Être chrétien dans une société apostate

Publié le 30 Jan 2024
chrétien

© GodefroyParis / CC BY-SA 4.0 DEED

Les éditions Contretemps viennent de publier sous le titre Après la chrétienté, les Actes de la XXIIe université d’été de « Renaissance catholique ». L’occasion pour son directeur général de revenir sur cette question essentielle : faut-il vraiment se résigner à vivre sous un État religieusement « neutre » ?

 

C’est devenu une évidence que d’évoquer La Fin de la chrétienté (Chantal Delsol), La France d’après (Jérôme Fourquet) ou, plus emphatiquement, le processus de « décivilisation » (Emmanuel Macron) en cours. 

 

La fin de la chrétienté

Que cela nous plaise ou non, nous vivons dans une société postchrétienne. « Seize siècles de chrétienté s’achèvent », écrit Chantal Delsol. Comme l’a parfaitement analysé Patrick Buisson dans deux ouvrages très éclairants, La Fin d’un monde et Décadanse, la société française a opéré en quelques décennies une remise en cause radicale de son art de vivre traditionnel et de ses croyances ancestrales fondées sur le christianisme. Qui aurait imaginé il y a cinquante ans la banalisation du mariage homosexuel ou la constitutionnalisation de l’avortement ? Personne !

Ce fait observé – la disparition d’une société dont les institutions, plus ou moins consciemment, étaient encore imprégnées par les valeurs de l’Évangile et du christianisme –, deux écoles se font face parmi les catholiques. 

 

Un bienfait ?

Répondant à la question d’un séminariste sur le problème que constitueraient les traditionalistes, Mgr de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France répondait le 2 décembre dernier : « Le décret de Vatican II sur la liberté religieuse est très clair. Le Christ n’est pas venu bâtir des nations catholiques mais il est venu fonder l’Église. Ce n’est pas la même chose. À force de traîner la nostalgie d’un État catholique, on perd notre énergie pour l’évangélisation. »

Lointain écho d’une déclaration d’un de ses prédécesseurs à la tête de la CEF, le cardinal Etchegaray, archevêque de Marseille : « Après l’État chrétien, dont la déclaration conciliaire sonne le glas, après l’État athée qui en est l’exacte et aussi intolérable antithèse, l’État laïc, neutre, passif et inengagé, a été certes un progrès ». Comme le note Chantal Delsol : « L’Église a honte de la chrétienté comme pouvoir et comme contrainte et elle aspire à d’autres formes d’existence ». La fin de la chrétienté apparaît alors non seulement comme un fait, mais aussi comme un bienfait. 

 

Ou un méfait ?

Cet avis cependant n’est pas général. Il se heurte en particulier à deux objections majeures.

Tout d’abord une objection doctrinale. Dans son encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 sur la royauté sociale du Christ, le pape Pie XI invitait « les hommes et les sociétés » à « reconnaître en particulier et en public le pouvoir royal du Christ ». Il n’est pas là question d’État « neutre et inengagé », bien au contraire. Nous laissons les spécialistes se pencher sur la continuité entre la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse Dignitatis humanae et cette encyclique dont nous célébrerons le centenaire de la publication l’année prochaine…

Ensuite une objection pratique : c’est à la suite de leurs princes et gouvernants (Constantin, Clovis, Charlemagne, Vladimir, Étienne, etc.) que les peuples sont entrés, en masse, dans l’Église. Les faits sont peut-être cruels mais incontournables : il n’existe pas de conversion d’un peuple au christianisme sans soutien, ou a minima neutralité bienveillante, des pouvoirs publics.

La situation du catholicisme en Asie est à cet égard très éclairante : le catholicisme est très présent dans les pays historiquement et politiquement liés au christianisme (Philippines, Vietnam), mais marginal dans les pays où les pouvoirs publics se sont opposés à son développement (Chine, Japon).

 

Après la chrétienté

Providentiellement viennent d’être publiés, sous le titre Après la chrétienté, par les éditions Contretemps, les Actes de la XXIIe université d’été de « Renaissance catholique ». Ce sujet est, plus que jamais, d’une brûlante actualité. La question se pose, en effet, de savoir d’une part si la notion même de chrétienté est un idéal à poursuivre et d’autre part comment, en tout état de cause vivre notre christianisme dans une société apostate dans laquelle l’État impose une législation de plus en plus éloignée du simple respect de la loi naturelle et a fortiori de l’Évangile.

Au fond, la question posée par ces travaux est celle de savoir si l’évangélisation de tout un peuple est possible face à l’hostilité des pouvoirs publics. Bref, « après la chrétienté », comment demeurer intégralement chrétiens et continuer à partager ce trésor qui donne un sens à nos vies ? 

