Rendre la justice est sans doute l’une des tâches les plus complexes au monde, car il n’a jamais été aisé de rendre à chacun ce qui lui est vraiment dû. Le plus difficile pour un juge est sans doute de pouvoir établir la vérité des faits à partir desquels il a à se prononcer au regard du droit et de la loi. Établir la vérité, ce n’est pas chercher à avoir raison contre un prévenu, mais bien entrer dans l’objectivité de la preuve. Les prévenus qui sont condamnés et qui peuplent les prisons sont-ils tous coupables ? Si l’erreur est humaine, la justice peut devenir parfois inhumaine quand les juges ne s’entourent pas de toutes les précautions nécessaires, en termes de discernement, pour rendre un jugement vraiment juste. La pièce de Bernard Fripiat est très intéressante parce qu’elle nous offre une illustration forte de ce que peut être une justice bâclée aux conséquences lourdes et dramatiques pour ceux qui en subissent les effets. Ce juge évidemment caricaturé a trois caractéristiques : il est profondément vaniteux, sa carrière passant avant tout, il est sourd, car il n’écoute que son jugement propre, il est sûr de lui, car un juge doit assurer avant tout son dominium. Voilà trois dispositions parfaitement antithétiques des qualités d’un bon juge. À ses côtés, une assistante servant symboliquement les deux plats les plus amers pour fausser un jugement : le mensonge et la manipulation. Tous les ingrédients sont réunis pour faire pression sur le prévenu qui a davantage vocation d’être écrasé que jugé puisqu’au fond il ne peut qu’être coupable si sa condamnation implicite précède son jugement. Cette parodie de justice a été entre autres celle de tous les procès totalitaires, mais de bien d’autres aussi… Le fond est riche, mais la pièce à l’intrigue inattendue venant se greffer sur cette réflexion nous entraîne avant tout dans des corps à corps âpres, où la puissance du verbe conjuguée à une forte expression saisissent le spectateur à l’intérieur du cabinet du juge. Le décor est minimaliste avec un jeu d’éclairage venant sertir et renforcer l’impression de huis clos. Trois comédiens remarquables !
Théâtre du Nord-Ouest, 13, rue du Faubourg-Montmartre, Paris IXe. Les 12, 13 et 14 juillet à 20 h 45, puis reprise le 1er octobre à 17 h et programmation à venir pour la suite de la saison. Tél. : 01 47 70 32 75.
En outre, nous signalons à nos lecteurs la programmation extrêmement riche du TNO tout au long de l’été à découvrir sur le site du théâtre : theatredunordouest.com