Parfois scandaleusement ignorées, les prescriptions de l’Église concernant le lieu de célébration de la liturgie remontent pourtant aux premiers siècles et sont régulièrement rappelées au travers de l’histoire. Quelle importance revêt le bâtiment-église et pourquoi ? Réponse à certains abus récents avec un spécialiste de l’espace sacré dans le catholicisme. La langue française, subtile dans son usage des majuscules, établit par lui la distinction entre l’Église, assemblée des chrétiens, et l’église-bâtiment où se réunissent les communautés chrétiennes pour les célébrations. Hors la distinction de la majuscule initiale, cette assimilation de termes entre le bâtiment-église et l’assemblée des chrétiens, à laquelle seule s’applique l’étymologie grecque du mot, peut paraître à première vue comme chosification d’une réalité spirituelle, dont la rectification pourrait justifier des célébrations dans les maisons particulières ou d’autres lieux considérés comme profanes. Pourtant, l’Église a besoin des églises. L’assimilation que suppose, d’une certaine façon, la reprise de l’étymologie de l’assemblée chrétienne pour le bâtiment n’est tout d’abord ni fortuite ni récente. Elle remonte aux premiers siècles du christianisme, avant l’édit de tolérance de Constantin, en 313, et tout ce que l’on a pu lui associer ensuite de « constantinisme ». L’appellation des bâtiments liturgiques sous leur nom classique d’ecclesia (repris du grec en latin) apparaît, en effet, explicitement dans l’édit de persécution de Dioclétien en 303 pour ordonner leur destruction, attestant la notabilité du terme à cette époque (1). La désignation des églises par leur nom traditionnel est constante depuis dans le christianisme. La rupture réformée du XVIe siècle, notamment par le refus calviniste de l’utiliser, au profit du mot temple, n’en paraît que plus marquante, même si elle n’est pas totale (2). Au-delà de son nom, la réalité du bâtiment-église et son importance pour les chrétiens des premiers siècles sont attestées tant par les textes que par les vestiges archéologiques qui ont pu être étudiés. Pour les textes, on peut mentionner les Constitutions apostoliques, compilation sans doute faite à Antioche vers 380 (3), qui affirment comme un fait établi la nécessité normative d’un bâtiment spécifique pour la célébration, l’ecclesia, à l’exclusion d’autres lieux, même honorables pour des chrétiens. Quant aux vestiges archéologiques, de fait surtout postérieurs aux grandes persécutions, ils permettent de mettre en évidence une singularité tant par rapport aux maisons particulières qu’aux édifices cultuels antérieurs, y compris juifs. Cette singularité a été synthétisée naguère par le père Louis Bouyer, notamment dans Architecture et liturgie (4). Tout au long…
Peut-on mettre la vérité religieuse entre parenthèse ?
L'Essentiel de Thibaud Collin | Lors de son voyage en Asie du 2 au 13 septembre, le pape François a prononcé deux discours lors de rencontres interreligieuses, l’un à la mosquée Istiqlal de Jakarta, l’autre à Singapour devant les jeunes, affirmant que « toutes les religions sont un chemin vers Dieu ». Analyse de deux textes qui ont déjà fait couler beaucoup d’encre.