Sous la direction de Michel De Jaeghere, philosophes, journalistes, ecclésiastiques, universitaires, hommes politiques et acteurs de terrain ont cherché à répondre à quelques-unes de ces questions :

« Qu’est-ce que la chrétienté ? » (Arnaud Jayr), « L’État moderne est-il antichrétien ? » (François Vallançon), « Quelles sont les caractéristiques de la politique contemporaine ? » (abbé de Tanoüarn), « Quels sont les rapports entre l’Église, l’État et la loi naturelle ? » (Guillaume de Thieulloy), « Quels modes d’apostolat pour l’Église d’aujourd’hui ? » (abbé Barthe), « Quelle place, dans notre résistance, pour l’objection de la conscience ? » (Joël Hautebert), « Quels sont les défis géopolitiques du catholicisme ? » (Aymeric Chauprade), « Comment transmettre la culture chrétienne ? » (François-Xavier Bellamy), « Pourquoi Pie XI a-t-il institué la fête du Christ-Roi ? » (chanoine Merly), « Quel avenir pour la chrétienté ? » (Jean-Pierre Maugendre).

Sans omettre, au moyen de tables rondes le témoignage de nombreux acteurs engagés dans le combat pour la chrétienté :

« La résistance à la dénaturation du mariage » (Marie-Amélie Brocard et Jean Vallier, maître Triomphe, etc.), « Résister à la culture de mort » (Jeanne Smits, Grégor Puppinck, etc.), « Agir en politique » (Jean-Pierre Maugendre, Jacques Bompard, Bruno Gollnisch, etc.), « Être journaliste et catholique » (Michel De Jaeghere, Laurent Dandrieu, Philippe Maxence, etc.), « Quelle école catholique pour demain » (Gabrielle Cluzel, Michel Valadier, etc.) ?                                                                                                                                                           

Ce volume est le 21e publié dans le cadre des Actes de ces universités d’été qui constituent une véritable contre-encyclopédie, constituée de 7 700 pages de texte, soit 270 contributions de 115 auteurs différents.

 


20231110 ACTES 2013 CT Couverture chrétien
Après la chrétienté, Contretemps, 490 pages, 24 €.
Contretemps, 25A, rue Montebello 78000 Versailles

 

>> à lire également : Notre quinzaine : La beauté sauvera nos âmes

Jean-Pierre Maugendre

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneCultureLectures

« La Bonne Nouvelle », une collection jeunesse pour découvrir les douze apôtres

L’Homme Nouveau vous propose une page recension de lectures jeunesse pour cette rentrée, avec un choix éclairé de quelques histoires à lire ou faire lire, notamment Saint Matthias, choisi par le sort et Saint Simon et saint Jude, apôtres de la Perse, deux ouvrages de Mauricette Vial-Andru dans la collection « La Bonne Nouvelle » aux Éditions Saint Jude. À retrouver dans le n° 1837.

+

livre collection
À la uneCultureLecturesLiturgie

Au service du chant grégorien

Culture | Fondateur du Chœur grégorien de Paris, Louis-Marie Vigne voulut servir l'Église par le chant liturgique. Un petit livre d'entretiens récemment paru, s'il évoque l'aventure de son œuvre, explique également et présente toute la portée du chant grégorien.

+

grégorien louis-marie vigne
À la uneChroniquesLéon XIV

Les 100 premiers jours de Léon XIV

Élu 267e pape le 8 mai 2025, Léon XIV a fêté ses 100 jours le 17 août. Bien que le Pape n’ait encore effectué aucun pas ni aucune mesure majeure de son pontificat, le professeur Roberto de Mattei propose une analyse de ces premiers mois. Cet article a été publié sur Corrispondenza Romana et reproduit ici avec l’autorisation de son auteur.

+

Pape Léon XIV Roberto de Mattei
CultureLectures

Charles et Zita, exemple d’engagement dans le mariage

Recension jeunesse | La rédaction de L’Homme Nouveau vous propose une page recension de lectures jeunesse pour les vacances, avec un choix éclairé de quelques histoires à lire ou faire lire, notamment Charles et Zita, un destin pour la paix, de Clotilde Jannin, et d'autres activités. À retrouver dans le n°1836.

+

visuel articles zita chrétien
Chroniques

Concours Jeunes Talents 2025 : Le Reliquaire bleu

CONCOURS JEUNES TALENTS 2025 | Lauréat | Comme chaque année depuis 8 ans, L’Homme Nouveau a lancé son concours d’écriture Jeunes Talents 2025 entre avril et juin. Cette année, le thème était : « À la manière de G.K. Chesterton… Une nouvelle énigme pour le Père Brown » Découvrez en entier le texte du lauréat. Ce texte est aussi publié dans le numéro d’été (n° 1836), daté du 19 juillet 2025.

+

jeunes talents