Les dictateurs portent des mocassins

Publié le 11 Juil 2019
Les dictateurs portent des mocassins L'Homme Nouveau

Le meilleur moyen de faire advenir la dictature avec l’assentiment du peuple, c’est d’associer, dans l’opinion commune, la dictature au bruit des bottes, de sorte qu’il suffit de chausser les gardiens de l’ordre en mocassins pour qu’on les laisse agir et que, mieux encore, on se fĂ©licite de leur raffinement. 

Ces mocassins sont ceux, par exemple, de la dĂ©putĂ©e du Val-de-Marne, Maud Petit, Ă  l’origine de la loi anti-fessĂ©e. Maintenant que « l’autoritĂ© parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques Â», les enfants passent certainement de très bonnes vacances, prĂ©munis des « violences Ă©ducatives ordinaires Â» interdites par la loi depuis le 2 juillet dernier. On connaĂ®t la ritournelle par cÅ“ur parce que le dĂ©bat n’est pas nouveau : il s’agit, nous disent les opposants Ă  la fessĂ©e, de protĂ©ger les enfants de la mort ou de graves sĂ©quelles psychologiques, attendu qu’un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents. Coups, gifles et fessĂ©es mais Ă©galement humiliations ou insultes sont dĂ©sormais prohibĂ©s. L’article de loi en question sera mĂªme lu lors des mariages et inscrit sur le carnet de santĂ© des enfants. Dire que cette loi est une attaque en règle contre la libertĂ© Ă©ducative et qu’elle vient contraindre, encore un peu, l’intimitĂ© familiale, est immĂ©diatement compris comme l’expression d’une envie de pouvoir « tabasser Â» ses enfants Ă  loisir quand elle est seulement le rappel salutaire de ce que les parents sont premiers Ă©ducateurs de leurs enfants et juges de ce qui est bon ou mauvais pour eux. Et laisser libre de bien faire, c’est vrai, c’est prendre le risque que certains fassent le mal. 

Une horreur sans nom

HĂ©las, les tyrans en mocassins, ce sont aussi et avant tout les mĂ©decins et hommes politiques qui ont ordonnĂ© la mise Ă  mort de Vincent Lambert. La libertĂ© Ă©ducative nous semble bien dĂ©risoire quand des parents pleurent leur enfant que l’on a privĂ© de nourriture et d’eau jusqu’à la mort. Ce qui s’est jouĂ© dans cette chambre d’hĂ´pital Ă  Reims est une horreur et aucun mot ne pourra soulager la peine de ceux qui se sont battus pendant des annĂ©es pour que Vincent vive malgrĂ© tout, malgrĂ© le handicap. Derrière le drame humain, personnel, intime qui a bouleversĂ© une famille, Vincent Lambert est au cÅ“ur d’un drame politique et le rĂ©vĂ©lateur, bien malgrĂ© lui, de cet eugĂ©nisme d’État qui est l’apanage des totalitarismes. Parce que l’on a rĂ©pĂ©tĂ© que la tyrannie porte des bottes de cuir et un long manteau noir assorti d’un brassard rouge, robes d’avocat et blouses blanches passent inaperçues. Qu’on le veuille ou non, une fois tombĂ© le masque des bons sentiments et grattĂ© le vernis des nobles intentions, des bien portants ont dĂ©cidĂ© qu’une personne handicapĂ©e devait mourir parce que sa vie ne rĂ©pondait pas Ă  leurs critères. On a beaucoup dit, de colonnes de journal en plateaux tĂ©lĂ©visĂ©s, que cette affaire Ă©tait « très complexe Â», comme pour empĂªcher toute analyse. Les relations humaines sont complexes au sein de la famille Lambert, les multiples Ă©pisodes juridiques de cette affaire, les perversions et angles morts de la loi LĂ©onetti et les manigances politiques qui sont derrière sont complexes Ă©galement. Mais que cela ne masque pas ce qui est simple, terriblement simple : des mĂ©decins ont tuĂ© une personne handicapĂ©e innocente en jugeant que sa vie « n’était pas une vie Â». 

Que pouvions-nous faire ? C’est sans doute une question qui taraude beaucoup d’entre nous qui, depuis des annĂ©es, avons priĂ©, Ă©crit ou parlĂ©, inlassablement, pour dĂ©fendre la vie de Vincent Lambert. Et que se passera-t-il pour les 1 700 autres personnes qui sont, aujourd’hui en France, en Ă©tat pauci-relationnel ? Cette question est plus terrible encore et si nous sommes dĂ©munis parce que bien incapables de dire ce que nous pouvons ou devons faire, le meurtre de Vincent Lambert et ceux qui pourront Ăªtre perpĂ©trĂ©s Ă  l’avenir nous obligent doublement. Ils nous obligent Ă  la prière d’abord, Ă  l’annonce de la foi ensuite. Les parents de Vincent Lambert, et sa mère en particulier, ont Ă©tĂ© insultĂ©s et diffamĂ©s d’une odieuse manière et, discrĂ©dit ultime, il leur a Ă©tĂ© reprochĂ© de vouloir prĂ©server la vie de Vincent Lambert parce qu’ils sont catholiques « intĂ©gristes Â». Que l’on ne s’y mĂ©prenne pas : nous ne dĂ©fendons pas la vie parce que nous sommes catholiques mais parce que l’Église dĂ©fend la vie et que nous voulons en Ăªtre les membres. Aussi, le problème n’est pas que des gens dĂ©fendent la vie parce qu’ils sont catholiques mais qu’il n’y ait quasiment plus que les catholiques pour dĂ©fendre la vie. Si refuser de juger de la dignitĂ© de la vie d’un autre est un intĂ©grisme, nous serons tous intĂ©gristes, c’est dĂ©cidĂ©.

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