Missionnaire en 2025 : Quand le cinéma devient mission ! (5/5)

Publié le 06 Nov 2025
Dans le cadre de notre série consacrée aux acteurs de la mission en France à l’approche du Congrès Mission (7-8-9 novembre 2025), Hubert de Torcy, fondateur de SAJE, et Claire de Lorgeril, chargée de relations presse, reviennent sur le succès du film Sacré Cœur et sur les défis d’un cinéma chrétien assumé. 
 

|Le film Sacré Cœur (distribué par SAJE) a vu son affiche jugée trop prosélyte, puis interdite par certaines régies. Que vous inspire cette polémique, et quels enseignements en tirez-vous pour la visibilité chrétienne dans l’espace public ? 

HdT c Manuel de Teffe 3 missionnaireHubert de Torcy – Ce qui m’a frappé dans cette affaire, c’est à quel point nous nous sommes peu à peu habitués à voir certaines expressions de foi interdites dans l’espace public et à l’accepter trop facilement. Moi le premier, j’y ai été souvent confronté.
Mais cette fois, l’emballement médiatique a révélé autre chose : ce ne sont pas seulement les catholiques qui s’en sont émus. Les réactions les plus virulentes contre la décision de la RATP et de la SNCF sont venues… d’athées et de musulmans, qui nous ont écrit pour manifester leur solidarité. Cela traduit un ras-le-bol général face à une laïcité rabougrie, où plus rien n’est clairement défini. 

On invoque la neutralité : mais la neutralité, ce n’est pas la censure ! Ce n’est pas interdire toute expression religieuse, c’est simplement ne pas privilégier une religion sur une autre. Qui a décidé que la neutralité devait se traduire par le silence ? 

 Pareil pour la laïcité : on la confond avec une mise à l’écart de la foi, comme si la religion devait être confinée à la sphère privée. C’est une déformation totale de son sens. La vraie laïcité, c’est rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. 

Et puis, en quoi une affiche représentant le Christ serait-elle « obscène » ou « choquante » ? On tolère dans le métro des publicités qui vantent l’infidélité… mais une image de Jésus serait prosélyte ? Ce mot est employé sans jamais le définir. Le prosélytisme religieux, c’est vouloir forcer une conversion, par la contrainte ou l’achat. Où cela existe-t-il en France ? Le seul prosélytisme que je voie aujourd’hui, c’est le prosélytisme laïcard, celui qui bâillonne toute expression de foi. 

Cette polémique a aussi révélé une soif spirituelle profonde. L’homme a été fait par Dieu et pour Dieu, disait saint Augustin. Cette soif est inextinguible ; elle ne disparaît pas, même quand on cherche à l’éteindre. Il suffit de voir les salles combles pour Sacré Cœur, les spectateurs refoulés faute de place : la transcendance n’est pas un sujet de niche, c’est une question universelle. 

|Depuis sa création en 2012, SAJE est devenue l’unique distributeur en France de films chrétiens. Quels défis avez-vous rencontrés pour vous imposer ? 

Hubert de Torcy – Notre premier combat a été de faire exister le cinéma chrétien, longtemps perçu comme un sous-genre, mal produit, suspect de prosélytisme et de mauvaise qualité. Nous avons voulu montrer qu’il pouvait être exigeant, professionnel, et qu’il avait pleinement sa place dans les salles.
Il reste encore quelques détracteurs, exploitants ou idéologues pour qui ces films n’ont pas lieu d’être dans l’espace public, mais la plupart des salles nous accueillent désormais très bien. 

Aujourd’hui, le défi est ailleurs : faire exister ces films à la télévision. Le groupe Canal+ fait preuve d’ouverture, mais les autres chaînes, publiques ou privées, restent très fermées à toute dimension religieuse. C’est une barrière culturelle et idéologique qu’il faudra bien finir par franchir. 

En 2021, vous vous êtes lancés dans la production, en plus de la distribution. Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir ce pas ? 

Hubert de Torcy – C’était en réalité l’intuition de départ. Pour produire, il faut d’abord être capable de distribuer : la distribution était la première étape pour vérifier qu’il existait un public et comprendre ce qui fonctionnait.
Nous avons commencé par importer des films produits à l’étranger  aux États-Unis, en Pologne, en Espagne, en Italie, au Mexique. Mais nous avons atteint un plafond de verre culturel : ces œuvres, souvent évangéliques dans leur approche, ne sont pas toujours adaptées au public français. Nos meilleurs succès ont été les films produits ici : Vaincre ou Mourir (315 000 entrées), Sacerdoce (90 000 entrées), et aujourd’hui Sacré Cœur. 

