Le Pape revient sur le Père miséricordieux

Publié le 22 Mar 2016
Le Pape revient sur le Père miséricordieux L'Homme Nouveau

L’audience générale du 2 mars, évoquant la figure biblique du Père, revient sur la justice divine qui à la fois châtie et pardonne. Dieu respecte la liberté de l’homme qu’Il traite en fils et non en bâtard, comme l’enseigne si bien l’épître aux Hébreux. Déjà dans l’Ancien Testament, Dieu se présentait comme Père, Sauveur et Époux. C’est pourquoi Il éduquait son peuple. En effet, par une longue histoire d’amour retracée dans les 46 livres de l’Ancien Testament, Dieu amène peu à peu son peuple, choisi du sein des ténèbres, à l’aurore annonçant la venue du soleil. Il taille la plante, sa vigne chérie qu’Il a lui-même plantée. C’est tout l’enseignement des Psaumes, avec cette série impressionnante de synonymes : « Enseigne-moi », « Conduis-moi », « Apprend-moi », « Dirige-moi », etc. Le Psaume 118 en possède un véritable florilège, mais le Pape préfère citer le psaume 103 en raison de sa note miséricordieuse plus marquée. Ce rôle d’éducateur, Dieu le remplit en fait dès le début de la Genèse, dans son avertissement à Adam. Le péché, en effet, revient à écouter une autre voix que celle de ce Dieu d’amour en qui réside la norme suprême de la morale, car Il est celui qui connaît le bien et le mal. Il s’agit d’écouter ce Père aimant, de marcher dans la voie qu’Il nous trace et la Bible nous indique les défenses, certes, mais aussi les encouragements de ce Dieu qui, malgré nos fautes, déborde de miséricorde. Malheureusement, les hommes refusent trop souvent cet amour ; ils refusent de se blottir sous les ailes de Dieu qui voulait pourtant les élever vers les cimes de la vie surnaturelle.

Et le Pape, en s’appuyant sur Isaïe, analyse longuement cette révolte humaine, qui demeure pourtant incompréhensible. Les animaux restent fidèles à leur maîtres, mais les hommes se rebellent. Pourtant, Dieu respecte sa créature libre et capable de Le refuser, tout en se saccageant elle-même. Malgré nos péchés, Il nous aime encore. Il nous aime tellement qu’Il prend toujours les devants en venant à notre rencontre, comme Il le fit pour nos premiers parents. Il est prêt à nous pardonner, si nous-mêmes confessons notre faute et si nous pardonnons à nos frères. Oui la liberté est un grand mystère d’amour. Mais cette liberté doit toujours rester au service de la vérité, sinon en raison du péché, comme le dit le Pape, elle devient « prétention d’autonomie, prétention d’orgueil et l’orgueil conduit au conflit et à l’illusion de se suffire soi-même ». Ne nous trompons donc jamais de chemin ! Revenons au foyer paternel si nous avons eu le malheur, comme l’enfant prodigue, de le quitter. Reconnaissons alors notre faute, rentrons en nous-mêmes et demandons pardon. Ce pardon nous sera toujours accordé. Il ne faut jamais tomber dans le désespoir qui est l’ultime arme de Satan. Acceptons les épreuves envoyées par Dieu. Par elles, le Dieu de miséricorde nous indique la route à suivre, celle-là même que la Sainte Vierge a rappelée dans tous ses messages : prière et pénitence. Alors nous pourrons obtenir le miracle du pardon. Souvenons-nous que par Marie Dieu nous octroiera toujours sa miséricorde et son pardon. Profitons bien de nos pâques, en n’allant jamais « chez le sorcier » et en ne jouant jamais « avec l’argent sale ». Avouons au prêtre, c’est-à-dire à Dieu même, nos fautes et reprenons alors courageusement la vraie route qui conduit au Ciel, la seule demeure digne des enfants de Dieu et de Marie.

Le discours du Pape :

En parlant de la miséricorde divine, nous avons évoqué à plusieurs reprises la figure du père de famille, qui aime ses enfants, en prend soin, les pardonne. Et en tant que père, il les éduque et les corrige lorsqu’ils se trompent, favorisant leur croissance dans le bien.

C’est ainsi qu’est présenté Dieu dans le premier chapitre du prophète Isaïe, dans lequel le Seigneur, en tant que père affectueux mais également attentif et sévère, s’adresse à Israël, l’accusant d’infidélité et de corruption, pour la reporter sur la voie de la justice. Notre texte commence ainsi : « Cieux écoutez, terre prête l’oreille,/car Yahvé parle./J’ai élevé des enfants, je les ai fait grandir,/mais ils se sont révoltés contre moi./Le bœuf connaît son possesseur,/ et l’âne la crèche de son maître,/Israël ne connaît pas,/mon peuple ne comprend pas » (1, 2-3).

Dieu, à travers le prophète, parle au peuple avec l’amertume d’un père déçu : il a fait grandir ses enfants, et à présent, ils se sont rebellés contre lui. Même les animaux sont fidèles à leur maître et reconnaissent la main qui les nourrit ; le peuple, en revanche, ne reconnaît plus Dieu, se refuse de comprendre. Même blessé, Dieu laisse parler l’amour, et fait appel à la conscience des enfants dégénérés afin qu’ils reconnaissent leurs torts et qu’ils se laissent à nouveau aimer. Voilà ce que fait Dieu ! Il vient à notre rencontre afin de nous laisser aimer par Lui par notre Dieu.

