Regard sur les récents évènements du théâtre

Publié le 03 Déc 2011

Golgota Picnic,la trop fameuse pièce de Rodrigo Garcia, sera donné du 8 au 17 décembre au Théâtre du Rond-Poind à Paris et les catholiques sont presqu’unanimement d’accord pour dire qu’il s’agit ni plus ni moins d’un blasphème, d’une offense au Christ en même temps qu’à ceux qui croient en lui. Une parodie, une fois de plus, du « phénomène religieux », ainsi qu’on se plait à le nommer, emblématique d’une sacro-sainte liberté d’expression ? Si seulement ce n’était que cela… Traiter le Christ de « puto el diablo », parodier la crucifixion, fourrer des billets de banques dans ses plaies et lui faire multiplier des hamburgers va beaucoup plus loin, beaucoup trop loin.

Mais, avant Golgota Picnic, il y eut Sur le concept du visage du Fils de Dieu et la façon dont nous nous apprêtons à réagir à la pièce de Rodrigo Garcia est fortement marquée de la blessure laissée par la précédente expérience des catholiques avec la rencontre, parfois douloureuse, de l’art et de la provocation.

La pièce de Castellucci était-elle blasphématoire ? Et si oui, fallait-il aller prier publiquement devant le théâtre ? Est-il légitime d’aller prier à l’appel de Civitas ? De ceux qui sont allés égréner leur chapelet chaque soir de représentation à ceux qui voyaient dans ce spectacle une touchante mise en scène de l’Incarnation du Christ, en passant par ceux qui préféraient se taire pour ne par faire de publicité à la pièce, il y eu presqu’ autant d’interprétations de la chose que de catholiques. Et les insultes ont fusé, les réactions épidermiques se sont succédées, le tout dans une atmosphère tout sauf chrétienne.

Il est temps d’apprendre à répondre à un monde qui ne croit plus.

Parce que nous pensons qu’il est important de prendre du recul, de partir des faits pour juger, parce que nous pensons que la pièce de Castellucci doit être une leçon pour nous alors qu’arrive Golgota picnic, plutôt qu’un facteur de discorde, nous publions ici le fruit d’une longue enquête sur la pièce et les réactions qu’elle a suscité.

Nous publions dans un premier temps un exposé des faits, publié par ailleurs dans le numéro 1506 de L’Homme Nouveau daté du 3 décembre. Nous publierons ensuite un sommaire des réactions des évêques et les liens qui permettrons à chacun d’entre vous de consulter l’intégralité de leur texte. Nous avons enfin sélectionné quelques réactions emblématiques de prêtres et laïcs et pour lesquels nous avons, là encore, recensé les liens qui vous permettront de lire ces textes, non pas cités approximativement dans une discussion de forum, mais à la source.

Castellucci : la réalité en huit points

·         La pièce : de quoi s’agit-il exactement ?

La pièce de l’Italien Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, met en scène un vieillard, malade et incontinent, qui se vide sur scène et que son fils nettoie patiemment. La scène est jouée devant une immense reproduction du Salvator mundi d’Antonello da Messina (1465). Le spectacle s’achève après que le vieillard est sorti de la scène, manifestement pour se rendre derrière la toile où figure le portrait du Christ, agitée et déformée par le corps qui la manipule par-derrière, et soudainement déchirée avant d’être souillée d’un liquide évoquant les excréments, omniprésents pendant les précédentes scènes. Si Romeo Castellucci a pu dire qu’il ne s’agissait pas de matière fécale mais d’encre noire, il est clair que c’est pourtant bien ce que le liquide évoque, d’autant qu’est diffusée à ce moment-là une forte odeur d’excrément.