Le cinéma français a besoin d’histoires dans lesquelles le public s’identifie, avec sa culture et sa langue. Et il y a tout un trésor d’histoires chrétiennes à raconter, puisées dans deux mille ans d’histoire sainte. C’est cette richesse que nous voulons désormais faire redécouvrir par le cinéma. 

|Comment sélectionnez-vous les films que vous allez diffuser ou produire (critères artistiques, théologiques, publics) ? 

20221026 181407 missionnaireClaire de Lorgeril – Nous choisissons des films d’inspiration chrétienne qui comportent un message fort et inspirant, des films qui élèvent l’âme. Ils doivent parler de foi ou de vie chrétienne, c’est vraiment notre ADN. Nous sélectionnons également des films familiaux, sans violence ni érotisme et qui comportent de belles valeurs. Ils doivent aussi être réussi sur le plan artistique et rester fidèles aux enseignements de l’Eglise. Nous faisons attention au rythme du film et à sa crédibilité artistique, pour qu’il plaise au public de plus en plus exigeant. Lorsqu’il y a un doute, nous ne le prenons pas : ils sont visionnés en équipe, mais aussi par un comité éditorial pour avoir un avis extérieur. 

  

|Vous disposez aussi d’une plateforme, SAJE+. Quel est le rôle de cette plateforme dans votre élan missionnaire (visibilité, accessibilité, fidélisation) ? 

Claire de Lorgeril – Après le confinement, nous avons constaté que les habitudes des spectateurs avaient changé. Les plateformes ont pris une place considérable sur le marché. Nous avons voulu développer la plateforme SAJE+ pour répondre à ces nouvelles attentes. Et l’opération est réussie : la plateforme se développe bien. Cela permet aussi de rejoindre un public francophone qui n’habite pas en France mais qui souhaite voir les films de SAJE.  

Mais surtout, cela permet de faire connaître des films à plus petit budget qui n’auraient pas leur place en salle mais qui finalement sont bien appréciés par le public de plateforme comme certaines comédies romantiques (Bella, Sauvée par Amour, Prière de m’épouser…) ou des films plus anciens mais quand même très inspirants comme les vies de saints italiens (saint Padre Pio, Don Bosco, sainte Rita). 

  

|Quel conseil donneriez-vous à des créateurs ou producteurs chrétiens hésitant à proposer des films ou contenus visuels, faute de distribution ou de reconnaissance ? 

Claire de Lorgeril – Il y a un marché en France pour ce genre de films et un distributeur prêt à les accompagner ! 

Nous sommes toujours heureux d’accompagner des nouveaux films français et de nouveaux producteurs chrétiens. 

Sacré Cœur est une belle illustration de projet chrétien qui a cartonné alors que les réalisateurs sont partis de rien. Ce sont les premiers à le dire : « On est pauvre et on a fait un film pour les pauvres ». Ils ont commencé juste à deux, en couple, avec une simple levée de fonds et un projet bien ancré. Mais ils ont enflammé les salles de cinéma, les médias et le public avec plus de 330 000 entrées ! Maintenant, de nombreux pays réclament le film : Tunisie, Maroc, Italie, Canada, Monaco, Belgique, Ile Maurice, etc… Quand Dieu a une idée en tête et qu’il appelle fortement à un projet, il peut faire des miracles y compris dans le cinéma. 

 

|Le Congrès Mission met cette année à l’honneur la question “comment être missionnaire aujourd’hui ?”. Comment y répondriez-vous ?   

Claire de Lorgeril – Être missionnaire, c’est partager la joie de l’Evangile autour de soi. Aujourd’hui, le public passe un temps considérable à regarder des séries, des films ou des vidéos. Il est donc important de rejoindre les gens là où ils en sont.   

Le cinéma, c’est une manière de transmettre la joie et l’amour de Dieu aux spectateurs, en proposant des films qui font du bien, qui consolent le cœur et qui apportent un peu de lumière et d’espérance. Nous avons vu le film Sacré Cœur être mentionné dans les médias de tous bords politiques, les cinémas devant refuser parfois jusqu’à 300 personnes, comme à Lyon, car la séance est déjà pleine. Les gens ont soif d’amour et de beauté, et ils sont heureux de vivre cette expérience de foi au cinéma.

 

Missionnaire en 2025

« Le Congrès Mission, une œuvre de communion » (1/5)
« L’évangélisation reste un acte humain » (2/5)

« Assumer notre identité catholique fait partie de notre mission » (3/5)

 

Maitena Urbistondoy

Maitena Urbistondoy

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