L’actualité est assombrie par le scandale médiatisé qui est lié au saccage de l’innocence : vaste charnier démoniaque qui touche de larges pans de la société. Mais il prend un tour paroxystique quand il touche aussi la Sainte Église : un tel discrédit sur le lieu de la confiance et de la paix des cœurs met nos âmes en péril.
Ce qui s’est passé à Lyon menace tous les évêques, a prévenu le cardinal Barbarin. Dans son livre Dieu ou rien (chap. VIII, Le Mystère d’iniquité, p. 311-319), le cardinal Sarah va droit au but en débusquant là le diable qui hait tout autant le célibat du prêtre et l’innocence de l’enfant : blesser à la fois l’un et l’autre, c’est « lui tout craché ». De retour de Terre Sainte (27 mai 2014), le Saint-Père assimilait à des messes noires les célébrations de prêtres ayant commis de tels actes pervers, après avoir « mûrement réfléchi à l’ampleur d’une telle comparaison » au dire du cardinal guinéen (op. cit., p. 314). L’évêque de Montauban analyse avec autant de réalisme ce que subit actuellement le clergé de France : « Nous sommes plongés dans un monde pornographique et personne n’en sort indemne. Quand l’Église dénonce ce danger, elle est moquée et stigmatisée. (…) Abuser d’enfants, de jeunes, de personnes faibles (…) abîme à jamais une créature de Dieu, innocente et confiante dans le prêtre qui représente beaucoup. Or, la circonstance aggravante est là : utiliser son autorité pour parvenir à des fins ignobles. » L’évêque dit alors bien comprendre « les réactions de l’opinion publique scandalisée quand surviennent de telles affaires », mais en même temps la société continue de faire l’éloge de toutes les dépravations (cf. Mgr Ginoux, Lettre à ses prêtres, Mardi saint 2016). Voilà le dilemme, voilà la contradiction : on sème le vent, et on s’étonne avec effroi de récolter la tempête. Le prêtre lyonnais incriminé a été ordonné quand « on interdisait d’interdire ».
Un don à préserver
La pureté morale du clergé est un don spirituel à solliciter, don nécessaire à l’Église pour qu’elle parle de Dieu et le donne aux âmes. L’Église prolonge alors la virginité féconde de Marie. Mais sans ce don, elle est stérile et n’a plus rien à dire aux hommes. La crise des vocations n’est-elle pas l’indice de ce démon caché dans les mœurs dépravées des consacrés ? Mais le voilà dévoilé : j’y vois un fruit de cette Année de la Miséricorde chassant sans pitié les misères occultées jusqu’ici, mais à quel prix ?
Mais, grâce à Dieu, l’énergie baptismale parvient toujours à réparer ce qui est flétri. Des victimes sortent de leur mutisme de damnés, de déportés d’un nouveau Dachau. La foi peut et doit fleurir chez ces âmes « à la Job », avec une belle vocation, celle de hâter la pureté de l’Église, en intercédant elles-mêmes pour leurs bourreaux ; et ce n’est pas là parole en l’air ! En ce sens d’ailleurs, plusieurs évêques parlent désormais de faire dire des messes de réparation, de vivre nos liturgies en esprit de réparation (Mgr Rey-Toulon, Mgr Blaquart-Orléans devant la CEF), comme une sorte d’exorcisme faisant sortir le mal caché pour purifier et faire désirer la vie divine.
On multiplie les commissions d’experts sur ces questions douloureuses, et il faut sans doute le faire. « Mais aujourd’hui, écrit le Saint-Père dans Amoris laetitia, malgré notre sensibilité en apparence évoluée, et toutes nos analyses psychologiques raffinées, je me demande si nous ne demeurons pas aussi anesthésiés par rapport aux blessures de l’âme des enfants. Sentons-nous le poids de la montagne qui (les) écrase ? » (cf. n. 246). Ici, ces enfants ne peuvent dénoncer l’injustice, au mieux, que comme adultes, avec des blessures d’autant plus vives qu’elles ne furent jamais soignées. En ce sens l’actualité lyonnaise fait œuvre prophétique, nous réveillant de cette « anesthésie ». Foi éprouvée, foi admirable surtout en la sainteté de l’Église par ceux qui ne supportent pas et pointent du doigt les défaillances de ses ministres. Pour être féconde, leur force doit venir en fin de compte de l’Innocent bafoué qui, par sa mort, a dissous à la racine le vice et tout péché. L’innocence saccagée a alors vocation de vivre au cœur de la Rédemption par le pardon intelligent que seule cette foi peut lui donner. Confions cette innocence-là à l’Immaculée Mère de Dieu qui écrase la tête du Mauvais.