La formule « Nous te baptisons au nom du Père… » est-elle valide ?

Publié le 17 Août 2020
La formule "Nous te baptisons au nom du Père..." est-elle valide ? L'Homme Nouveau

RÉPONSES AUX QUESTIONS
sur la validité du Baptême conféré avec la formule :

« Nous te baptisons au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »

QUESTIONS

1) Le Baptême conféré avec la formule: «Nous te baptisons au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit» est-il valide?

2) Les personnes dont on a célébré le Baptême avec la formule ci-dessus doivent-elles être baptisées de manière absolue?

RÉPONSES

– À la première question : Non

– À la deuxième question : Oui

Le Souverain Pontife François, au cours de l’Audience accordée au Cardinal Préfet soussigné le 8 juin 2020, a approuvé les présentes Réponses et en a ordonné la publication.

Donné à Rome, le 24 juin 2020, en la solennité de la Nativité de Saint Jean-Baptiste, au Siège de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Luis F. Card. Ladaria, S.I.
Préfet

? Giacomo Morandi
Archevêque tit. de Cerveteri
Secrétaire

Note doctrinale sur la modification de la formule sacramentelle du Baptême

Au cours de récentes célébrations, le sacrement du Baptême a été administré avec les paroles suivantes: «Au nom du papa et de la maman, du parrain et de la marraine, des grands-parents, des membres de la famille, des amis, au nom de la communauté, nous te baptisons au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit». Apparemment, la modification délibérée de la formule sacramentelle a été introduite pour souligner la valeur communautaire du Baptême, exprimer la participation de la famille et des personnes présentes, et éviter l’idée d’une concentration du pouvoir sacré dans le prêtre, au détriment des parents et de la communauté, ce que véhiculerait la formule du Rituel romain[1]. Avec des motivations douteuses de nature pastorale[2], ressurgit ici la vieille tentation de remplacer la formule traditionnelle par d’autres textes jugés plus adaptés. À ce sujet, saint Thomas d’Aquin s’était déjà posé la question « utrum plures possint simul baptizare unum et eundem », à laquelle il avait répondu négativement, au motif qu’il s’agissait d’une pratique contraire à la nature du ministre[3].

Le Concile Œcuménique Vatican II affirme : « Quand on baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise »[4]. L’affirmation de la Constitution liturgique Sacrosanctum Concilium, inspirée d’un texte de saint Augustin[5], vise à ramener la célébration sacramentelle à la présence du Christ, non seulement au sens où il y transfuse sa virtus pour lui donner de l’efficacité, mais surtout pour indiquer que le Seigneur est le protagoniste de l’événement célébré.

En effet, lorsque l’Église célèbre un sacrement, elle agit comme un Corps qui opère sans se séparer de sa Tête, dans la mesure où c’est le Christ Tête qui agit dans le Corps ecclésial qu’il a engendré dans le mystère de la Pâque[6]. La doctrine de l’institution divine des sacrements, solennellement affirmée par le Concile de Trente[7], trouve ainsi son développement naturel et son interprétation authentique dans l’affirmation déjà citée de Sacrosanctum Concilium. Les deux Conciles sont donc en harmonie complémentaire, quand ils déclarent l’indisponibilité absolue du septénaire sacramentel à l’action de l’Église. Les sacrements, en effet, dans la mesure où ils ont été institués par Jésus-Christ, sont confiés à l’Église afin qu’elle les préserve. Il est évident que l’Église a beau être établie par l’Esprit Saint, interprète de la Parole de Dieu, avec le pouvoir de déterminer dans une certaine mesure les rites qui expriment la grâce sacramentelle offerte par le Christ, elle ne dispose pas des fondements mêmes de son existence : la Parole de Dieu et les actes salvifiques du Christ.

On comprend donc comment, au cours des siècles, l’Église a soigneusement préservé la forme de célébration des sacrements, surtout les éléments qu’atteste l’Écriture et qui permettent de reconnaître avec une clarté absolue le geste du Christ dans l’action rituelle de l’Église. Le Concile Vatican II a également établi que « personne, fût-ce un prêtre, n’ajoutera, n’enlèvera, ou ne changera rien, de sa propre initiative, dans la liturgie »[8]. Modifier de sa propre initiative la forme de célébration d’un sacrement ne constitue pas un simple abus liturgique, la transgression d’une norme positive, mais un vulnus infligé à la fois à la communion ecclésiale et à la reconnaissance de l’action du Christ, ce qui, dans les cas les plus graves, rend le sacrement lui-même invalide, car la nature de l’action ministérielle est de transmettre fidèlement ce qui a été reçu (cf. 1 Co 15, 3).

En effet, dans la célébration des sacrements, le sujet est l’Église-Corps du Christ avec sa Tête, qui se manifeste dans l’assemblée concrète réunie[9]. Cette assemblée, cependant, agit de façon ministérielle − et non collégiale − car aucun groupe ne peut se faire Église par lui-même, mais elle devient Église en vertu d’un appel qui ne peut surgir de l’intérieur de l’assemblée elle-même. Le ministre est donc un signe-présence de Celui qui rassemble et, en même temps, le lieu de communion de toute assemblée liturgique avec toute l’Église. En d’autres termes, le ministre est un signe extérieur du fait que le sacrement n’est pas soumis à l’action arbitraire d’une personne ou d’une communauté, et que le sacrement appartient à l’Église universelle.