Prétention d’autonomie

La relation père-fils, à laquelle les prophètes font souvent référence pour parler du rapport d’alliance entre Dieu et son peuple, s’est dénaturée. La mission éducative des parents vise à les faire grandir dans la liberté, à les rendre responsables, capables d’accomplir des œuvres de bien pour eux-mêmes et pour les autres. En revanche, à cause du péché, la liberté devient prétention d’autonomie, prétention d’orgueil, et l’orgueil conduit au conflit et à l’illusion de se suffire à soi-même.

Voilà alors que Dieu rappelle son peuple : « Vous vous êtes trompés de chemin ». Affectueusement et amèrement, il dit «mon » peuple. Dieu ne nous renie jamais ; nous sommes son peuple, le plus méchant des hommes, la plus méchante des femmes, les plus méchants des peuples sont ses fils. Et Dieu est comme cela: il ne nous renie jamais, jamais ! Il dit toujours: « Mon Fils, viens ». Et cela est l’amour de notre Père ; cela est la miséricorde de Dieu. Avoir un tel père nous donne espérance, nous donne confiance. Cette appartenance devrait être vécue dans la confiance et dans l’obéissance, dans la conscience que tout est un don qui vient de l’amour du Père. Et en revanche, apparaissent la vanité, la folie et l’idolâtrie.

C’est pourquoi le prophète s’adresse à présent directement à ce peuple à travers des paroles sévères pour l’aider à comprendre la gravité de sa faute : « Malheur ! nation pécheresse ! (…) fils pervertis !/Ils ont abandonné Yahvé,/ils ont méprisé le Saint d’Israël,/ils se sont détournés de lui » (v. 4).

La conséquence du péché est un état de souffrance, dont le pays subit également les conséquences, étant dévasté et transformé en désert, au point que Sion – c’est-à-dire Jérusalem – devient inhabitable. Là où se trouve le refus de Dieu, de sa paternité, il n’y a plus de vie possible, l’existence perd ses racines, tout apparaît perverti et anéanti. Toutefois, également dans ce moment douloureux le salut est en vue. L’épreuve est envoyée pour que le peuple puisse faire l’expérience de l’amertume de celui qui abandonne Dieu, et donc se confronter avec le vide désolant d’un choix de mort. La souffrance, conséquence inévitable d’une décision autodestructrice, doit faire réfléchir le pécheur pour l’ouvrir à la conversion et au pardon.

Dieu pardonne

Tel est le chemin de la miséricorde divine : Dieu ne nous traite pas selon nos fautes (cf. Ps 103, 10). La punition devient l’instrument pour inciter à réfléchir. On comprend ainsi que Dieu pardonne son peuple, fait grâce et ne détruit pas tout, mais laisse toujours ouverte la porte à l’espérance. Le salut implique la décision d’écouter et de se laisser convertir, mais il reste toujours un don gratuit. Dans sa miséricorde, le Seigneur indique donc une route qui n’est pas celle des sacrifices rituels, mais plutôt de la justice. Le culte est critiqué non parce qu’il est inutile en lui-même, mais parce qu’au lieu d’exprimer la conversion, il prétend la remplacer ; et il devient ainsi la recherche d’une propre justice, en créant la conviction trompeuse que ce sont les sacrifices qui sauvent et non la miséricorde divine qui pardonne le péché. Pour bien comprendre: quand quelqu’un est malade, il va chez le médecin; quand quelqu’un se sent pécheur, il va auprès du Seigneur. Mais si au lieu d’aller chez le médecin, il va chez le sorcier, il ne guérit pas. Très souvent, nous n’allons pas auprès du Seigneur, mais nous préférons emprunter de fausses routes, en cherchant en dehors de Lui une justification, une justice, une paix. Dieu, dit le prophète Isaïe, n’aime pas le sang des taureaux et des agneaux (v. 11), en particulier si l’offrande est faite avec des mains sales du sang de nos frères (v. 15). Je pense que si certains bienfaiteurs de l’Église venaient avec une offrande – « Prenez cette offrande pour l’Église » – qui est le fruit du sang de beaucoup de gens exploités, maltraités, esclavagisés par un travail mal payé, je dirai à ces gens : « S’il te plaît, reprends ton chèque, brûle-le ». Le peuple de Dieu, c’est-à-dire l’Église, n’a pas besoin d’argent sale, il a besoin de cœurs ouverts à la miséricorde de Dieu. Il est nécessaire de s’approcher de Dieu avec les mains purifiées, en évitant le mal et en pratiquant le bien et la justice. Comme la façon dont termine le prophète est belle : « Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien !/Recherchez le droit, redressez le violent !/Faites droit à l’orphelin, plaidez pour la veuve » (vv. 16-17).

Pensez aux nombreux réfugiés qui débarquent en Europe et ne savent pas où aller. Alors, dit le Seigneur, les péchés, même s’ils étaient écarlates, deviendraient blancs comme la neige, et candides comme la laine, et le peuple pourra se nourrir des biens de la terre et vivre en paix (v. 19).

C’est le miracle du pardon que Dieu, le pardon que Dieu, en tant que Père, veut donner à son peuple. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, et ces paroles du prophète valent également aujourd’hui pour nous tous, appelés à vivre comme des enfants de Dieu.

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