Prier pour l’unité des chrétiens, à la suite de saint Paul

Publié le 02 Fév 2017
Prier pour l'unité des chrétiens, à la suite de saint Paul L'Homme Nouveau

Chaque année la semaine de prière pour l’unité des chrétiens se clôt par la solennité de la conversion de Saint Paul sur le chemin de Damas, conversion qui fut une transformation radicale dont on ne mesurera jamais assez les conséquences qui perdurent encore. Sur le chemin de Damas, la Providence attendait ce persécuteur acharné des sectateurs de la voie. Une apparition du Christ en gloire bouleversa complètement sa vie. Désormais, il croyait au Christ et le reconnaissait comme Seigneur, c’est-à-dire Dieu ; de plus, sa vision de l’Église changeait totalement et radicalement : d’objet de persécution implacable qu’elle était, elle devenait «Mère et Maîtresse». La vie de Paul se divise ainsi en deux parties irrémédiablement et diamétralement opposées : vie tumultueuse avant sa rencontre avec le Christ ; puis vie entièrement nouvelle engagée sur une route missionnaire où il dépensa ses forces et ses dons gigantesques, non plus pour abattre et détruire, mais, bien au contraire, pour édifier et bénir.

Cette conversion demeure une grande leçon pour nous tous. Le Pape donne quelques orientations actuelles, mais chacun pourrait facilement en trouver d’autres. Nous ne devons vivre que pour le Christ qui doit être vraiment notre tout. D’autre part, le Christ en gloire est le même que le Christ en Croix, achèvement de la promesse faite à Abraham, renouvelée à Moïse et annoncée aux Prophètes. C’est la Bonne nouvelle du salut, l’Évangile que prêchera désormais Paul, non par ses propres mérites, mais par la grâce de Dieu qui un jour, sur la route de Damas, se pencha sur l’«avorton». Et la grâce fit de ce passionné du Dieu de ses Pères, l’Apôtre de feu du Christ, Seigneur et Sauveur. Vivre désormais pour lui, c’est le Christ, mais aussi c’est vivre dans l’Esprit Saint. Et cette vie nouvelle devient expérience de pardon, de réconciliation, de familiarité et de réconfort. Mais on n’insistera jamais assez sur le fait qu’il s’agit d’un don absolument gratuit de Dieu et que ce don entraîne une réponse qui ne peut être que celle de l’amour. Loin de garder ce don pour nous-mêmes, nous devons le faire fructifier. La grande leçon de Damas, c’est finalement que chacun de nous doit être un missionnaire de l’Évangile au service de l’Église.

Mais comment proclamer cet Évangile au milieu des divisions ? Là encore le grand missionnaire que fut Paul nous donne la solution, en soulignant que la réconciliation dans le Christ ne peut se réaliser sans sacrifice. De même que Jésus est mort pour tous, de même les ministres de la réconciliation doivent donner leur vie et ne plus vivre pour eux-mêmes. Perdre sa vie pour la gagner : telle est le grand message évangélique qui demeure au centre du message de réconciliation livré par saint Paul. Cela implique de ne plus vivre pour soi-même mais pour son frère. Il faut toute une vie pour apprendre cela, tant l’obéissance et l’humilité ne sont pas naturelles à l’homme. Mais cela implique aussi non seulement de surmonter la tentation de l’autoréférentialité ou du nosisme, mais aussi de regarder constamment le Christ en Croix unique sauveur du monde. La Croix doit alors devenir le centre de notre vie. Avec elle nous devons quitter le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. Mais cela suppose la purification de la mémoire qui nous apprendra à dépasser les paramètres humains, pour juger avec les paramètres divins et, en premier lieu, la Parole de Dieu. Faisons cela avec Marie. Alors l’heure de l’espérance nous ouvrira un nouveau chemin de réconciliation pour tous.

Le discours du pape

La rencontre avec Jésus sur la route vers Damas transforme radicalement la vie de Paul. À partir de ce moment, pour lui la signification de l’existence ne réside plus dans la confiance en ses propres forces pour observer scrupuleusement la Loi, mais dans l’adhésion de toute sa personne à l’amour gratuit et immérité de Dieu, à Jésus Christ crucifié et ressuscité. Ainsi, il connaît l’irruption d’une nouvelle vie, la vie selon l’Esprit, dans laquelle, par la puissance du Seigneur ressuscité, il fait l’expérience du pardon, de la familiarité et du réconfort. Et Paul ne peut garder pour lui-même cette nouveauté : il est poussé par la grâce à proclamer la joyeuse nouvelle de l’amour et de la réconciliation que Dieu offre pleinement dans le Christ à l’humanité.

Pour l’Apôtre des nations la réconciliation de l’homme avec Dieu, dont il est devenu ambassadeur (cf. 2 Cor 5, 20), est un don qui vient du Christ. Cela apparaît avec clarté dans le texte de la deuxième Lettre aux Corinthiens, dont est extrait cette année le thème de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens : « L’amour du Christ nous pousse à la réconciliation » (cf. 2 Co 5, 14-20). « L’amour du Christ » : il ne s’agit pas de notre amour pour le Christ, mais de l’amour que le Christ a pour nous. De même, la réconciliation vers laquelle nous sommes poussés n’est pas simplement notre initiative : c’est en premier lieu la réconciliation que Dieu nous offre dans le Christ. Avant d’être un effort humain de croyants qui cherchent à surmonter leurs divisions, c’est un don gratuit de Dieu. Comme effet de ce don, la personne, pardonnée et aimée, est appelée à son tour à proclamer l’évangile de la réconciliation en paroles et en actes, à vivre et à témoigner d’une existence réconciliée.

