Le récent ouvrage de Mgr Livio Melina, Le discernement dans la vie conjugale, définit la loi morale comme une lumière sur le vrai bien, contre un paradigme, défendu par Karl Rahner et la cardinal Kasper, qui, sous couleur de pastorale et en tordant la notion de discernement, la présente comme inapplicable.
La publication récente de Fiducia supplicans, sur la bénédiction des « couples irréguliers », a permis de mesurer que les tensions pastorales incessantes depuis la publication en 1968 d’Humanae Vitae, l’encyclique de saint Paul VI sur la régulation des naissances, sont plus vivaces que jamais. Il ne s’agit pas tant, comme on l’entend parfois, de tensions entre les tenants de la doctrine et les tenants de la pastorale. Il s’agit de différends quant à la manière de pratiquer la pastorale et de comprendre son articulation à la doctrine dans un monde marqué par des structures de péché, structures de plus en plus invisibles aux yeux de nos contemporains puisque l’altération de la conscience morale commune a fini par refluer vers le critère de la moralité, le socle anthropologique, pour le subvertir.
Une crise pastorale endémique
C’est dans ce contexte aggravé que Mgr Livio Melina offre une remarquable contribution à la réflexion dans le but de traverser cette crise pastorale endémique. L’ancien président de l’Institut pontifical Saint-Jean-Paul II sur le mariage et la famille développe, dans Le discernement dans la vie conjugale (1), une analyse magistrale de la notion de discernement. Celui-ci est en effet présenté par certains comme la clef de voûte du nouveau paradigme s’imposant de plus en plus en théologie morale. Dans son important avant-propos pour l’édition française, Mgr Melina prend pour signe de la révolution méthodologique à l’œuvre le « Texte de base » du volume édité par l’Académie pontificale pour la Vie intitulé Etica teologica della vita (2022). Ce texte milite pour un dépassement de l’observance littérale de la norme enseignée par le magistère sur la contraception et la procréation artificielle. S’opposant à Veritatis Splendor, ce texte affirme que ces actes ne sont pas intrinsèquement mauvais mais devraient faire en conscience l’objet d’un discernement circonstancié. Ce qui est présenté comme une « conversion pastorale » s’inspire du puissant courant herméneutique selon lequel « l’historicité inéluctable de la condition humaine et la relativité du contexte culturel du sujet empêcheraient une connaissance en termes “d’absolu métaphysique d’une…