des siens. Jusqu’à hier, une mère suffisait pour tous les enfants de la cour! Et nous savons également bien quelle force acquiert un peuple dont les pères sont prêts à agir pour protéger les enfants de tous, car ils considèrent les enfants comme un bien commun, qu’ils sont heureux et orgueilleux de protéger.

Aujourd’hui, de nombreux contextes sociaux dressent des obstacles à la convivialité familiale. C’est vrai, aujourd’hui cela n’est pas facile. Nous devons trouver la manière de la récupérer. A table on parle, à table on écoute. Pas de silence, ce silence qui n’est pas le silence des moniales, mais qui est le silence de l’égoïsme, où chacun pense à soi, ou à la télévision ou à l’ordinateur… et on ne parle pas. Non, pas de silence. Il faut retrouver cette convivialité familiale, tout en l’adaptant à l’époque. On dirait que la convivialité est devenue quelque chose que l’on achète et qui se vend, mais ainsi c’est aussi une autre chose. Et la nourriture n’est pas toujours le symbole d’un juste partage des biens, capable d’atteindre celui qui n’a ni pain ni affection. Dans les pays riches, nous sommes poussés à dépenser pour une nourriture excessive, et ensuite nous le sommes à nouveau pour remédier à l’excès. Et cette « affaire » insensée détourne notre attention de la faim véritable, du corps et de l’âme. Quand il n’y a pas de convivialité, l’égoïsme est présent, chacun pense à lui-même. D’autant plus que la publicité l’a réduite à une langueur pour un goûter et à une envie de petits gâteaux. Alors qu’un grand nombre, trop de nos frères et sœurs ne peuvent pas s’asseoir à table. C’est un peu une honte !

Regardons le mystère du banquet eucharistique. Le Seigneur rompt son Corps et verse son Sang pour tous. Il n’y a vraiment aucune division qui puisse résister à ce Sacrifice de communion ; seule l’attitude de fausseté, de complicité avec le mal peut exclure de celui-ci. Toute autre distance ne peut résister à la puissance sans défense de ce pain rompu et de ce vin versé, Sacrement de l’unique Corps du Seigneur. L’alliance vivante et vitale des familles chrétiennes, qui précède, soutient et embrasse dans le dynamisme de son hospitalité les difficultés et les joies quotidiennes, coopère avec la grâce de l’Eucharistie, qui est en mesure de créer une communion toujours nouvelle avec sa force qui inclut et qui sauve.

La famille chrétienne montrera précisément ainsi l’ampleur de son véritable horizon, qui est l’horizon de l’Église Mère de tous les hommes, de tous ceux qui sont abandonnés et exclus, dans tous les peuples. Prions pour que cette convivialité familiale puisse croître et mûrir pendant le temps de grâce du prochain jubilé de la miséricorde.

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