Un voile noir recouvre alors l’image du Christ pour laisser apparaître la phrase « You are my shepherd » (Tu es mon berger) que l’apparition progressive d’un « not », plus sombre que les autres mots, transforme en « You are not my shepherd » (Tu n’es pas mon berger). Lors de sa présentation au Festival d’Avignon, la pièce comportait une scène supplémentaire pendant laquelle de jeunes enfants arrivent sur scène, cartables au dos remplis de grenades à main, qu’ils jettent ensuite au visage du Christ. La scène n’a pas été jouée à Paris mais elle a été réintroduite lors des représentations qui eurent lieu à Rennes.

·         La pièce : où et quand ?     

Sur le concept du visage du fils de Dieu a été joué en Allemagne, en Belgique, en Norvège, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Russie, aux Pays-Bas, en Grèce, en Suisse, en Italie et en Pologne, sans susciter de réactions, avant d’être joué en France. À titre de comparaison, le Piss Christ de Serrano avait déjà été vandalisé deux fois avant d’être exposé en France et avait suscité des réactions plus unanimes, comme d’ailleurs le spectacle Golgota Picnic de Rodrigo Garcia, critiqué dès sa création en Espagne. Sur le concept du visage du fils de Dieu a été présentée au Festival d’Avignon qui se tenait du 6 au 26 juillet 2011. Il a été joué à Paris du 20 au 30 octobre au Théâtre de la Ville puis du 2 au 6 novembre au Théâtre 104. Il a été joué les 10, 11 et 12 novembre à Rennes, au Théâtre National de Bretagne, puis à Villeneuve d’Ascq (Nord) les 29 et 30 novembre au théâtre La Rose des Vents.

·         

 Ce qu’en dit Castelluci

« Cette histoire vraiment humaine, inscrite dans le destin du corps, est une histoire que connaissent beaucoup de familles. C’est quelque chose de très réel et pas du tout provocateur. Aussi parce que, fondamentalement, c’est une histoire d’amour entre le fils et le père. Jésus éclaire cette histoire et cette situation dans la mesure où il a été lui-même disponible à cette humiliation. Et tout le monde peut être touché par cette histoire très commune. » (Entretien avec Catherine Robert, 15 juin)

 « Dans sur le concept du visage du fils de Dieu, ce regard du Christ est central et rencontre chaque spectateur, individuellement. Le spectateur est sans cesse observé par le fils de Dieu. Montrer le visage du fils de Dieu, c’est montrer le visage de l’Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion. (…) L’incontinence du père est une perte de substance, une perte de soi. Elle est à mettre en regard avec le projet terrestre du Christ qui passe par la kenosis – du verbe kenoô : se vider – c’est-à-dire par l’abandon de sa divinité pour intégrer pleinement sa dimension humaine (…). La dimension schatologique dépasse alors tout réalisme et la situation devient métaphysique. On passe de la schatologie à l’eschatologie. » Parlant de la scène des enfants jetant les grenades au visage du Christ, il ajoute : « Il n’est pas dans mon intention de désacraliser le visage de Jésus, bien au contraire : pour moi, il s’agit d’une forme de prière qui se fait à travers l’innocence d’un geste d’enfant. »(Entretien avec Jean-Louis Perrier pour le Festival d’Avignon. Le texte est disponible dans son intégralité dans le dossier de presse de la pièce.)

·         Les organisateurs des manifestations publiques

Outre les prières de réparation et les prières publiques devant les différents théâtres qui ont accueilli la pièce de Castellucci chaque soir de représentations, Civitas ( institut politique proche de la Fratenité Saint-Pie X) a organisé trois grands rassemblements contre la christianophobie : le 29 octobre à Paris, le 10 novembre à Rennes et le 29 novembre à Rennes. L’Action française a aussi appelé à manifester au moment où la pièce a été jouée à Paris. Les manifestants ont notamment bloqué l’entrée du Théâtre de la Ville. Enfin, pour proposer une autre vision du visage du Christ, la paroisse Saint-Germain de Rennes a organisé une « Méditation sur le visage du Christ » le 10 novembre, spectacle inspiré de l’œuvre de francis James, Le crucifix du poète, et qui fut suivi d’une veillée de prière et d’un salut du Saint-Sacrement.

