Revenu universel : une fausse bonne idée

Publié le 08 Nov 2016
Revenu universel : une fausse bonne idée L'Homme Nouveau

Revenu universel, salaire à vie ou allocation unique, l’idée refait surface en cette période électorale. Les solutions sont diverses et les arguments sont multiples. Mais quelle idée du travail ces projets véhiculent-ils ? En outre, l’assistanat ne saurait être la panacée universelle.

Née chez certains utopistes du XVIe siècle, reprise aux débuts de la Révolution, l’idée revient périodiquement dans le débat politique. En 2006, Christine Boutin avait déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à créer un « dividende universel », calculé à partir de la richesse nationale et attribué mensuellement à tous, actifs ou non. Aujourd’hui différents candidats socialistes à la primaire de gauche (Benoît Hamon, ­Marie-Noëlle Lienemann) comme l’éphémère candidat à la primaire de droite Frédéric Lefèvre font des propositions similaires. Le revenu universel, appelé parfois « revenu de base », est généralement défini comme un revenu distribué de manière inconditionnelle à l’ensemble des citoyens.

Des avis partagés

Les défenseurs d’un tel projet ne sont pas unanimes sur sa mise en œuvre et son financement, ni même sur le montant alloué et les objectifs poursuivis. Certains économistes estiment qu’il faut se contenter de mettre en place une allocation universelle qui permettrait de remplacer la dizaine de minima sociaux catégoriels qui existent déjà (allocation adulte handicapé, RSA, allocation de solidarité spécifique, minimum vieillesse, etc). Cette simplification permettrait de faire des économies de gestion et de distribution et d’opérer une refonte globale du système de protection sociale.

Pour d’autres, il devrait s’agir plutôt d’un revenu universel qui doit accompagner une tendance historique de long terme. Les sociétés développées seraient incapables de créer suffisamment d’emplois, le développement de la numérisation et de la robotique détruisant encore davantage de postes de travail. En janvier dernier, le Conseil national du numérique dans un?rapport remis au ministre du Travail envisage l’instauration d’un « revenu de base » pour « décorréler revenus et travail » et parce que « le travail n’est pas obligatoirement à concevoir comme le moyen privilégié de l’intégration à la fois économique et sociale ».

Quelle validité morale ?

Franck Margain, conseiller régional d’Île-de-France et président délégué du Parti Chrétien-Démocrate, estime que l’idée d’un revenu universel est en accord avec la doctrine sociale de l’Église, « car il garantit l’équité des citoyens entre eux. C’est aussi la reconnaissance de la contribution de chacun pour le bien de la société, même si l’on n’est pas salarié ».

Sans parler du coût d’une telle mesure (une allocation universelle de 750 euros par mois coûterait 565 milliards d’euros par an), on peut s’interroger sur sa validité morale. Un revenu universel, accordé par la société, en complément des revenus d’activité, ne serait-il pas une institutionnalisation de l’assistanat ?

Le travail a évolué dans l’Histoire, et sans doute les formes nouvelles de l’activité et de la production (automatisation, numérique, télétravail, production 3D, développement de ­l’auto-entreprise, etc.) font évoluer considérablement les conditions de travail ou de rémunération. Mais la fin du travail n’est pas pour demain. Depuis la chute originelle, le travail fait partie intégrante de la condition humaine. Saint Jean-Paul II, lors de sa première rencontre officielle avec le monde ouvrier italien à Pomezia en septembre 1979, rappelait que le travail est à la fois « peine et récompense de l’activité humaine ». Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église, s’il définit un « droit au travail », affirme aussi, en trois longs paragraphes, le « devoir de travailler » : « Aucun chrétien, du fait qu’il appartient à une communauté solidaire et fraternelle, ne doit se sentir en droit de ne pas travailler et de vivre aux dépens des autres ».

Si la solidarité doit suppléer, pour un temps plus ou moins long, à l’impossibilité temporaire ou durable de travailler (handicap, âge, chômage), dissocier de façon permanente revenu et activité est une illusion quasiment contre-nature.

Ce contenu pourrait vous intéresser

Société

La République du Panthéon

L’Essentiel de Joël Hautebert | En accueillant Robert Badinter, la République a poursuivi sa liturgie laïque au temple de ses héros. De l’église Sainte-Geneviève au sanctuaire des « grands hommes », le Panthéon incarne la substitution progressive du culte de Dieu par celui de la République.

+

robert Badinter panthéon
SociétéArt et Patrimoine

Transmettre le patrimoine vivant, un défi pour la France

Entretien | Malgré les difficultés et la disparition d’un tiers des événements en cinq ans, les Français restent profondément attachés à leurs traditions festives. Thomas Meslin, cofondateur de l’association « Les Plus Belles Fêtes de France », défend ce patrimoine culturel immatériel et veut lui redonner visibilité et dynamisme grâce à un label national et un soutien accru aux bénévoles. Entretien.

+

patrimoine
Société

Nos raisons d’espérer

L’Essentiel de Joël Hautebert | Malgré l’effondrement des repères et la crise des institutions, il demeure des raisons d’espérer. On les trouve dans ces hommes et ces femmes qui, par leurs vertus simples et leur fidélité au devoir d’état, sont capables d’assumer des responsabilités au service du bien commun.

+

espérer vertu
SociétéFin de vie

Euthanasie : « Pierre Simon voulait faire de la vie un matériau à gérer »

Entretien | Alors que le Sénat reporte une nouvelle fois l’examen du projet de loi sur la fin de vie, l’essayiste Charles Vaugirard publie La face cachée du lobby de l’euthanasie (Téqui). En s’appuyant sur les écrits oubliés de Pierre Simon, fondateur de l’ADMD et ancien grand maître de la Grande Loge de France, il dévoile les racines eugénistes et prométhéennes d’une idéologie qui, selon lui, continue d’inspirer les lois bioéthiques contemporaines.

+

euthanasie pierre Simon
SociétéPhilosophie

La logique, un antidote à la crise de la vérité

C’est logique ! – Entretien | Dans son nouvel ouvrage Devenir plus intelligent, c’est possible ! (Le Cerf), François-Marie Portes invite à redécouvrir les outils logiques de la tradition antique et médiévale. Pour lui, apprendre à définir, énoncer et argumenter n’est pas réservé aux spécialistes : c’est un savoir-faire accessible à tous, indispensable pour retrouver le goût de la vérité dans un monde saturé de discours trompeurs. Entretien.

+

penser portes intelligent logique