Marie-Laure Dupas, mère adoptive de trois enfants trisomiques : « ils nous poussent à l’essentiel »

Publié le 13 Juin 2025

© Famille Dupas

Depuis 1997, Marie-Laure Dupas et son mari ont adopté trois enfants trisomiques. Une façon pour leur couple d’être fécond et de se donner malgré son infertilité. Marie, Martin, décédé en 2005 d’un accident, et Raphaël ébranlent tous ceux qu’ils côtoient et en premier lieu leurs parents. Portrait.

 

« Avec joie », voilà comment Marie-Laure Dupas aborde la vie au quotidien. Mère adoptive de trois enfants porteurs de trisomie, elle se présente à vous avec le sourire aux lèvres. Sous le cadre dans lequel sont exposés les insignes des troupes de marine de son mari, elle ne tardera pas à livrer davantage son histoire.

Chrétien depuis toujours, c’est par la prière que son couple sera appelé à avoir un parcours de vie qui les sortira des sentiers battus. Parents d’enfants de 28 et 16 ans, ils ont la sensation d’être encore jeunes car leurs enfants conservent une fraîcheur d’âme : ils font encore des progrès et les gratifient de mots de jeunes enfants.

Deux ans après leur mariage, les jeunes époux apprennent qu’ils ne pourront pas avoir d’enfant. Ayant à l’esprit que la fécondité d’un couple ne se limite pas à la procréation, ils ont conclu que ce n’était peut-être pas là que se trouvait la volonté du Bon Dieu. Priant pour savoir où se trouvait la richesse de leur union, ils ont reçu un appel du Seigneur, celui d’adopter des enfants trisomiques. Si tous deux n’ont jamais côtoyé auparavant d’enfants porteurs de trisomie, c’est sans le moindre doute, avec détermination et après s’être fait éclairer par leur père spirituel, qu’ils ont décidé de franchir le cap.

Marie, Martin et Raphaël

Ils ont adopté par l’intermédiaire de l’association de Jean et Lucette Alingrin (Emmanuel SOS adoption), un organisme qui, en 40 ans, a déjà permis à 2 000 enfants handicapés de trouver une famille. De petite taille, Marie-Laure Dupas n’est pas pour autant effrayée par le poids des responsabilités. Avec le visage rempli de joie, elle se rend compte de la chance qu’ils ont eue d’être appelés par le Seigneur et ne tarit pas de remerciements.

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© Famille Dupas

« Je pense que la grâce que nous communique le Seigneur à travers nos enfants, nous confie-t-elle avec un doux sourire, chaleureux et serein, c’est la simplicité. Ils n’ont pas de masque. En fait, ils nous poussent à l’essentiel. Leur fragilité leur confère une force extraordinaire. »

En 1997, ils ont d’abord adopté Marie, puis en 1998, ils ont accueilli Martin. En 2005, au cours de la troisième demande d’adoption, Martin décède, renversé par une voiture. Le couple se relève de cette épreuve et décide d’adopter en 2009 un troisième enfant, comme ils l’avaient souhaité depuis le début.

Comme tous les couples, ils ont dû s’adapter aux particularités de leurs enfants. En effet, les petits qui ont un chromosome en plus font tout beaucoup plus lentement et sont généralement assez têtus. Le cheminement de ces enfants se fait donc différemment : ils apprennent à parler plus tard, marchent plus tard, apprennent à lire tardivement et comprennent avec difficulté. « Le plus compliqué, nous confie Marie-Laure Dupas, c’est de trouver de bonnes structures animées d’un esprit chrétien. »

Le dernier, Raphaël 16 ans, est à Saint-Dominique au Pecq, établissement hors contrat qui possède une classe spécialisée. Marie, l’aînée, se trouve quant à elle à « La Ruche » à Versailles, une association où se côtoient 14 jeunes porteurs de handicap. Cette association, animée par 90 bénévoles, cherche à ce que chacun bénéficie d’une vie épanouissante. Ils y font de la peinture sur bois et sur porcelaine, de la couture, de la cuisine, de la broderie…

« Dieu est avec nous »

Pour les soins médicaux, Marie-Laure Dupas témoigne de la performance de l’Institut Jérôme Lejeune, situé à Paris, qui offre une prise en charge globale et bienveillante. « Quoi qu’il en soit, lorsqu’on souhaite adopter un enfant porteur de handicap, il faut garder en tête qu’il y a tout un panel de degrés d’infirmité, qu’il faudra être confiant et s’adapter à l’enfant accueilli », livre la maman.

Au sein de la famille et parmi les amis, les réactions à l’annonce de cette adoption singulière ont été plus ou moins positives : de l’incompréhension à la joie. « Toujours est-il, nous livre madame Dupas, qu’en dépit de l’inquiétude de certains de nos proches nous sommes des parents pleinement heureux. » « Grâce à notre foi, ajoute-elle, nous essayons de vivre au jour le jour dans l’abandon. Même s’il y a des jours qui sont plus compliqués que d’autres, en fait, on sait que Dieu est avec nous. »

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© Famille Dupas

Une majorité pense qu’ils ne méritent pas de vivre

Ce qui touche particulièrement ce couple, c’est qu’ils ont réussi à transmettre la foi à leurs enfants. Plusieurs familles témoignent du fait que leurs enfants les aident à prier durant la messe. Les personnes handicapées permettent aux gens de déployer la charité. « La gentillesse et la spontanéité de Marie et Raphaël, s’amuse-t-elle, étonnent, ébranlent, transforment, retournent les gens comme des crêpes. Elle est là leur mission. » La fréquentation des deux enfants a notamment conduit deux adultes au baptême.

À l’annonce du gouvernement sur la loi concernant l’euthanasie, « on ne peut qu’avoir peur », déclare-t-elle. De son constat, les enfants porteurs de trisomie seront un jour ou l’autre éligibles. « Qui les défendra ? » s’inquiète-elle. Les enfants trisomiques sont déjà chassés in utero, traduisant le fait qu’une majorité pense qu’ils n’ont pas de dignité, qu’ils ne méritent pas de vivre.

Pour la maman des deux enfants trisomiques, discuter de l’euthanasie avec eux semble ardu puisqu’ils n’imaginent pas qu’ils vont mourir. « Il faudra laisser des consignes, dit-elle, sinon ça va être vite vu. » Malgré cette loi sombre qui s’annonce, ils restent confiants face à l’avenir.

 

>> à lire également : Record des baptêmes dans le monde

 

Nora Feilman

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