C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la règle tridentine de la nécessité, pour le ministre, d’avoir au moins l’intention de faire ce que fait l’Église[10]. L’intention ne peut cependant pas rester uniquement à un niveau intérieur, avec le risque d’une dérive subjective, mais elle s’exprime dans l’acte extérieur qui est posé, avec l’utilisation de la matière et de la forme du sacrement. Un tel acte ne peut que manifester la communion entre ce que le ministre accomplit dans la célébration de chaque sacrement individuel et ce que l’Église accomplit en communion avec l’action du Christ lui-même : il est donc fondamental que l’action sacramentelle soit accomplie non pas en son propre nom, mais dans la personne du Christ, qui agit dans son Église, et au nom de l’Église.

Par conséquent, dans le cas spécifique du sacrement du Baptême, non seulement le ministre n’a pas l’autorité de disposer à son gré de la formule sacramentelle, pour les raisons de nature christologique et ecclésiologique exposées ci-dessus, mais il ne peut même pas déclarer qu’il agit au nom des parents, des parrains, des membres de la famille ou des amis, ni même au nom de l’assemblée elle-même réunie pour la célébration, car le ministre agit comme un signe-présence de l’action même du Christ qui s’accomplit dans le geste rituel de l’Église. Lorsque le ministre dit : « Je te baptise… », il ne parle pas comme un fonctionnaire qui joue un rôle qui lui a été confié, mais il agit ministériellement comme un signe-présence du Christ, qui agit dans son Corps, donnant sa grâce et faisant de cette assemblée liturgique concrète une manifestation « de la nature authentique de la véritable Église »[11], parce que « les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est “le sacrement de l’unité”, c’est-à-dire le peuple saint réuni et ordonné sous l’autorité des évêques »[12].

Modifier la formule sacramentelle signifie aussi ne pas comprendre la nature même du ministère ecclésial, qui est toujours le service de Dieu et de son peuple, et non l’exercice d’un pouvoir qui va jusqu’à manipuler ce qui a été confié à l’Église par un acte qui appartient à la Tradition. En tout ministre du Baptême doit donc s’enraciner non seulement la conscience de devoir agir dans la communion ecclésiale, mais aussi la conviction que saint Augustin attribue au Précurseur, qui « a appris qu’il y aurait dans le Christ une propriété telle que, malgré la multitude de ministres, saints ou pécheurs, qui baptiseraient, la sainteté du Baptême ne pourrait être attribuée qu’à celui dont descendit la colombe et dont il a été dit: “ C’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint” (Jn 1, 33) ». Augustin commente donc : « Si Pierre baptise, c’est le Christ qui baptise; si Paul baptise, c’est le Christ qui baptise; et même si Judas baptise, c’est le Christ qui baptise »[13].

_________________________

[1] En réalité, une analyse attentive du Rituel du Baptême des Enfants montre que, dans la célébration, les parents, les parrains et toute la communauté sont appelés à jouer un rôle actif, un véritable office liturgique (cf. Rituale Romanum ex Decreto Sacrosancti Œcumenici Concilii Vaticani II instauratum auctoritate Pauli PP. VI promulgatum, Ordo Baptismi Parvulorum, Prænotanda, nn. 4-7), qui, selon la demande conciliaire, implique que « chacun, qu’il soit ministre ou fidèle, en s’acquittant de sa fonction, fera seulement, mais intégralement ce qui lui revient de par la nature de la chose et les normes liturgiques » (Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 28).

[2] Le recours à la motivation pastorale masque souvent, même inconsciemment, une dérive subjective et une volonté manipulatrice. Déjà au siècle dernier, Romano Guardini rappelait que si, dans la prière personnelle, le croyant peut suivre l’impulsion de son cœur, dans l’action liturgique, « il doit s’ouvrir à une autre impulsion, d’origine plus puissante et plus profonde, venant du cœur de l’Église qui bat à travers les siècles. Ici, peu importe ce qui lui plaît personnellement ou lui semble souhaitable à ce moment… » (R. Guardini, Vorschule des Betens, Einsiedeln/Zürich, 19482, p. 258).

[3] Summa Theologiæ, III, q. 67, a. 6 c.

[4] Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 7.

[5] S. Augustin, In Evangelium Ioannis tractatus, VI, 7.

[6] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 5.

[7] Cf. DH, n. 1601.

[8] Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 22 § 3.

[9] Cf. Catechismus Catholicae Ecclesiae, n. 1140: «Tota communitas, corpus Christi suo Capiti unitum, celebrat» et n. 1141: «Celebrans congregatio communitas est baptizatorum».

[10] Cf. DH, n. 1611.

[11] Concile Œcuménique Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. 2.

[12] Ibid., n. 26 § 3.

[13] S. Augustin, In Evangelium Ioannis tractatus, VI, 7.

[00923-FR.01] [Texte original: Italien]

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