« Le moyen-âge avait-il l’esprit critique ? », soirée thomiste avec Michel Zink

Publié le 09 Juin 2023
Michel Zink

Crédit photo : Henri Aubry

Mercredi 7 juin, au Centre Saint Thomas (CST), il est vingt heures, et l’académicien Michel Zink donne une conférence sur le thème « Le moyen-âge avait-il l’esprit critique ? ». 

 

Alors que la place Saint Thomas d’Aquin, dans le 7ème arrondissement de Paris, profite encore des derniers rayons du soleil, une porte discrète laisse entrer une à une quelques personnes. Tandis que la douceur de la soirée laisse présager la décontraction propre à l’été une certaine studiosité se fait ressentir, et ces deux ambiances se mêlent en une curieuse symbiose, qui semble étonnamment fonctionner à merveille. 

 

À l’accueil se déploie une équipe de bénévoles minutieusement organisée. Ils donnent à chacun des auditeurs un sac à l’effigie du CST, garni d’un numéro du journal France Catholique sur saint Thomas d’Aquin. Petit à petit, les sièges se remplissent, et près de 150 personnes prennent place dans les rangs de fauteuils bien alignés. Après quelques minutes, le silence se fait. 

 

Le CST veut faire mieux connaître la pensée de saint Thomas d’Aquin, il convient de redorer également le blason de son époque, trop souvent calomniée. Le ton est donné, avec un mot d’introduction soigné, impeccablement articulé par sa présidente, Éléonore de Noüel. Elle présente brièvement le conférencier, Michel Zink, académicien et professeur d’université spécialisé en littérature médiévale. Ce dernier a dans sa manière d’être un je-ne-sais-quoi de familier, comme un grand-père au sourire franc, qui serait à la fois direct et sympathique, avec une petite dose d’humour pas encore ternie par les ans. 

 

« Bien sûr que le moyen-âge avait l’esprit critique, évidemment ! » commence-t-il par s’exclamer, l’air de dire que la question ne se pose même pas. Il continue en exposant comment, au contraire, cette époque avait le souci de la vérité, ce qui impliquait une grande liberté de ton, et une place importante accordée au dialogue : les cours à la Sorbonne prenaient la forme de disputatio, c’est à dire de débat, et en théologie, les diverses religions n’avaient pas peur de débattre entre elles. Ensuite, Michel Zink aborde la question des auteurs, qui ont d’abord été perçus non pas comme ceux qui créent, mais comme ceux qui augmentent l’héritage des anciens, et entrent ainsi en dialogue avec leur autorité : il pose ici une distinction entre le scribe, ou copiste, le compilateur, le commentateur et enfin l’auteur, qui ajoute plus que quelques commentaires épars. Enfin, Michel Zink aborde des questions d’étymologie pour expliquer comment petit à petit le mot auteur est parvenu à son sens moderne, en confondant son histoire avec le mot acteur, qui lui ressemble en latin. Précise, contextualisée et passionnante, ainsi qu’il était prévisible de la part de cet universitaire, la conférence s’achève vers 21 heures.  

 

Alors, après les remerciements d’usages, les auditeurs sont invités à se diriger vers un coktail. Pendant ce temps, dans un coin de la salle, une librairie improvisée s’est déjà mise en place sur quelques tables. Il s’y vend, entre autres, le dernier ouvrage de Michel Zink, « Parler aux simples gens, un art médiéval », qu’il dédicace un peu plus loin. 

 

La soirée semble être minutieusement préparée : les gougères proviennent d’un partenariat avec la boulangerie la plus proche, et le vin servi par des bénévoles souriants est celui d’un petit artisan. Quelques petits groupes de discussions se forment, parlant non seulement de la conférence, mais aussi de musée, d’art, d’histoire ou encore de littérature. 

 

Au milieu de cette foule élégante, la présence discrète mais bien visible de la fraternité saint Vincent Ferrier rappelle leur importance au sein du CST, qu’ils ont contribué à fonder. Un œil inattentif pourrait bien ne pas remarquer ce père qui s’empresse, vigilant à ce que personne ne manque de quoi que ce soit. 

 

La soirée s’achève enfin quand chacun finit par rentrer chez soi nourri, en plus des petits-fours, intellectuellement. Le Centre saint Thomas organise chaque année deux conférence tout publics, ainsi qu’une formation continue sur les outils élaborés par la pensée thomiste. Leur objectif est de montrer comment saint Thomas d’Aquin peut répondre aux enjeux contemporains.  

 

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Guillemette Gruet

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