Pour la première fois en France, une rétrospective de l’œuvre du peintre Albrecht Altdorfer (v.1480-1538), maître de la Renaissance allemande est présentée au musée du Louvre. Prévue au printemps dernier, elle a dû être repoussée à l’automne à cause de la pandémie.
De cet artiste, contemporain de Dürer (1471-1528), on ne sait presque rien ni sur sa formation et ni sur sa vie. Il y a peu de documents le concernant, excepté qu’il fut un notable de la ville de Ratisbonne où il vivait et qu’il obtint de grandes commandes d’abbayes (Saint-Florian près de Linz en Autriche) mais aussi de l’empereur Maximilien Ier et du Duc de Bavière Guillaume IV. Sur une belle enluminure d’un gros ouvrage sur parchemin, assis dans une représentation du Conseil de la ville, on pense reconnaître l’artiste, ce qui témoigne de l’importance de sa situation.
Ce sont plus de 220 œuvres qui ont été réunies ici. De nombreuses gravures sont données à voir souvent de petits formats proches de l’art de la miniature d’une précision impressionnante. Il y a aussi de remarquables dessins d’une grande originalité. Altdorfer réalise des paysages où la présence humaine est presque absente, fait rarissime à l’époque.
Peu de tableaux malheureusement ont été prêtés car trop fragiles, une douzaine sur la cinquantaine connus. Il y a cependant en fin de parcours, un très beau film qui explore la superbe peinture La Bataille d’Alexandre, illustrant le combat entre Darius et Alexandre (conservée à la Alte Pinacothèque de Munich). Ce document permet de découvrir moult détails de ce chef-d’œuvre, foisonnant de personnages sur un ciel extraordinaire présentant d’un côté un croissant de lune tandis qu’à l’opposé le soleil apparaît au milieu de nuages dans une lumière hallucinante.
Son travail est marqué par une liberté d’expression peu commune. Il ose graver saint Christophe tombant sous le poids du Christ, ou encore une gravure de l’Annonciation où l’ange au premier plan est vu de dos. Il est imposant tandis que la Vierge Marie, assise au fond d’une pièce, semble méditer sur un livre et ne paraît pas avoir remarqué la présence de l’être surnaturel, une colombe vole au-dessus de sa tête. Ailleurs, une superbe Adoration des mages est aussi imprégnée de sa fantaisie audacieuse mais réaliste, l’enfant Jésus joue avec les pièces d’or que lui offre un des rois…
Une émouvante Crucifixion (v.1520), conservée à Budapest, montre toujours son originalité, la Vierge douloureuse est tombée au sol, retenue par deux saintes femmes, elle regarde son fils mais tourne le dos au spectateur dans un étonnant travail de raccourcis, entraînant le regard du visiteur vers le Crucifié. À côté, des soldats jouent aux dés pour se partager la tunique du Christ. Le sol est fendu, la dimension tragique du moment en est renforcée. De splendides couleurs se répondent alors que le fond du tableau reprenant d’anciennes traditions, est peint à l’or.
La France ne conservant aucune peinture de ce maître magistral, il faut profiter de cette remarquable exposition pour découvrir cet artiste original et brillant.
Jusqu’au 4 janvier 2021. Musée du Louvre, 99 rue de Rivoli, 75001 Paris.
Tél. : 01 40 20 53 17. Ouvert tous les jours de 9h à 18h. Fermé le mardi.
Réservation obligatoire : https://www.ticketlouvre.fr/louvre/b2c/index.cfm/home