Dans cette perspective, nous pouvons nous demander aujourd’hui : comment proclamer cet évangile de réconciliation après des siècles de divisions ? C’est Paul lui-même qui nous aide à trouver la voie. Il souligne que la réconciliation dans le Christ ne peut se réaliser sans sacrifice. Jésus a donné sa vie, en mourant pour tous. De même, les ambassadeurs de la réconciliation sont appelés, en son nom, à donner leur vie, à ne plus vivre pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux (cf. 2 Co 5, 14-15). Comme Jésus l’enseigne, ce n’est que lorsque nous perdons la vie par amour pour lui que nous la gagnons vraiment (cf. Lc 9, 24). C’est la révolution que Paul a vécue, mais c’est la révolution chrétienne de toujours : ne plus vivre pour nous-mêmes, pour nos intérêts et retours d’image, mais à l’image du Christ, pour lui et selon lui, avec son amour et dans son amour.

Pour l’Église, pour chaque confession chrétienne, c’est une invitation à ne pas se fonder sur les programmes, sur les calculs et les avantages, à ne pas se fier aux opportunités et aux modes du moment, mais à chercher la vie en regardant toujours la croix du Seigneur : voilà notre programme de vie. C’est également une invitation à sortir de tout isolement, à surmonter la tentation de l’autoréférentialité, qui empêche de saisir ce que l’Esprit Saint réalise hors des milieux de chacun. Une réconciliation authentique parmi les chrétiens pourra se réaliser lorsque nous saurons reconnaître les dons les uns des autres et que nous serons capables, avec humilité et docilité, d’apprendre les uns des autres – apprendre les uns des autres –, sans attendre que ce soient les autres qui apprennent d’abord de nous.

Si nous vivons cette mort à nous-mêmes pour Jésus, notre vieux style de vie est relégué dans le passé et, comme cela est arrivé à saint Paul, nous entrons dans une nouvelle forme d’existence et de communion. Avec Paul, nous pourrons dire : « Le monde ancien s’en est allé » (2 Co 5, 17). Jeter un regard en arrière aide et est d’autant plus nécessaire pour purifier la mémoire, mais être rivé au passé, en s’attardant à rappeler les torts subis et faits et en jugeant avec des paramètres uniquement humains, peut paralyser et empêcher de vivre le présent. La Parole de Dieu nous encourage à tirer force de la mémoire, à nous rappeler le bien reçu du Seigneur ; mais elle nous demande aussi de laisser derrière nous le passé pour suivre Jésus dans l’aujourd’hui et pour vivre une vie nouvelle en lui. Permettons à Celui qui fait toute chose nouvelle (cf. Ap 21, 5) de nous orienter vers un avenir nouveau, ouvert à l’espérance que ne déçoit pas, un avenir dans lequel les divisions pourront être surmontées et les croyants, renouvelés dans l’amour, seront unis pleinement et de manière visible.

Tandis que nous cheminons sur la voie de l’unité, cette année, nous nous souvenons spécialement du cinquième centenaire de la Réforme protestante. Le fait qu’aujourd’hui catholiques et luthériens puissent se rappeler ensemble un événement qui a divisé les chrétiens, et qu’ils le fassent avec espérance, en mettant l’accent sur Jésus et sur son œuvre de réconciliation, est une étape remarquable, atteinte grâce à Dieu et à la prière, à travers cinquante ans de connaissance réciproque et de dialogue œcuménique.

En invoquant de Dieu le don de la réconciliation avec lui et entre nous, j’adresse mes salutations cordiales et fraternelles à Son Éminence le Métropolite Gennadios, représentant du Patriarche œcuménique, à Sa Grâce David Moxon, représentant personnel à Rome de l’Archevêque de Canterbury, et à tous les représentants des diverses Églises et Communautés ecclésiales ici réunis. Il m’est particulièrement agréable de saluer les membres de la Commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales, auxquels je souhaite un fructueux travail pour la session plénière qui se tient ces jours-ci. Je salue également les étudiants de l’Ecumenical Institute of Bossey – si joyeux, je les ai vus ce matin –, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Église catholique, ainsi que les jeunes orthodoxes et les orthodoxes orientaux qui étudient à Rome grâce aux bourses d’étude du Comité de collaboration culturelle avec les Églises orthodoxes, qui œuvre auprès du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens. J’exprime mon estime et ma gratitude aux Supérieurs et à tous les Collaborateurs de ce Dicastère.

Chers frères et sœurs, notre prière pour l’unité des chrétiens est une participation à la prière que Jésus a adressée à son Père avant la passion pour « que tous soient un » (Jn 17, 21). Ne nous lassons jamais de demander à Dieu ce don. Dans l’attente patiente et confiante que le Père accordera à tous les croyants le bien de la pleine communion visible, allons de l’avant sur notre chemin de réconciliation et de dialogue, encouragés par le témoignage héroïque de nombreux frères et sœurs, unis hier et aujourd’hui dans la souffrance pour le nom de Jésus. Profitons de chaque moment que la Providence nous offre pour prier ensemble, pour évangéliser ensemble, pour aimer et servir ensemble, surtout qui est plus pauvre et plus délaissé.

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