Alors que l’Église s’apprête à célébrer la Passion du Christ, s’accomplit une cérémonie à première vue sans rapport : la bénédiction des saintes huiles. Primitivement, cette bénédiction avait lieu en tout temps, mais le Sacramentaire gélasien (Ve-VIe siècle) lui assigne le Jeudi saint, sans doute à cause des baptêmes de la nuit pascale. Si plusieurs huiles y sont bénites, c’est surtout le chrême – mélange d’huile et de baume – qui est à l’honneur, d’où le nom de messe chrismale. En 1955, la messe de la Cène fut ramenée au soir et la messe complète de bénédiction des huiles a été rétablie. Après 1970, il a été permis de la célébrer un autre jour proche de Pâques.
Trois huiles
Trois huiles sont bénites : celle des catéchumènes, celle des malades et surtout le chrême. Alors que les deux premières pouvaient être bénites par de simples prêtres, c’est toujours à l’évêque qu’a été réservée la consécration du chrême. Il « sert à oindre les nouveaux baptisés, à signer les confirmands, à oindre les mains des prêtres et la tête des évêques à leur ordination, les églises et les autels pour leur dédicace. L’huile des catéchumènes sert à préparer et disposer les catéchumènes au baptême. L’huile des malades est utilisée pour soulager les malades » (Cérémonial des évêques [1984], n. 274). En nous limitant au chrême, voyons brièvement ce que les textes de la liturgie nous enseignent sur son symbolisme.
D’après la préface (1955), il manifeste la sainteté donnée au baptême, après l’eau de la rémission des péchés : « Faites que cette huile (…) devienne pour ceux qui vont renaître par l’eau du baptême le signe sacramentel du chrétien parfait. Que chaque baptisé imprégné de l’onction sanctifiante, libéré de la corruption première, désormais temple de l’Esprit, répande la bonne odeur d’une vie pure ». La préface consécratoire évoque aussi cette même complémentarité : après le déluge, image du baptême, la branche d’olivier apportée par la colombe signifie le retour de la paix.
Cette même préface nous renvoie à Celui qui a reçu l’onction par excellence, Jésus, dont le nom Christ signifie « oint » : au Jourdain, le Père, en envoyant sur lui le Saint-Esprit, l’a désigné comme son Fils bien-aimé et a « attesté (…) qu’Il était bien Celui qui devait être choisi entre tous pour recevoir l’onction d’allégresse ». En recevant au baptême cette onction de chrême, le chrétien est configuré au Christ et appelé à la vie éternelle.
Mais il y a une autre configuration au Christ : le sacerdoce. La nouvelle préface de la messe (1970) en développe la théologie, en s’adressant au Père : « Par l’onction du Saint-Esprit, vous avez constitué votre Fils unique pontife de l’alliance nouvelle et éternelle et par une disposition ineffable, avez fermement établi que soit perpétué dans l’Église son unique sacerdoce. (…) En son nom, [les prêtres] renouvellent le sacrifice de la Rédemption en préparant pour vos fils le repas pascal ; ils vont au-devant de votre peuple pour le nourrir de votre parole et le faire vivre de vos sacrements (…) » (trad. privée).
Ainsi, Paul VI a-t-il voulu qu’à cette occasion les prêtres renouvellent leurs engagements devant l’évêque. Celui-ci demande ensuite aux fidèles de prier « pour (leurs) prêtres : que le Seigneur répande sur eux ses dons en abondance, afin qu’ils soient les fidèles ministres du Christ Souverain Prêtre, et (les) conduisent à lui, l’unique source du salut ». À l’approche des célébrations du don total du Christ pour notre salut, n’est-il pas tout à fait indiqué d’implorer le Père pour ceux qui perpétuent son sacerdoce ?