Messe Orbis factor :
Commentaire musical
Le Sanctus XI bénéficie de la popularité de la messe Orbis Factor, et de fait, nous sommes en présence d’une très belle pièce, datée du XIe siècle et empruntée au 2e mode. C’est un Sanctus profond, riche en neumes et en expression, chaud et solennel.
Il ne quitte qu’une seule fois la quinte Ré-La, pour toucher le Sib sur le mot nómine. Il n’atteint le La grave qu’une seule fois, à l’intonation. Pour le reste, sa mélodie est contenue à l’intérieur de la quinte Ré-La, avec des appuis fréquents sur le Do qui joue ici, à plein, le rôle de sous-tonique. C’est donc une pièce à l’ambitus restreint, et pourtant, sa belle variété l’exempte de toute monotonie. Analysons cela plus en détail :
Les trois Sanctus, ce qui est assez rare, finalement, sont en progression mélodique et intensive. Le premier, qui utilise une formule assez fréquente en protus plagal, est grave, profond. On a vu qu’il va chercher l’unique La grave de la pièce. Il s’appuie sur le Do, et se fixe résolument sur le Ré sans s’élever aucunement. Il brille par sa fermeté. L’accent doit être bien lancé, bien appuyé, et les autres notes se déroulent à partir de la note initiale avec beaucoup de legato et de chaleur vocale.
Le second Sanctus, plus intense, s’élève d’un degré et fait entendre un double Mi chaleureux. Mais c’est toujours le Ré qui est la corde autour de laquelle s’enroule la mélodie.
Quant au troisième Sanctus, il s’envole enfin, tout en gardant ce même caractère de profondeur, de force, de majesté. La montée par degrés conjoints tout au long de la quinte Ré-Mi-Fa-Sol-La, est large et chaude, et le sommet est bien arrondi, avant une retombée appuyée, elle aussi, qui s’achève sur le Mi de la finale de Dóminus. Deus s’élève à partir du Ré sur la tierce Ré-Mi-Fa, et Sábaoth se resserre autour du Ré, avec un appui sur le Do.
La courbe générale de cette première phrase est donc parfaite, et l’ensemble est extrêmement ferme.
La seconde phrase commence de façon originale, avec un départ au sommet, sur le La de Pleni. Ce mot est donc très expressif jusque dans sa descente régulière et intense. Un intervalle de quarte, sur le verbe sunt, permet d’aller cueillir une nouvelle fois le La sur cæli, là aussi de façon bien expressive. Ce début de seconde phrase est plus allègre, plus joyeux.
Puis, avec le retour du Do et du Ré sur terra, on retrouve la gravité ferme du début. Une remontée intense se produit sur le mot glória, bien venue elle aussi. La mélodie de glória tua, intermédiaire entre celle de cæli et celle de terra, est très unifiée, elle procède entièrement par degrés conjoints, ce qui exprime bien que la gloire de Dieu unit le ciel et la terre. Et la double cadence de terra campe bien cette deuxième phrase.
Le hosánna peut alors jaillir, et de façon très belle, grâce à la quinte Ré-La qui l’inaugure. L’accent de hosánna est ferme avec son appui sur le Sol, et la descente qui affecte la syllabe finale est de toute beauté. Elle nous ramène au Ré initial en touchant tous les degrés de la quinte qui avaient été omis par le premier intervalle. In excélsis est plus sobre, très ferme là encore avec le double Fa, et sa mélodie qui s’enroule autour du Ré.
La phrase suivante commence piano, doucement, et monte progressivement, d’une façon très remarquable. Les degrés se succèdent, du Do au Sol, sur Benedíctus qui venit. Un crescendo net doit se faire sentir, qui doit nous conduire au beau jaillissement de in nómine Dómini qui constitue le sommet intensif de toute la pièce. Et en même temps, quelle paix dans cette belle formule si balancée, qui, à partir du sommet et après l’intervalle initial de quinte Ré-La, procède uniquement par degrés conjoints, jusqu’à la syllabe finale de Dómini.
C’est vraiment un très beau passage, intense et même de plus en plus intense, et pourtant souverainement paisible. L’intensité ne doit aucunement se relâcher, même sur la finale de Dómini. Là, le mouvement s’élargit, grâce à la présence de deux tierces, descendantes, Sol-Mi et Mi-Do, mais cela reste très appuyé jusqu’au bout. Il n’y a guère que le Ré ultime de la cadence qui doit être pris en douceur, grâce à l’épanouissement du Do qui le précède immédiatement.
Le dernier hosánna est en tout identique au premier, mais il est encore plus intense, et il conclut magnifiquement cette pièce remarquable par sa plénitude et sa noblesse, sa grande majesté.
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