Rerum Novarum : la constitution chrétienne des États et le « droit nouveau » (VII)

Publié le 15 Déc 2021
rerum novarum

En traitant dans Rerum Novarum du rôle de l’État dans les domaines économiques et sociaux, Léon XIII s’est attardé sur la légitimité de l’intervention étatique ainsi que sur les limites qu’elle rencontre (cf. Reconstruire, n° 8). Mais, dans un paragraphe précédent, qui échappe habituellement aux commentateurs, le Souverain Pontife prend soin de souligner l’importance d’un État conforme « aux préceptes de la raison naturelle et des enseignements divins. » À ce sujet, il renvoie explicitement à son encyclique Immortale Dei.   Quel est le thème principal d’Immortale Dei ? Promulguée le 1er novembre 1885, la lettre encyclique Immortale Dei est un texte important qui a été malheureusement oublié aujourd’hui. Toutefois, le Catéchisme de l’Église catholique le cite en référence au numéro 2 105 consacré au devoir de rendre un culte à Dieu qui « concerne l’homme individuellement et socialement. » Une autre référence se trouve également au numéro 1 898 à propos de la nécessité d’une autorité pour toute forme de communauté humaine afin de parvenir au bien commun. Dans cette encyclique, Léon XIII condense la doctrine chrétienne de l’État et il est important de noter qu’il met logiquement en dépendance la question sociale et économique avec cette doctrine. S’il ne la développe pas plus longuement dans Rerum Novarum, la raison tient au fait qu’il l’a justement déjà présentée dans Immortale Dei. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un indicateur important sur le fait que la doctrine « sociale » de l’Église est également une doctrine « politique », ou, pour le moins, en dépendance avec la conception naturelle et chrétienne de la politique. D’autant plus que les maux sociaux et économiques auxquels entend répondre Rerum Novarum s’insèrent dans le contexte beaucoup plus global d’un « droit nouveau ». Qu’entend-on par « droit nouveau » ? Si, dans les premières lignes de son encyclique Immortale Dei, Léon XIII rappelle le souci qu’à l’Église des biens humains et des intérêts de la société civile, il met aussi l’accent sur l’apparition d’un « droit nouveau » qu’il distingue des anciennes persécutions païennes alors même qu’il s’agit d’un droit érigé contre le christianisme. Les pouvoirs de l’antiquité, pour être anti-chrétiens, n’en respectaient pas moins des éléments de la loi naturelle. Le fondement même du « droit nouveau » entre, lui, directement en contradiction avec celle-ci. Il est, en effet, le fruit du bouleversement titanesque né des Lumières et traduit dans la pratique par la…

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