Dans « l’autre camp », notons que des contre-manifestations étaient organisées à Rennes par le PCF, Action antifasciste et SUD.

·         Qui était présent ?

Les manifestants n’étaient pas tous traditionalistes ou « fondamentalistes » (le terme, jusqu’à présent, n’a d’ailleurs pas été défini par ceux qui l’ont employé). Il y avait des catholiques de sensibilités très différentes, quoiqu’aient bien voulu en dire les médias. En revanche, les prêtres présents étaient pour la plupart membres de la Fraternité Saint-Pie X.

·         Des violences ?

La version officielle

Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville, recense les actes de violences suivants :

« Jeudi 20 octobre : tentative violente d’intrusion par des militants organisés, avec usage de gaz lacrymogènes. Enchaînement des portes de la salle dans le but d’en empêcher l’accès. Utilisation de boules puantes. Distribution de tracts dénonçant le prétendu caractère « christianophobe » du spectacle, reposant sur des allégations entièrement mensongères. Envahissement de la scène du théâtre par neuf activistes interrompant la représentation. (…) Vendredi 21 octobre : jet d’huile de vidange et d’œufs sur le public lors de l’entrée pour la représentation. Distribution de tracts. Dans l’attente de l’intervention de la police pour déloger les agresseurs qui étaient juchés sur une corniche située au-dessus des portes d’entrée et interdisant l’accès au hall du théâtre, nous avons aménagé l’entrée du public par une issue de secours. (…) Samedi 22 octobre : démarrage de la représentation avec 30 minu­tes de retard. Nouvel envahissement de la scène du théâtre par un groupuscule interrompant la représentation. Évacuation dans le calme. Reprise du spectacle. »

La réalité des prétendues violences

Les violences n’ont eu lieu que les premiers jours, elles étaient le fait d’un petit nombre de manifestants dont Civitas s’est démarqué. Les constats de monsieur Demarcy-Mota ne concernent que trois jours de manifestations alors que des chrétiens étaient présents devant le théâtre lors des quinze représentations données à Paris, d’abord au Théâtre de la Ville puis au 104. Ils se sont contentés de prier, chanter des cantiques, scander des slogans, brandissant bannières et crucifix, à genoux devant le théâtre et entourés d’un cordon de CRS. Si l’accident n’était pas volontaire, notons qu’un jeune manifestant, retenu à terre de force par la police, a eu la jambe écrasée par un camion de police. Enfin, plusieurs manifestants ont été menacés alors qu’ils repartaient chez eux par des jeu­nes se présentant eux-mêmes comme gauchistes et musulmans, qui attendaient les manifestants dans les rues avoisinantes.

·         Aux prises avec la justice

La mairie de Paris et le Théâtre de la Ville ont porté plainte conjointement « contre les personnes s’étant rendues responsables d’actes de dégradation du domaine public et d’atteinte à la liberté de création et d’expression artistique ». L’Alliance contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF), qui demandait le retrait de la pièce, a été déboutée de sa demande à deux reprises, par le Tribunal de Grande Instance le 18 octobre 2011, puis par le tribunal de Paris le 28 octobre 2011.

L’Action Française déplore quant à elle 15 comparutions immédiates et quatre licenciements.

Pourquoi un tel travail, diront peut-être certains de nos lecteurs ? Il s’agit pour nous de considérer sereinement les fait car seule une attitude raisonnée, purgée de toute réaction par trop affective, peut nous permettre d’émettre un véritable jugement et de regarder autrement les chrétiens qui n’ont pas réagi comme nous. Car le spectacle des catholiques se tapant dessus publiquement n’aggrave-t-il pas les violences et les lâchetés que les uns et les autres se reprochent ? « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul » (Matt., 18 ; 15) dit l’Evangile.

 A suivre !

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