Auparavant membre d’un comité d’examen régional pour l’euthanasie, Theo A. Boer est professeur d’éthique des soins de santé à l’Université théologique protestante de Groningue, aux Pays-Bas, membre du Conseil néerlandais de la santé. En décembre dernier, il prend la parole dans la presse française en plein débat sur la fin de vie pour alerter sur les conséquences dramatiques que l’euthanasie a eues dans son pays. Les opinions exprimées dans cet entretien sont purement les siennes.
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Vous avez été membre du comité de contrôle de l’euthanasie du gouvernement de votre pays de 2005 à 2014. Quel était votre rôle, votre travail ?
Nous avons une loi sur l’euthanasie aux Pays-Bas depuis 2001, mais nous avons commencé avec un droit provisoire en 1994. Dans ce texte, « l’euthanasie » est définie comme « l’interruption de la vie par un médecin, à la demande du patient ». Au nom du gouvernement néerlandais, j’évaluais, avec un avocat et un médecin, tous les cas d’euthanasie et de suicide assisté signalés par les médecins. Dans mon pays, près de 9 000 de ces cas surviennent chaque année. Dans 19 cas sur 20, le médecin met fin à la vie du patient, dans un cas sur 20, c’est le patient lui-même qui ingère le poison mortel. Les médecins néerlandais sont autorisés à fournir cette assistance s’ils ont vérifié 1. que le patient a fait une demande bien informée et mûrement réfléchie, 2. que la souffrance est vécue comme insupportable, 3. qu’il n’y a pas d’alternative acceptable et 4. qu’un deuxième médecin a vu le patient. Pourtant, l’euthanasie fait partie du code criminel. C’est pourquoi ces comités – nous en avons cinq – doivent évaluer tous les cas. Ils le font a posteriori, donc lors d’une interruption de la vie injustifiée, il n’y a pas de retour en arrière. Environ un dossier sur 2 000 est renvoyé au procureur qui, systématiquement, sauf pour un seul patient au cours des 22 dernières années, a décidé d’un non-lieu sans condition. Les trois membres parcourent le rapport et lisent les dossiers médicaux. Cependant, ces dernières années, en raison de l’augmentation du nombre, la plupart des cas sont désormais traités par des secrétaires formés. Les comités ne discutent que des cas potentiellement problématiques. Je pense que la procédure de révision est l’un des points forts de la solution néerlandaise. Dans aucun pays au monde, l’euthanasie n’est surveillée…